Le Parlement a adopté définitivement mercredi soir, par un ultime vote de l'Assemblée, le projet de loi controversé sur le renseignement, défendu notamment au nom de la lutte antiterroriste par le gouvernement mais qui légalise des pratiques contestables des services selon ses détracteurs.
En plein scandale d'espionnage des dirigeants français par les Etats-Unis, le texte a été voté à main levée par une large majorité des députés présents, mais avec des voix dissidentes dans presque chaque groupe politique. Le texte était soutenu par les socialistes, les radicaux de gauche, une grande majorité des Républicains et de l'UDI alors que le Front de gauche et une majorité des écologistes avaient appelé à voter contre.
Ce que dit la loi sur le renseignement
Mise en chantier l'an dernier, son élaboration a été accélérée par l'exécutif au lendemain des attentats qui ont fait 17 morts début janvier à Paris. De la prévention d'attentats à l'espionnage économique, le texte définit un large éventail des missions des services de renseignement, ainsi que le régime d'autorisation et contrôle de nombreuses techniques d'espionnage (écoutes, pose de caméra ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc).
Dénonçant les discours sur de "prétendues atteintes aux libertés publiques", le rapporteur socialiste Jean-Jacques Urvoas a insisté sur la "création pour la première fois d'un cadre juridique démocratique des activités des services de renseignement" en France. "Là où les services estimaient que leur légitimité l'emportait sur toute autre considération, ils devront désormais agir dans le respect du principe inverse, leurs prérogatives particulières n'étant admises qu'à la condition qu'elles soient justifiées et proportionnées", a-t-il plaidé.
Révélations sur la NSA la veille: coïncidence?
Face à la controverse suscitée par ce texte, critiqué par de nombreuses ONG, syndicats de magistrats et de journalistes notamment, François Hollande avait annoncé par avance qu'il saisirait lui-même - fait inédit - le Conseil constitutionnel, au terme de la navette parlementaire, pour apporter la "garantie" que ce texte est "bien conforme" à la Constitution.
Un point en particulier a cristallisé les débats: la mise en place, sur les réseaux des opérateurs, d'outils d'analyse automatique (un algorithme) pour détecter par une "succession suspecte de données de connexion" une "menace terroriste", un dispositif qualifié de "boîte noire" par ses détracteurs qui le comparent aux pratiques de "surveillance généralisée" de la NSA.
Dans ce contexte, la révélation de l'espionnage du président Hollande et ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac pratiqué pendant des années par la NSA est apparue tout sauf fortuite au ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. "La date choisie peut laisser craindre des amalgames entre les pratiques de certains services étrangers et le contenu de ce texte. De telles pratiques ne sont en aucun cas celles de la France", a-t-il martelé.