• La Turquie lance l?offensive contre les Kurdes

    La Turquie lance l’offensive contre les Kurdes

    LE MONDE | <time datetime="2015-07-27T10:55:56+02:00" itemprop="datePublished">27.07.2015 à 10h55</time> • Mis à jour le <time datetime="2015-07-27T12:36:26+02:00" itemprop="dateModified">27.07.2015 à 12h36</time> | Par

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    Manifestation contre les frappes turques visant des positions du PKK en Irak, à Diyarbakir (au Kurdistan turc), le 25 juillet. </figure>

    Des chasseurs bombardiers turcs ont mené, dans la nuit de dimanche 26 à lundi 27 juillet, un nouveau raid aérien sur les positions des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie) dans le nord de l’Irak. Positionnée à Semdinli (dans la région de Hakkari), l’artillerie turque a visé plusieurs heures durant, dimanche, des bases du PKK situées de l’autre côté de la frontière. Dans le même temps, des chars turcs bombardaient d’autres positions kurdes, en Syrie cette fois, dans le village de Zur Maghar. Ces frappes sont intervenues après l’explosion d’une voiture piégée, dans la nuit de samedi à dimanche, au passage d’un véhicule militaire sur une route près de Diyarbakir, la grande ville kurde du sud-est de la Turquie. L’attentat, qui a causé la mort de deux soldats, a été revendiqué par les Forces de défense du peuple (HPG), le bras armé des rebelles kurdes.

    La Turquie est confrontée à une flambée de violence depuis l’attentat, attribué à un kamikaze turc d’origine kurde ayant effectué des séjours en Syrie, qui a fait 32 morts lundi 20 juillet à Suruç (sud-est), non loin de la frontière avec la Syrie. Deux jours plus tard, le PKK se vengeait en assassinant deux policiers, complices selon lui de complaisance envers les djihadistes, à Ceylanpinar (sud-est).

    Les régions kurdes sont sous tension, des commissariats ont été mitraillés à Diyarbakir, Siirt, Mardin, des voitures ont été brûlées à Kars, sans faire de victimes. Violence aussi à Istanbul, où un policier a été abattu, dimanche 26 juillet, dans le quartier de Gazi, lors de heurts survenus pendant l’enterrement d’une militante d’extrême-gauche, tuée quelques jours auparavant lors d’un coup de filet de la police.

    Quelque 590 personnes – islamistes radicaux, sympathisants du PKK, militants du DHKP-C (gauche radicale) – ont été arrêtées dans 22 régions du pays. Lundi 27 juillet à l’aube, une opération a été lancée dans le quartier de Hacibayram à Ankara, réputé pour ses réseaux de recrutement de djihadistes vers la Syrie. Un climat d’état d’urgence règne, plusieurs sites prokurdes ont été bloqués le 25 juillet tandis qu’une manifestation pour la paix, prévue dimanche 26 à l’appel d’associations de gauche, a été interdite par le préfet d’Istanbul.

    Bombardement contre l’EI

    L’armée turque est sur les dents. L’état-major a fait annuler les vacances des officiers qui servent dans les « zones critiques ». « Les opérations vont continuer jusqu’à ce que les centres de commandements d’où sont programmées les attaques contre la Turquie et les dépôts d’armes soient détruits », a annoncé le premier ministre Ahmet Davutoglu.

    Ces tensions surgissent au moment où le gouvernement turc a effectué un virage à 180° dans la lutte contre l’organisation Etat islamique (EI), lançant son aviation contre des positions des djihadistes au nord de la Syrie. Ankara a également offert l’usage de bases aériennes aux forces de la coalition anti-EI, un tournant par rapport aux réticences formulées jadis pour rejoindre la coalition.

    « La Turquie n’a pas l’intention d’envoyer des troupes au sol en Syrie mais elle pense, comme les Etats-Unis, qu’il faut apporter un appui aérien aux rebelles syriens modérés » , a expliqué M. Davutoglu dans un entretien accordé à plusieurs journaux turcs. Les bombardements turcs sur la Syrie se déroulent au nord d’Alep où des combats font rage entre l’EI et l’Armée syrienne libre.

    C’est précisément sur cette bande de terre que les Turcs ont obtenu des Américains la création d’une « zone tampon » , réclamée de longue date par le président Recep Tayyip Erdogan. « Une fois que l’EI sera chassée de cet endroit, des zones sécurisées apparaîtront naturellement, constituant un abri pour les déplacés », a expliqué samedi le ministre des affaires étrangères Mevlut Cavusoglu.

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    Dans le centre de Diyarbakir, la "capitale" du Kurdistan de Turquie.
Portrait du leader et fondateur du PKK, Abdullah Ocallan dans les locaux du parti pro-Kurde ayant remporté 13 pour cent des votes aux dernières élections législatives de Turquie.

    Portrait d'Ocallan ( PKK)

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    Blanc-seing de la Maison Blanche

    Ankara a apparemment obtenu un blanc-seing sur les raids de l’aviation contre le PKK au Nord de l’Irak. La Maison Blanche a reconnu dimanche le droit des Turcs à « mener des actions contre des cibles terroristes » , selon le conseiller adjoint du président Barack Obama à la Sécurité nationale, Ben Rhodes. Plus mesurée, la chancelière allemande Angela Merkel a invité son homologue turc, Ahmet Davutoglu, dimanche par téléphone, à plus de modération en lui rappelant « le principe de proportionnalité » dans la riposte. En quête de soutien, la diplomatie turque a demandé une réunion extraordinaire du conseil de l’Otan qui aura lieu mardi.

    Deux raisons ont poussé les Turcs à s’entendre avec les Etats-Unis : le risque des infiltrations de djihadistes en Turquie, souligné à l’envi par les services ces derniers mois et aussi la perspective d’un retour de l’Iran sur la scène régionale suite à l’accord trouvé sur le dossier nucléaire. L’engagement turc « change la donne régionale », a fait valoir ­Ahmet Davutoglu.

    « Le cessez-le-feu n’a plus aucune signification après les raids intensifs de l’armée turque d’occupation »

    Négocié pied à pied ces dernières semaines avec Washington, l’accord, salué par les alliés de l’OTAN, s’est assorti de l’ouverture d’un second front contre le PKK en Irak qui a fait voler en éclat le processus de réconciliation avec les rebelles kurdes, engagé en 2012. « Le cessez-le-feu n’a plus aucune signification après les raids intensifs de l’armée turque d’occupation », affirme le PKK dans un communiqué.

    Les deux parties semblent déterminées à brûler tous les ponts, au risque de revenir aux terribles affrontements de la fin des années 1990, quand le sud-est du pays était ravagé par la guerre entre l’armée turque et le PKK, au prix de dizaines de milliers de morts et de millions de déplacés. Cette escalade aura un coût politique et économique au moment où la Turquie a besoin de plus de croissance et d’investissements.

    Nouvelles élections

    Ce changement de cap survient au moment où le parti de la Justice et du développement (AKP, islamo-conservateurs), privé de sa majorité parlementaire depuis les législatives du 7 juin, tente péniblement de former un gouvernement de coalition. S’il n’y parvient pas avant la fin du mois d’août, il y aura de nouvelles élections.

    Selon les analystes, l’AKP entre en guerre contre l’EI et le PKK dans l’espoir de récupérer les voix perdues lors du dernier scrutin. Cette soudaine perte de popularité fut vécue comme une claque pour ce parti, vainqueur haut la main de toutes les élections depuis 2002.

    Le Parti républicain du peuple (CHP, kémaliste) joue lui aussi la carte préélectorale en annonçant sa bonne disposition à former un gouvernement avec l’AKP « pour le salut du pays ». Le grand perdant de la nouvelle donne est le Parti de la démocratie des peuples (HDP, gauche, prokurde), jusqu’ici en première ligne pour négocier l’accord de paix entre le PKK et le gouvernement.

    Les dirigeants du HDP se retrouvent désormais entre le marteau et l’enclume, marginalisés par les autorités pour leurs liens avec le PKK, contourné par la direction militaire du mouvement rebelle, moins encline que jamais à rendre les armes.


     

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