La surprenante vérité sur les écarts
des revenus en France
Créé le 16-05-2012 à 15h28 - Mis à jour à 16h02
Contrairement à ce qu'on a pu observé dans la plupart des pays industrialisés, l’écart des revenus entre les riches et les pauvres ne s’est pas creusé. A une exception : les plus fortunés des Français.
Au soir de sa victoire, François Hollande a réitéré son "engagement majeur" pour plus de justice sociale. Et pourtant, en la matière, la France n’est pas si mal lotie. Contrairement à la plupart des pays industrialisés, l’écart des revenus entre les riches et les pauvres ne s’est pas creusé. L’OCDE calcule cette évolution grâce au coefficient de Gini, du nom du statisticien italien Corrado Gini: il varie de 0, lorsque tout le monde bénéficie des mêmes revenus, à 1, qui correspondrait à une situation où une seule personne les percevrait tous. L’Insee note la même évolution, mais avec un bémol : le revenu des très riches (0,01% de la population) a grimpé de 32,7% de 2004 à 2008, alors que le revenu médian des Français n’a progressé que de 5,2%. C’est sans doute à ces 35.000 foyers très privilégiés que faisait référence le nouveau chef de l’Etat.
Leçon n° 1: Redistribution
L’impôt sur le revenu et les prestations sociales compensent les écarts de revenus. Selon Michael Förster, expert de l’OCDE, "ce système réduit les inégalités en France de 30%, contre 25% en moyenne dans les autres pays". Son effet est plus faible depuis la fin des années 1990 car "les transferts sociaux n’augmentent pas au même rythme que les salaires réels".
Leçon n° 2: Féminisation
L’emploi des femmes réduit les inégalités. Depuis vingt ans, la France est un des pays connaissant la plus forte progression du taux d’emploi féminin, avec une augmentation d’un cinquième. Cela a permis de compenser, au sein des ménages, l’augmentation des écarts de revenus entre les hommes.
Leçon n° 3: Répartition
La répartition du temps de travail a un fort impact sur les inégalités de revenus. En France, la réforme des 35 heures a été faite de façon plus égalitaire qu’en Allemagne. "La baisse du nombre d’heures de travail a touché les Allemands les plus pauvres, qui subissent des temps partiels, alors que les réformes françaises ont concerné tous les niveaux de revenus", note Michael Förster.
Pour les patrons du CAC40, la mise en place d'une tranche maximale d'impôt à 75% sur les revenus supérieurs à 1 millions d'euros se traduira par une nette hausse de la somme qu'ils vont devoir verser au fisc l'an prochain. S'il gagne autant qu'en 2011, le PDG de Danone Franck Riboud aurait, par exemple, à payer près de 3,5 millions d'euros d'impôts au titre des revenus versée par l'entreprise qu'il dirige. (c) Reuters
En 2011, les salaires des patrons du CAC 40 ont en moyenne légèrement baissé. Et dès 2013, c’est le fisc qui devrait sévèrement amputer les revenus net après impôts qu'ils vont toucher cette année. Du moins si le nouveau président de la République instaure, comme il l’a annoncé, une nouvelle tranche à 75% applicable sur tous les revenus supérieurs à 1 million d'euros.
Pour avoir une idée précise du montant qu’ils pourraient être amenés à régler l'an prochain au Trésor public, nous avons fait tourner notre simulateur d’impôts en prenant comme hypothèse de départ que leur rémunération resterait la même cette année, que leur épouse ne travaille pas ou (qu’elle perçoit un salaire incomparablement plus faible) et qu’ils n’ont plus d’enfants à charge (à leurs niveaux de salaire, le quotient familial joue très peu) , ni de pension alimentaire à payer. De même n’avons-nous pris en compte que l’impôt dû au titre de leur rémunération (fixe + variable) en excluant les revenus du capital (dividendes, locations de biens immobiliers, etc…) dont les montants sont difficiles à connaître dans leur intégralité.
Près de 3,5 millions d'euros à verser au fisc pour Bernard Arnault et Franck Riboud
Mais même sans ces revenus complémentaires, les résultats sont saisissants : Bernard Arnault, patron de LVMH, serait ainsi redevable auprès du fisc de 3,63 millions d’euros. Il serait ainsi le plus gros contribuable de ce top 40 devant le PDG de Danone, Franck Riboud, qui devrait verser 3,43 millions d’euros d’impôts.
Au total, les patrons du CAC 40 devraient être amenés à verser au fisc plus de 60 millions d’euros uniquement au titre de la rémunération que leur a accordé leur employeur, soit 1,5 millions d'euros chacun en moyenne. C’est nettement plus que ce que le Trésor public leur aurait réclamé si Nicolas Sarkozy avait été réélu. Ainsi, même en intégrant les hausses d’impôts programmées par le Président sortant, les trois dirigeants d’entreprises cotées les plus imposés de France auraient eu à payer 1 million d’euros de moins qu’avec François Hollande.
Une des raisons de cette très forte imposition vient aussi du statut des dirigeants du CAC 40 : la majorité d’entre eux n’ont plus de contrat de travail, conformément aux recommandations du code Afep-Medef sur le gouvernement d’entreprise, qui estime que "le niveau élevé des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux (...) se justifie notamment par la prise de risque" et est "par conséquent incompatible avec le cumul des avantages du contrat de travail".
Aux yeux de l’administration fiscale, ces patrons sont donc imposés comme les commerçants, artisans, et professions libérales, avec une assiette d’imposition plus élevée, car le fisc ajoute à la rémunération les charges sociales payées par la société et les avantages en nature.
Risque de délocalisation de sièges sociaux
Les 4,55 millions de Bernard Arnault se transforment ainsi en un revenu net imposable de…5,6 millions d’euros. Pour Paul Hermelin, le dirigeant de Cap Gemini dont le contrat de travail est "suspendu" depuis 1996 (il n’est pas supprimé pour conserver son ancienneté dans le groupe au moment du calcul de sa retraite), la somme à percevoir par les impôts passe de 896.000 euros à 1,4 million d’euros, pour un salaire de 2,19 millions d’euros.
De nombreuses voix s’élèvent donc contre ce projet de taxation des hauts revenus à 75%. Les lobbys de dirigeants mais d’autres plus surprenantes comme celle d’Alexia de Monterno, la directrice du développement de l’Institut Montaigne, qui calculait en mars dernier dans les colonnes de L’Expansion, que si l'on cumule un barème à 75 %, la CSG, l'ISF et les impôts locaux, on atteint un taux d’imposition de 100 % qui devient confiscatoire. "Cela risque de faire fuir les dirigeants étrangers et d’entraîner pourquoi pas des délocalisations de sièges sociaux pour permettre aux dirigeants français de fuir le fisc " pointe Philippe Poincloux, chez Towers Watson.