A la veille du week-end, le débat sur le travail dominical et en soirée rebondit. Le gouvernement pensait pourtant avoir déminé temporairement le terrain en confiant en début de semaine une mission à l'ex-président de la Poste, Jean-Paul Bailly. Jeudi 3 octobre, le ministre du travail, Michel Sapin, estimant devant le Sénat qu'il "fallait remettre de l'ordre" sur cette question, n'a pas exclu une nouvelle loi sur le sujet.
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Une nouvelle législation, c'est justement la revendication exprimée par la CGT jeudi. "Nous souhaitons une loi qui permette de donner un cadre commun, précédée d'une concertation entre l'Etat, les syndicats salariés et les syndicats d'employeurs", a déclaré le secrétaire général de l'organisation syndicale, Thierry Lepaon. "Il faut sortir de l'idée selon laquelle, dans chaque entreprise, on peut avoir un cadre différent, ça ne fonctionne pas", a ajouté le leader de la CGT, soulignant l'impact indirect des ouvertures dominicales dans le commerce sur d'autres secteurs comme les transports en commun ou la garde d'enfants.
De son côté, Force Ouvrière, qui avait été à l'origine de la procédure judiciaire ayant abouti à l'interdiction faite à Bricorama d'ouvrir le dimanche, s'est déclarée prête "à respecter un moratoire" sur les actions judiciaires liées au travail le dimanche en attendant les conclusions de la mission Bailly. Celles-ci devraient être rendues fin novembre.
GUÉRILLA JUDICIAIRE
Ces prises de position interviennent alors que l'opinion publique semble avoir choisi son camp : celui de l'ouverture dominicale. Selon un sondage Tilder-LCI-OpinionWay, publié le 3 octobre, 66 % des Français approuvent les deux enseignes (Castorama et Leroy-Merlin) qui ont décidé de continuer à ouvrir le dimanche. Selon une autre enquête d'opinion réalisée par l'institut de sondages IFOP pour Metronews et diffusée le 4 octobre, 69 % des sondés sont favorables à l'ouverture le dimanche, une proportion qui grimpe à 82 % dans l'agglomération parisienne pour 66 % en province.
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La stratégie d'apaisement affirmée par les fédérations syndicales ne sonne pas la fin de la guérilla judiciaire. Le collectif Clic-P, intersyndicale du commerce à l'origine de nombreuses procédures (Sephora, Monoprix, Apple...), ne se sent pas tenu par les déclarations des fédérations syndicales. D'autant que FO vient de quitter Clic-P.
"Il y a un conflit entre la direction des fédérations du commerce et certains militants, notamment ceux de Clic-P", indique Claude Boulle, président de l'Union du commerce de centre-ville. "C'est un peu des soldats perdus du syndicalisme, qui ne répondent ni à la fédération du commerce ni à leur centrale syndicale, ajoute-t-il. Mais qui font des barouds d'honneur sur des questions de principe, et qui sont coupés du quotidien des salariés en région parisienne."
Influents sur Paris et dans les grands magasins, "ils ont eu le vent en poupe durant les discussions sur le travail dominical de la Loi Maillé en 2009 et lors de l'antagonisme entre la Mairie de Paris et le gouvernement Sarkozy sur le travail dominical, ajoute M. Boulle. Depuis, ils font du harcèlement juridique sur toutes les situations qui ne sont pas au carré, notamment lorsqu'il s'agit de très grandes marques comme Sephora, Monoprix, pour donner de la visibilité à leur action".
AUTORISATIONS MÊME PROVISOIRES
Dimanche 6 octobre en tout cas, les enseignes de bricolage Castorama et Leroy Merlin, attaquées, elles, par leur concurrent Bricorama, seront ouvertes au public. Les deux enseignes ont été condamnées en référé par le tribunal de commerce de Bobigny le 26 septembre à fermer six Castorama et neuf Leroy Merlin d'Ile-de-France le dimanche. Avec une astreinte provisoire de 120 000 euros par magasin et par dimanche en cas de non-respect de cette décision.
Depuis, les deux groupes qui ont fait appel de cette décision, se démènent pour avoir des autorisations, même provisoires, dont "certaines, pour le dimanche 29 septembre, ont été obtenues en 48 heures", nous explique-t-on chez Castorama. Car la décision du tribunal s'applique, "sauf autorisation administrative exécutoire portant dérogation au principe du repos dominical des salariés", indique le compte rendu de la décision.
"Nous n'avons pas bravé l'interdiction car nous avions les autorisations dimanche 29 septembre", indique Castorama. Car la stratégie des enseignes de bricolage, c'est de tenir le plus longtemps possible. "On étudie toutes les voies de recours pour avoir les autorisations pour que les magasins ouvrent leurs portes : soit en demandant le classement en zone PUCE [périmètre d'usage de consommation exceptionnel], soit en obtenant une autorisation préfectorale, soit en obtenant une dérogation municipale, soit en utilisant les 5 dimanches du maire par an [que celui peut accorder au moment des fêtes...], le temps d'obtenir des autorisations pérennes", explique Castorama.
Au moins jusqu'au 22 novembre, date à laquelle le tribunal doit juger sur le fond l'affaire opposant Bricorama à Castorama et Leroy Merlin. Attaqué par les syndicats, Bricorama, qui avait dû fermer ses magasins le dimanche ou payer des astreintes, accuse ses concurrents de distorsion de concurrence.
Vendredi, le tribunal de grande instance de Paris devait aussi examiner la requête de 101 salariés du Sephora des Champs-Elysées, qui ont assigné en référé le Clic-P, à l'origine de la décision de justice obligeant le parfumeur à fermer son magasin à 21 heures.