• Le général al-Sissi, tombeur des Frères musulmans, poussé vers la présidentielle

    Dernière modification : 02/10/2013 

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    Le général al-Sissi, tombeur des Frères musulmans, poussé vers la présidentielle

    Le général al-Sissi, tombeur des Frères musulmans, poussé vers la présidentielle
    © AFP

    Une campagne à la gloire du général Abdel Fattah al-Sissi, orchestrée par le pouvoir, bat son plein depuis quelques semaines en Égypte. L'homme fort du pays est chaleureusement prié de se présenter à la prochaine présidentielle.

    Par Marc DAOU (texte)
     

    De facto au pouvoir en Égypte depuis le 3 juillet, date du coup d’État contre le président Mohamed Morsi, l’omnipotent et très populaire général Abdel Fattah al-Sissi ambitionne-t-il de briguer la présidence égyptienne ? S’ils voulaient préparer l’opinion égyptienne à une telle perspective, les médias et les milieux proches du pouvoir actuel ne s’y prendraient pas autrement.

    Alors que l’élection est prévue pour le premier semestre de 2014, une campagne de promotion louant les qualités du général au torse bardé de médailles bat son plein depuis quelques semaines en Egypte. Les clips diffusés à la télévision, les groupes sur les réseaux sociaux et les affiches placardées dans les rues à la gloire du "tombeur des Frères musulmans" sont devenues monnaie courante dans le pays.
     
    Une campagne orchestrée par le pouvoir
     
     
    Une image à la gloire du général Sissi dans la maison d'une Égyptienne partisane du chef de l'armée.Mehdi Chebil / FRANCE 24
    "Le chef de l’armée égyptienne poussé vers la présidentielle", titrait lundi al-Ahram, le quotidien le plus connu du pays. L’article explique que les spéculations qui propulsent Abdel Fattah al-Sissi à la tête de l’État sont le fruit du pic de popularité qu’il atteint ces derniers mois. "Des talk shows et des éditoriaux plaident, depuis un mois, en faveur d’une candidature du général à la présidentielle afin de combattre la menace terroriste, à laquelle, selon eux, fait face le pays", écrit al-Ahram, qui appartient à l’État égyptien.
     
    Les médias locaux font également état de la multiplication des mouvements civils de soutien au chef d'état-major de l'armée égyptienne. Comme celui baptisé "al-Sissi président", ils militent à l’unisson en faveur d’une candidature à la présidentielle. Présentés comme étant spontanés, ces mouvements ont lancé des pétitions dans le but de réunir plusieurs dizaines de millions de signatures d’Égyptiens afin de convaincre le général de se présenter. Et ce malgré lui, puisqu’il a publiquement écarté jusqu’ici une telle possibilité.
     
    "Il est clair et certain que ces mouvements sont savamment, au moins partiellement, orchestrés par le pouvoir, à l’instar de la campagne menée par les médias officiels et les personnalités politiques proches des militaires en faveur d’une candidature d’al-Sissi", explique à FRANCE 24 Masri Feki, chercheur en géopolitique Université Paris VIII et auteur de "Les révoltes arabes : géopolitique et enjeux", aux Éditions Studyrama. "Toutefois cette manœuvre est inquiétante si l’ordre constitutionnel n’est pas respecté, même aux yeux de ceux qui ont soutenu le renversement du président Morsi", ajoute-t-il.
     
    Al-Sissi, digne successeur de Nasser ?
     
    Le chercheur égyptien estime qu’une telle campagne peut aisément trouver un puissant écho au sein de la société puisque l’homme est réellement populaire dans le pays. "Il est populaire c’est incontestable même s’il est difficile de mesurer cette popularité en dehors d’une élection, note Masri Feki. N’oublions pas qu’au Moyen-Orient, dans les pays qui apprennent la démocratie, le peuple aime voir au pouvoir un chef viril, un homme providentiel qui prend des décisions tranchantes".
     
    Nombreux sont ceux en Égypte qui comparent le général al-Sissi au président le plus populaire de l’histoire égyptienne Gamal Abdel Nasser. "Les deux hommes partagent notamment le fait d’avoir lutté contre la confrérie des Frères musulmans, ce qui fait d’al-Sissi le favori du courant nassérien qui voit en lui le successeur de Nasser", précise Masri Feki.
     
    Un général sans rival
     
     
    Un poster géant du général Sissi avec le message en anglais "C'est quelqu'un à qui on peut faire confiance".Mehdi Chebil / FRANCE 24
    Selon un ancien diplomate égyptien, en poste en Europe sous Hosni Moubarak, le général al-Sissi bénéficie en plus d’une conjoncture unique. "Vu sa popularité, qu’elle soit réelle ou exagérée par les médias proches du pouvoir, le général peut se targuer de n’avoir aucun rival à sa taille, nul ne jouit de la même légitimité que lui en ce moment, explique-t-il à FRANCE 24 sous le sceau de l'anonymat. En outre, la situation interne, à savoir l’insécurité et la crise économique, joue en sa faveur, car le peuple sent qu’il a besoin d’un homme fort, ce qui tombe bien pour celui qui a revêtu l’habit du sauveur en renversant les Frères musulmans".
     
    Selon le diplomate, "il sera impossible pour le nouveau président issu des urnes, à moins qu’il soit une marionnette de l’armée, de gouverner tout en sachant qu’il est guetté par l’homme le plus puissant du pays, à moins qu’il ne parvienne à écarter al-Sissi, ce qui au jour d’aujourd’hui est tout simplement inimaginable".
     
    Même Amr Moussa, figure de l’opposition au pouvoir du président Morsi et ancien candidat à la présidentielle de 2012, a concédé que si jamais al-Sissi, "l’homme le plus populaire du moment" se présente à la présidentielle, il gagnera.
     
    Reste à savoir si le général cèdera à la tentation en se présentant pour répondre à l’intenable "pression populaire", où s’il restera dans l’ombre en faisant élire un proche de l’armée. "L’histoire égyptienne regorge d’exemples de personnalités qui ont juré ne pas vouloir se présenter avant de finalement endosser le costume de président, et rien n’empêche le général al-Sissi de démissionner de ses fonctions militaires pour se présenter à la présidentielle", ajoute Masri Feki. "Il faudra à ce moment s’assurer qu’il a été élu à la suite d’élections étroitement surveillées, et que la nouvelle constitution soit rédigée et votée avant la présidentielle afin d’éviter tout dérapage". 
     

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