• Le FBI frappe la pédopornographie en ligne mais fait des victimes collatérales

    Dernière modification : 05/08/2013 

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    Le FBI frappe la pédopornographie en ligne mais fait des victimes collatérales

    Le FBI frappe la pédopornographie en ligne mais fait des victimes collatérales
    © Wikimedia Commons

    Eric Eoin Marques, soupçonné d'avoir hébergé des sites pédopornographiques, a été arrêté en Irlande dans le cadre d'une enquête du FBI. L'opération a visé le réseau Tor, aussi utilisé par les cyberactivistes pour échapper à la surveillance.

    Par Sébastian SEIBT (texte)
     

    Des sites aux noms aussi tristement évocateurs que "Lolita City", "the Love Zone", ou encore “PedoEmpire” ont été mis hors d’état de nuire. Ils n’existent plus depuis ce week-end, suite à l’arrestation en Irlande, jeudi 1er août, d’Eric Eoin Marques. Cet homme de 28 ans est accusé par le FBI d’être le propriétaire de "Freedom Hosting", qui hébergeait ces cyber-ports d’attache pour pédopornographes, mais aussi des services pour, notamment, des cyberdissidents.

    Eric Eoin Marques, un Irlandais également détenteur de la nationalité américaine, a été décrit par les services américains de renseignement comme "le plus grand pourvoyeur de pédopornographie au monde". "Freedom Hosting" était en effet devenu, depuis sa naissance en 2008, l’un des principaux hébergeurs et acteurs du "dark Web" ou "darknet", une appellation qui recouvre une galaxie de sites qui ne sont pas accessibles sur le Net dit traditionnel et dont l’accès est sécurisé et anonyme. De quoi attirer l'attention de ces prédateurs sexuels qui cherchent à créer et consulter des sites en échappant à tout contrôle, loin, donc, de Google, Yahoo etc.

    De l'armée américaine aux cybercriminels

    Dans le cas de "Freedom Hosting", le sentier de l'anonymat passait par le réseau Tor ("The onion router") qui permet de surfer sans pouvoir être pisté, et qui, par ailleurs, héberge des sites invisibles pour l'internaute lambda (identifiables par leurs adresses internet qui se terminent par .onion). Pour y accéder, il faut être connecté à Tor et utiliser un navigateur spécifique. Un monde d’anonymat, voulu à l'origine par l'armée américaine pour des questions de sécurité, mais qui se révèle aujourd’hui propice au commerce de tout un tas de marchandises illégales. Tor s'apparente ainsi à un grand bazar, où il est possible de trouver des drogues, des armes, des numéros de cartes bancaires volées et aussi, donc, des images pornographiques.

    C’est cette partie du réseau Tor que le FBI a voulu décapiter en faisant fermer "Freedom Hosting". La plupart des commentaires publiés à la suite de l’annonce de la fin de l’hébergeur controversé sur le site Onionnews proviennent d’ailleurs d’internautes qui regrettent ouvertement la disparition de "Lolita City" et autres sites du même acabit.

    Utile aux cyberdissidents et aux journalistes

    Mais ce faisant, l’agence américaine n’a pas seulement frappé la face la plus obscure de Tor. Cette technologie a aussi des avantages qui n'ont pas échappé aux révolutionnaires lors des printemps arabes : elle permet de masquer efficacement l’origine d’une connexion internet. Ainsi en Égypte, les opposants à Hosni Moubarak l'utilisaient pour communiquer entre eux sur l'Internet au moment où le régime s'est mis à censurer drastiquement la Toile.

    Une raison d'être bien plus louable que les responsables du projet Tor se sont empressés de souligner, dimanche 4 août, après le démantèlement de "Freedom Hosting". "Des organisations créent, grâce à Tor, des sites et services cachés pour protéger les dissidents, les activistes ou préserver l’anonymat de personnes victimes de violences domestiques. Des journalistes utilisent également ces services cachés pour transmettre et publier sur l’Internet des informations sensibles sans pouvoir être identifiés", peut-on lire sur leur blog officiel. Une partie de ces services, comme le client sécurisé de messagerie électronique TorMail ou le Hidden Wiki (un wikipedia pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur cet univers), étaient également hébergés par "Freedom Hosting".

    Avec cette opération, le FBI a, certes, fait du tort à l’image de Tor. Mais ce réseau n’est pas mort pour autant. "Freedom Hosting" n’était que le principal hébergeur de sites en .onion, comme le rappelle le site américain Daily Dot. D’autres solutions existent et cyberdissidents comme cybercriminels vont pouvoir se tourner vers elles pour y héberger leurs services. Par ailleurs, le logiciel mis à disposition par Tor pour qu’un internaute puisse se connecter sans risquer d’être repéré par un cyber-censeur – et qui représente la raison d’être principale de Tor – n’est en rien affecté par la fin de "Freedom Hosting".

    Code malveillant

    Reste à savoir comment le FBI a réussi à remonter, dans cet univers d’anonymat avancé, la piste d’Eric Eoin Marques, le responsable présumé de "Freedom Hosting". L’enquête aurait duré plus d’un an, d’après le quotidien irlandais "Irish Independant", mais les autorités américaines ne sont pas entrées dans le détail des méthodes utilisées. Cependant, quelques jours avant ce coup de massue du FBI, des utilisateurs du réseau Tor ont remarqué qu’un code malveillant était apparu sur des sites hébergés par "Freedom Hosting". Rien n’indique qu’il s’agissait ici de l’œuvre du FBI, mais ce code pouvait, d’après plusieurs sites qui l’ont analysé, aider à localiser ceux qui se connectaient aux pages infectées.

    Les États-Unis ont demandé à l’Irlande l’extradition d’Eric Eoin Marques pour qu’il puisse être jugé sur le sol américain. La justice irlandaise doit se pencher sur cette requête à partir du jeudi 8 août. S’il est reconnu coupable aux États-Unis d’avoir facilité l’accès à du matériel pédopornographique, il risque jusqu'à 30 ans de prison.


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