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Le prix Interallié décerné à Morgan Sportès
Le prix Interallié décerné à Morgan Sportès pour "Tout, tout de suite"
LEMONDE.FR avec AFP | 16.11.11 | 18h57 • Mis à jour le 16.11.11 | 19h05
L'Interallié, dernier grand prix littéraire de la saison en France, a couronné mercredi 16 novembre Morgan Sportès pour Tout, tout de suite (Fayard), roman-enquête glaçant sur le crime du "Gang des barbares", qui avait saisi d'effroi la France en 2006. "Mon livre est un livre politique. Je me considère comme un anthropologue de notre société, et vingt ans après L'Appât, c'est la même ère du vide, en pire", a déclaré le lauréat. "C'est un symptôme social que je décris, et non un fait divers."
Invité surprise du jury qui l'avait d'abord écarté, le lauréat a obtenu six voix au troisième tour contre trois à Stéphane Hoffmann pour Les Autos tamponneuses (Albin Michel) et deux à Delphine de Vigan pour Rien ne s'oppose à la nuit (JC Lattès). Ravi de ce prix, le lauréat s'est félicité d'avoir "déjà la reconnaissance du public, avec cinquante mille exemplaires vendus jusqu'ici".
Né le 12 octobre 1947 à Alger, d'un père algérien juif et d'une mère bretonne, Morgan Sportès a vécu en Algérie jusqu'à l'indépendance du pays, en 1962. Adulte, il a aussi habité en Thaïlande et au Japon. Auteur d'une vingtaine d'ouvrages, l'écrivain pratique tous les genres, roman historique, autobiographie, roman-enquête, satire, thriller détourné, comme Maos, en 2006.
"LES DIALOGUES PATHÉTIQUES DES BOURREAUX"
Tout, tout de suite, relève Morgan Sportès, "c'est un témoignage de l'effroyable vide que la société a laissé se creuser en son sein, du degré d'aliénation de ces jeunes, couplé à leur indigence intellectuelle". Début 2006, le jeune Ilan Halimi, de milieu plutôt modeste, supposé riche par ses ravisseurs parce que juif, est enlevé, séquestré, torturé pendant vingt-quatre jours et assassiné par une bande d'une vingtaine de jeunes, menée par Youssouf Fofana. Le procès principal s'est déroulé d'avril à juillet 2009.
"Pendant deux ans, j'ai reconstitué leur crime dément, sans juger, mais sans excuser, en ne pouvant me défaire parfois, en dépit de la monstruosité de leurs actes, d'une certaine ironie face à ces mômes qui n'avaient rien dans le crâne", reconnaît l'auteur. "Je me suis attaché à restituer les dialogues pathétiques des bourreaux. J'ai interrogé les inspecteurs de la crim', la juge d'instruction, lu les scripts des coups de fil entre le père d'Ilan et les ravisseurs, correspondu avec certains membres de la bande...", explique l'écrivain. "Ces gosses n'avaient aucune empathie. Ils étaient soudés par l'obsession morbide du 'tout, tout de suite'", avance l'auteur, qui dit s'être aussi inspiré du style impersonnel de Primo Levi racontant Auschwitz. "Une question d'éthique et de morale pour décrire l'horreur."
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