• Le PS bousculé par la colère ouvrière

    Politique  |  14 avril 2013

    Le PS bousculé par la colère ouvrière

    Chahutés par des salariés de Peugeot, Jean-Marc Ayrault et Harlem Désir ont maintenu le cap du "sérieux budgétaire". Mais le débat continue. 

    Harlem Désir salariés PSA Conseil national PS

    Paru dans leJDD

    Le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, entouré par des ouvriers de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), samedi, lors du conseil national du PS à la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette (Paris). Après un moment de flottement, le responsable socialiste a décidé de leur laisser le micro. (Bernard Bisson/JDD)

    Et soudain, la réunion a basculé. Le Premier ministre a été évacué, par son service de sécurité paniqué. Et cinquante ouvriers ont envahi la tribune, hurlant "aucune usine ne doit fermer", "interdiction des licenciements" et même "le changement, c’est maintenant". Il était à peine 11 heures, samedi matin, dans l’amphithéâtre de la Cité des sciences de la Villette, où se tenait le conseil national du PS. Guillaume Bachelay, le numéro 2 du Parti, prononçait un discours de gauche, comme à son habitude. Il n’a pas bronché quand il a vu ces salariés énervés rentrer dans la salle. Au pied de la tribune, quelques ministres et des dirigeants socialistes semblent hésiter sur l’attitude à tenir. Finalement, la sono annonce : "Harlem Désir a décidé de vous laisser la parole" et Jean-Pierre Mercier, leader CGT de cette usine fermée, saisit le micro. Autour de lui, ses camarades brandissent une banderole, "non à la fermeture de PSA Aulnay". Face à des ministres muets et face à une salle qui l’applaudit chaleureusement à de multiples reprises, le syndicaliste commence doucement : "Nous sommes dans une bataille pour l’emploi et contre les licenciements. Est-ce que le gouvernement doit intervenir?"

    Benoît Hamon, ministre délégué à l’Économie solidaire et ex-leader de l’aile gauche du PS, glisse à son voisin : "Tu vois, quand le réel s’invite à nos débats…" À la tribune, le syndicaliste développe les raisons de leur grève, justifie leurs méthodes, les ouvriers scandent : "Les casseurs, c’est les patrons, on est des ouvriers." Puis Mercier accuse : "Avec Cahuzac, vous avez eu le sentiment de vous faire trahir. Eh bien, nous nous sommes sentis trahis quand le gouvernement n’est pas intervenu face à PSA."

    L’"irruption du réel"

    Onze mois après l’élection de François Hollande, quand des ouvriers s’estiment trahis par le gouvernement, les cadres socialistes applaudissent, comme s’ils savaient que ce quinquennat avait commencé sous le signe de la tromperie. Les ministres, eux, ne bronchent pas. Une fois leur coup d’éclat réussi, les syndicalistes d’Aulnay partent discuter avec Harlem Désir, Guillaume Bachelay, Jean-Marc Germain et Daniel Goldberg, le député PS de leur circonscription. Face à la presse, les ministres parlent. Pierre Moscovici, qui avait été pris à partie par un syndicaliste parce qu’il est élu du Doubs, siège de Peugeot : "Je suis membre d’un gouvernement mais je suis ici en tant que socialiste. Je ne suis ni l’ami ni le complice de la famille Peugeot." Hamon : "Ça ne m’effraie pas. C’est plutôt bien que des gens viennent interpeller le PS." François Lamy, ministre délégué à la Politique de la ville : "Je n’avais pas besoin de cette intrusion pour me rappeler le réel. Le social, je le vois toutes les semaines en banlieue." Quand le débat reprend son cours, c’est Emmanuel Maurel, leader de la gauche du PS, qui parle et enfonce le clou : "Cette irruption du réel nous ramène aux contradictions de la gauche au pouvoir."

    "Ouvrir une confrontation face aux politiques d’austérité"

    L’Histoire est souvent cruelle. L’incursion des ouvriers donne chair au débat qui traverse la gauche et le gouvernement sur l’austérité, mise en oeuvre en Europe et en France. Arnaud Montebourg, Cécile Duflot puis Benoît Hamon ont posé ces questions dans les médias cette semaine. Une offensive concertée, dimanche soir, autour d’un dîner auquel participait également Christiane Taubira. "On voulait que nos interviews se répondent", témoigne l’un des quatre. Ce quatuor a envie de faire de la politique. Chacun dans son style, chacun pour ses raisons, chacun avec ses ambitions. Mais la bande s’inquiète des ravages de l’austérité. "On commence à atteindre le sens de ce pourquoi j’ai fait de la politique", raconte l’un. "Il est temps d’ouvrir une confrontation face aux politiques d’austérité et c’est à nous de le faire", explique un autre. Arnaud Montebourg et Cécile Duflot en ont chacun parlé avec François Hollande. Et le président a d’ailleurs plutôt vu dans leurs sorties une critique de l’orientation européenne qu’une hostilité à la ligne du gouvernement.

    Hollande n’a pas recadré ses ministres turbulents, il a juste voulu signer la fin de la récréation pour ne pas effrayer la Commission européenne. Jean-Marc Ayrault, lui, a mal pris cette offensive, surtout l’interview d’Arnaud Montebourg, sa bête noire depuis Florange. D’où ses rappels à l’ordre sur le thème : "Il n’y a qu’une ligne, la mienne." L’an dernier au Bourget, Hollande affirmait pourtant qu’il n’y avait jamais qu’une seule politique possible. Une ambition qui semble s’être fracassée dans l’exercice du pouvoir.

    Cécile Amar (avec Arthur Nazaret) - Le Journal du Dimanche

    dimanche 14 avril 2013

     

    <wbr></wbr>


    Tags Tags :
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :