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Le dessinateur Jean-Claude Denis remporte le Grand Prix du Festival d'Angoulême
Le dessinateur Jean-Claude Denis remporte le Grand Prix du Festival d'Angoulême
Compte rendu | | 30.01.12 | 14h14
Angoulême Envoyé spécial - Pour son 40e anniversaire, en 2013, le Festival international de la bande dessinée sera placé sous le signe de l'élégance. Quel autre qualificatif employer pour définir l'oeuvre et le style de celui qui, dimanche 29 janvier, a été désigné Grand Prix de la ville d'Angoulême par l'assemblée des précédents lauréats ?
Si les auteurs de BD ressemblent souvent à leur univers, l'analogie est flagrante avec Jean-Claude Denis. Allure souple et courtoisie incarnée : l'homme donne l'impression d'appartenir aux albums qu'il dessine depuis plus de trente-cinq ans dans un souci permanent de clarté. Ceux qui auraient préféré que le festival récompense un auteur japonais (il n'y en a jamais eu) ou un quadra de type Manu Larcenet regretteront le retour à un certain "classicisme" dans le choix de Jean-Claude Denis.
Pourtant, âgé de 61 ans, celui qui signe sous l'abrégé "Jean-C. Denis" distille des histoires en demi-teintes dont l'action se déroule dans le monde actuel. Malaxer la pâte humaine, creuser la psychologie des personnages est son credo. Navigant entre comédie sociale et réalisme poétique, ses fictions lui valent du coup d'être considéré comme un des auteurs de bande dessinée les plus littéraires. Ses albums portent d'ailleurs un peu des noms de roman : L'Ombre aux tableaux, Bonbon Piment, Maï pen raï, Le Pélican, Tous à Matha... L'un d'eux, Quelques mois à l'Amélie, raconte même la traversée du désert d'un écrivain - récit que Jean-Claude Denis a ensuite prolongé en écrivant un véritable roman. "La bande dessinée, déclarait-il, dimanche, sur la scène du Théâtre d'Angoulême, est l'un des seuls domaines, avec la littérature, où l'on peut être aussi libre. Mais aussi seul également."
Antihéros
A la fois scénariste, dessinateur, coloriste, musicien (ex-membre du groupe Dennis Twist dans les années 1980, il joue aujourd'hui de la guitare en duo avec un autre dessinateur, Charles Berberian), cet ancien élève des Arts déco a également créé un personnage récurrent : Luc Leroi, antihéros désinvolte et décalé ayant bien du mal avec la gent féminine.
Bien que Jean-Claude Denis semble un peu son opposé, l'Américain Art Spiegelman, l'une des rares superstars de la bande dessinée mondiale, qui présidait le jury, aura marqué de son empreinte le palmarès. Chroniques de Jérusalem, le récit du Québécois Guy Delisle racontant l'année qu'il a passée en Israël et dans les territoires occupés, a reçu le Fauve d'or du meilleur album. Le couronnement de ce livre à la subjectivité assumée consacre l'essor d'un genre auquel Art Spiegelman - auteur de Maus - n'est évidemment pas étranger : la BD-reportage.
Le palmarès, enfin, a fait la part belle à la bande dessinée alternative en décernant la moitié des principaux prix à des éditeurs indépendants : L'Association (Prix spécial du jury pour Frank et le congrès des bêtes, de Jim Woodring), Six pieds sous terre (Prix révélation pour TMLP - Ta mère la pute, de Gilles Rochier), Cornélius (Prix regards sur le monde pour Une vie dans les marges, de Yoshihiro Tatsumi), Les Requins Marteaux (Prix de l'audace pour Teddy Beat, par Morgan Navarro) et Ki-Oon (Prix intergénérations pour Bride Stories, de Kaoru Mori).
Issu de l'underground américain et fondateur d'une revue alternative (Raw), qui mieux qu'Art Spiegelman sait que la création artistique se fait aussi en dehors des chemins battus ?
Sur le Web : le palmarès complet du 39e Festival d'Angoulême.
Tags : Culture, Bande déssinée, Palmarès, Jean-Claude Denis
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