• Le président Morsi sur la sellette, les militaires aux aguets


    Le président Morsi sur la sellette, les militaires aux aguets

    Le président Morsi sur la sellette, les militaires aux aguets
    © AFP

    Deux ans après la révolution du Nil, l'Égypte est à nouveau plongée dans un chaos. Le président égyptien Mohamed Morsi traverse, depuis une semaine, une période de crise sans précédent depuis son élection en juin dernier.

    Par Marc DAOU (texte)
     
    Snobé par l’opposition, qu’il avait appelée à dialoguer avec lui, contesté et défié dans la rue malgré le couvre-feu qu’il avait décrété dans trois provinces, le président égyptien Mohamed Morsi, accusé d’autoritarisme, traverse depuis une semaine une crise sans précédent depuis son élection en juin dernier.
     
    Malgré une nette accalmie ces deux derniers jours, deux hommes ont été tués par balles, ce mercredi près de la place Tahrir au Caire, portant le bilan des manifestations contre le pouvoir à 54 morts en sept jours. Deux ans après la révolution du Nil, le pays est à nouveau plongé dans un chaos doublé d’une crise politique aiguë.

    Camouflets et autoritarisme

    La veille, l’armée, appelée à la rescousse par la présidence pour circonscrire la crise, avait lancé un avertissement aux islamistes au pouvoir et à l’opposition. "La poursuite du conflit entre les forces politiques et leurs divergences sur la gestion du pays pourraient conduire à un effondrement de l'État et menacer les générations futures", a ainsi éclaré le ministre de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi devant les étudiants de l'académie militaire.

    "Il s’agit ni plus ni moins d’un camouflet de plus pour le président Morsi. Il se voit implicitement rappelé à l’ordre par les militaires, lui qui a tant œuvré pour les écarter du pouvoir, et ce, après avoir été contraint de les remettre sur le devant de la scène tant il est impuissant à résoudre la crise", persifle un politologue égyptien qui a requis l’anonymat, joint au Caire par FRANCE 24.

    Pis pour Mohamed Morsi, sur la célèbre place Tahrir, les manifestants ont remis au goût du jour leur célèbre slogan "Le peuple demande la chute du régime", qui avait eu raison du président Hosni Moubarak, laissant entendre qu’il n’y a pas de différence entre la gouvernance de l’ancien autocrate octogénaire et son successeur issu des Frères musulmans. Et pour cause, au cours du mois de novembre, il s'était octroyé, par décret, des pouvoirs renforcés et rendu ses décisions incontestables devant les tribunaux du pays, avant de faire machine arrière face au tollé qu’il avait suscité. En décembre, il a promulgué la nouvelle Constitution du pays, rédigée par une commission dominée par les islamistes et approuvée par un référendum largement boycotté par l’opposition, et, selon cette dernière, entaché d'irrégularités.

    L’opposition pose ses conditions

     

    Même à Berlin, où le président égyptien est en visite officielle ce mercredi, des dizaines de manifestants ont protesté contre le pouvoir et les violences policières en Égypte. En marge de sa rencontre avec la chancelière allemande Angela Merkel, Mohamed Morsi a assuré qu'il voulait faire de l'Égypte "un État de droit" qui respecte "des opinions divergentes".
     

    Mais les deux principales figures du FSN, l'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Mohamed el-Baradei et l'ancien secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa, ont habilement infléchi leurs positions, ce mercredi. Ils consentent désormais à une réunion d'urgence avec le président Morsi, sa formation le Parti de la Liberté et de la Justice (vitrine politique des Frères musulmans), les ministres de l'Intérieur et de la Défense ainsi que le courant salafiste. Mais ils conditionnent à certaines garanties leur participation à un "dialogue sérieux". Ils exigent ainsi la formation "d'un gouvernement de salut national", d’une "commission pour amender la Constitution", et le fait que la présidence assume la responsabilité des violences de ces derniers jours.

    "Le président Morsi, déclaré vainqueur de la présidentielle de juin avec un peu plus de 51 % voix, ne peut plus prétendre représenter la majorité des Égyptiens, car tous ceux qui ont voté pour lui par défaut, comme la gauche, sont désormais dans la rue", expliquait récemment à FRANCE 24, Masri Feki, chercheur en géopolitique à Paris VIII et spécialiste de l’Égypte.

    En clair, à quelques mois des législatives du mois d’avril, "l’opposition dit qu’elle n’est pas fermée au dialogue, qu’elle veut mettre un terme à la crise, jetant ainsi la balle dans le camp du président Morsi, à qui il revient désormais de faire des concessions que son camp jugerait inacceptable", explique le politologue joint par FRANCE 24. Personne en Égypte n’aimerait être à la place de Mohamed Morsi, précise-t-il. Ce qui enferme le chef d’État égyptien dans un cercle vicieux.

    L’armée pour jouer les arbitres ?

    D’après Hassan Nafaa, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, l’armée ne peut pas éternellement rester passive face à l’aggravation de la crise. "Même si personne en Égypte ne souhaite voir les militaires revenir au pouvoir, nul ne s’opposera à ce qu’elle joue un rôle pour éloigner le risque d’effondrement de l’État si les partis politiques ne se montrent pas plus responsables". Il ajoute que la persistance du chaos actuel nuit gravement à l’autorité de l’État, à la présidence et à l’opposition. "Toute la classe politique est perdante dans cette crise", estime-t-il.

    Selon lui, une sortie de crise peut être envisagée si le président Morsi, "qui est un acteur de la crise actuelle, chargeait le ministre de la Défense [donc l’armée, NDLR] de conduire le dialogue entre les parties adverses afin d’en garantir l’impartialité et de parvenir à un accord acceptable pour les deux". 

    L’armée, dans le rôle de l’arbitre ? "Elle n’attend que ça !" conclut le politologue cairote.


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