• Le Goncourt, cirque médiatique?

    Dernière modification : 02/11/2011 

    Le Goncourt, cirque médiatique ou prix littéraire de prestige ?

    Le Goncourt, cirque médiatique ou prix littéraire de prestige ?

    L’attribution du plus prestigieux des prix littéraires français fait chaque année l'objet d'une couverture médiatique quasi frénétique. Sans que l’on comprenne toujours la pertinence de cette récompense...

    Par Guillaume GUGUEN (texte)
     

    "Pour une fois que le Goncourt honore un Jenni…" La plaisanterie fuse sous les lustres du très sélect restaurant Drouant, à Paris, où le jury du Goncourt vient de décerner, ce mercredi 2 novembre, son prix à "L’Art français de la guerre " (Gallimard), premier roman d’Alexis Jenni. Des quolibets, la célèbre récompense littéraire française en essuie chaque année. Médiatisation excessive, académisme ronflant, copinage à peine voilé… les griefs formulés à l’encontre de l'illustre prix sont légion mais n’ont jamais réellement entamé la frénésie médiatique que suscite son attribution.

    Comme ses récents prédécesseurs, le lauréat 2011 a été accueilli par une horde de journalistes lors de son arrivée au restaurant Drouant. Il semble loin le temps où l'attribution du premier Goncourt, en 1903, faisait seulement l'objet d'une courte brêve dans Le Figaro...

    Soudainement érigé au rang de star littéraire, Alexis Jenni, professeur de biologie lyonnais âgé de 48 ans, assure aux micros qui lui sont tendus être "extrêmement fier et heureux de passer comme cela d'un premier roman à ce prix prestigieux". Et d’ajouter : "J'ai mis cinq ans à écrire ce livre, il me faudra un peu de temps pour réaliser."

    Suiveur

    Cet "écrivain du dimanche", comme il se définit lui-même, était pourtant donné gagnant depuis des semaines. Pour nombre de critiques, "L’Art français de la guerre" avait tout du Goncourt idéal. À mi-chemin entre le récit de guerres (celles que la France mena en Indochine et en Algérie) et le pamphlet politique (débat sur l’identité nationale), le premier roman d’Alexis Jenni est l’un des best-sellers de la rentrée littéraire (il s’est déjà vendu à 56 000 exemplaires). Un accueil favorable qui n’est sans doute pas étranger à l’attribution du prix. "Depuis plusieurs années, le Goncourt capitalise sur un succès critique et public déjà existant, commente Augustin Tapenard, chroniqueur littéraire à FRANCE 24. Ce fut le cas avec Marie NDiaye en 2009 et Michel Houellebecq en 2010."

    Autrefois défricheurs de talents, les jurés de la célèbre récompense semblent s’être résignés à jouer les suiveurs. "Dans ce contexte difficile pour le marché du livre, le Goncourt a lui aussi besoin de visibilité s’il veut conserver tout son prestige", affirme Augustin Tapenard. Aussi les Sages préféreront-ils couronner un livre déjà bien en vue sur les étals plutôt qu’un roman oublié dans les cartons des libraires.

    Prescripteur

    Alexis Jenni aiderait-il donc davantage le Goncourt que l'inverse ? Pas si sûr. "Ce prix demeure un formidable démultiplicateur de ventes", observe Bernard Lehut, chroniqueur littéraire à RTL. Un livre arborant le fameux bandeau rouge "s’écoule, en moyenne, à 400 000 exemplaires". "C’est comme un prix Nobel que l’on attribue à un écrivain français qui aura ensuite la chance d’être traduit à l’étranger", abonde Pierre de Vilno, animateur de l’émission "Café culture" sur Europe 1. Même son de cloche chez Mohammed Aissaoui, journaliste au Figaro Littéraire : "Le Goncourt peut faire vivre une maison d’édition pendant trois ans."

    Seulement voilà, rares sont les maisons d’édition qui peuvent se targuer d’avoir glané le précieux sésame. Accusés de ne récompenser que les grands groupes (Gallimard, Grasset, Le Seuil), les Sages du Goncourt se sont une nouvelle fois exposés aux reproches de leurs détracteurs, qui voient dans ce prix 2011 un cadeau offert au centenaire Gallimard. "Sans doute le fait d’être publié l’année où la maison fête officiellement son centième anniversaire, n’était-il pas le pire des handicaps", écrit le critique Grégoire Leménager sur le site du Nouvel Observateur à propos du livre d’Alexis Jenni.

    Le nouveau Goncourt n’en demeure pas moins une "œuvre exigeante", juge Augustin Tapenard. "Sur les quatre finalistes, c’est le choix le plus juste. ‘Le roman de Jenni est une œuvre qui capte parfaitement l’essence de la France." Un enthousiasme qu'est loin de partager Nelly Kapriélian, critique à l’hebdomadaire Les Inrocks : "L’Art français de la guerre" est "un roman qui semble tellement conçu comme de 'l’attrape-Goncourt' (la guerre, l’histoire, le sérieux obligé, l’académisme de l’écriture, l’épaisseur du volume, la couverture de la Blanche...) qu’on se demande comment le jury du prix a même pu tomber dans un tel piège..."


    Le premier roman d'Alexis Jenni, grand favori du Goncourt

     Le premier roman d'Alexis Jenni, grand favori du Goncourt 

    Le jury du Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires français, dévoilera mercredi le nom du lauréat 2011. Sur les quatre auteurs en lice, Alexis Jenni (photo), avec son premier roman "L'Art français de la guerre", part favori.

    Par Dépêche (texte)
     

    AFP - Qui décrochera le Goncourt 2011, le plus prestigieux des prix littéraires français et machine à best-sellers ? Difficile de ne pas déjà l'attribuer à Alexis Jenni, dont le premier roman est couvert d'éloges. Mais rien n'est joué. Le suspense sera levé mercredi à 13H00.

     

    C'est à cet instant redouté par les quatre prétendants que la présidente du jury, Edmonde Charles-Roux, annoncera le nom du lauréat, après avoir débattu avec ses pairs dans un salon feutré du sélect restaurant Drouant.

    Dans le même temps, chez Drouant, les jurés du Renaudot dévoileront leur champion parmi quatre concurrents, eux aussi sur des charbons ardents.

    Outre Alexis Jenni, l'auteur du superbe "L'Art français de la guerre", publié chez Gallimard qui fête cette année son centenaire, les prétendants au trône du Goncourt s'appellent Sorj Chalandon, déjà sacré jeudi par le Grand prix du roman de l'Académie française, Carole Martinez, également chez Gallimard, et Lyonel Trouillot, écrivain haïtien édité par Actes Sud.

    Longtemps, Alexis Jenni a écrit "pour se faire plaisir", entre deux cours donnés au lycée, et se considérait jusqu'ici comme "un écrivain du dimanche". Cet agrégé de biologie de 48 ans n'a pourtant jamais cessé d'écrire, mais "de petites choses", dit-il, restées dans ses tiroirs.

    "Je suis modeste, c'est un handicap un peu ridicule, je sais", écrit Jenni sur son blog dessiné, "Voyages pas très loin".

    Pourtant, "L'Art français de la guerre", premier roman publié de ce professeur lyonnais, envoyé par la poste à un seul éditeur, Gallimard, a fait l'effet d'une bombe. Et pourrait le propulser au sommet.

    Certains critiques ont même cru à un nouvel Emile Ajar. "Jenni" ? Trop beau pour être vrai. Ce doit être le pseudonyme d'un auteur connu...

    Guerres coloniales

    C'est pourtant bien le véritable nom de ce père de trois enfants aux origines suisses-allemandes que trahit sa blondeur striée de blanc, cheveux en bataille et barbe de trois jours. Son grand art est bien le sien.

    Dans sa fresque de 630 pages, épopée épique entre Indochine et Algérie, il enchaîne les scènes de combats poisseuses, charnelles, évoque l'omniprésence des vingt ans de guerres coloniales dans les esprits d'aujourd'hui, questionne l'identité nationale.

    De rares auteurs ont déjà décroché le Goncourt avec un premier roman, dont Jonathan Littell, en 2006, avec "Les Bienveillantes".

    N'oublions pas les autres "goncourisables".

    Avec "Retour à Killybegs" (Grasset), Sorj Chalandon s'est replongé dans l'Irlande du Nord et la douleur de la trahison, déjà au coeur de son roman "Mon traître".

    Romancier et poète, Lyonel Trouillot met en scène dans "La belle amour humaine" un dialogue décalé entre un Haïtien et une jeune occidentale, en quête de réponses sur son père qu'elle a à peine connu.

    Recréant la féerie de son premier roman "Le coeur cousu", plébiscité en 2007, Carole Martinez prête sa voix, dans "Du Domaine des Murmures", à une jouvencelle du Moyen-Age qui se fait emmurer vivante pour se donner à Dieu, mais que la fureur du monde rattrapera.

    Quatre auteurs sont en lice pour le Renaudot : Emmanuel Carrère, qui brosse avec maestria dans "Limonov" (P.O.L) le portait de cet écrivain russe sulfureux devenu leader ultranationaliste, dont la vie ressemble à un roman d'aventure.

    Eric Reinhardt dépeint dans "Le Système Victoria" (Stock) la liaison torride et vénéneuse entre une femme d'affaire et un architecte. Morgan Sportès s'attaque au Gang des barbares avec "Tout, tout de suite" (Fayard) et Shumona Sinha à l'immigration dans "Assommons les pauvres !" (L'Olivier).


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