• Les "dérives inacceptables" des tarifs des soins dentaires

    Les "dérives inacceptables" des tarifs

    des soins dentaires

    LE MONDE | <time datetime="2013-11-25T10:21:47+01:00" itemprop="datePublished">25.11.2013 à 10h21</time> • Mis à jour le <time datetime="2013-11-25T11:36:53+01:00" itemprop="dateModified">25.11.2013 à 11h36</time> | Par

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    <figure class="illustration_haut"> Une étude publiée lundi 25 novembre dénonce les dérives des tarifs dentaires. </figure>

    Les frais dentaires sont-ils toujours justifiés ? L'Observatoire citoyen des restes à charge en santé, créé par le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), qui représente les patients, le magazine 60 millions de consommateurs et la société Santéclair, a décidé de s'intéresser à ce poste majeur de dépenses de santé, souvent source de renoncements aux soins. Dans une étude publiée lundi 25 novembre, il a analysé les données de l'assurance-maladie et 177 000 devis. Ce sont non seulement des prix élevés qu'il dénonce, mais aussi des « dérives inacceptables ». Notamment une fâcheuse habitude des dentistes parisiens à pratiquer des dépassements d'honoraires sur des soins de base (carie, détartrage, dévitalisation), ce qui est interdit, et une tendance générale à privilégier les actes les plus rentables.

    Première surprise donc, l'ampleur des dépassements abusifs à Paris, qui ne peut, selon l'Observatoire, s'expliquer par des demandes exceptionnelles de patients (urgence, rendez-vous hors horaires d'ouverture) pour lesquelles ils sont permis sur les soins classiques, ou la présence de très rares praticiens autorisés à en facturer. Au niveau national, 35 millions d'euros de dépassements ont été repérés (2 % du total des actes). Dans 57 % des cas, c'est à Paris que cela se produit, pour un montant moyen de 9,50 euros par acte. Dans les départements d'outre-mer aussi, un tel problème est relevé.

    Lire aussi les témoignages : Une jeune retraitée : « J'ai dit à mon dentiste que c'était cher, mais je n'ai pas discuté », Des dents en moins, et pas les moyens

    Ainsi, l'Observatoire s'offusque de la généralisation des « inlay-core », ces reconstitutions partielles de dents posées dans 8 cas sur 10 sous les couronnes, alors qu'elles devraient être réalisées uniquement quand la dent est trop abîmée. De surcroît, ce recours à des produits commandés à un prothésiste permet de pratiquer des tarifs libres, alors qu'il existe une solution de reconstitution réalisée par le dentiste, à un tarif encadré, et moins élevé (79,53 euros, contre entre 150 et 300 quand l'inlay est réalisé hors cabinet). En 2006, des objectifs avaient été fixés région par région pour en finir avec cette tendance. Depuis, elle s'est au contraire partout accentuée.

    « MANQUE D'ENCADREMENT »

    « Nous avions repéré ces phénomènes dans les devis. Désormais, nous en avons quantifié les volumes et les montants », se félicite Frédérick Cosnard, directeur médical de Santéclair, société de conseil auprès des complémentaires de santé et de leurs usagers. L'Observatoire s'étonne en outre de constater qu'en orthodontie, il y a plus de semestres dits de traitement actif facturés que de semestres de contention – la suite de la prise en charge, effectuée pour consolider le redressement des dents, à un tarif moindre. Il se demande s'il s'agit de renoncements aux soins, de mauvaises pratiques ou de mauvais codage, ce qui permettrait aux praticiens de toucher plus, et à leurs patients d'être mieux remboursés.

    L'Observatoire réclame « le respect des règles ». Dénonçant « un manque d'encadrement » de l'assurance-maladie, il en attend des réponses. Interrogée, celle-ci promet qu'elle va examiner chaque point soulevé. Mais on n'y semble pas plus étonné que cela de ce qu'avance l'étude. La CNAM indique qu'un programme de contrôle des dépassements sur les soins de base va être lancé, et que le tarif des inlay-cores sera discuté. Autrement dit, il pourrait être revu à la baisse. Elle remarque par ailleurs qu'en orthodontie, le nombre de patients a augmenté de 35 % en cinq ans.

    « Tout cela interpelle aussi sur le problème de l'information du patient, qui ne sait jamais combien il va payer, et qui, alors que les techniques sont de plus en plus sophistiquées, accepte ce qu'on lui propose sans tellement avoir le choix », estime Marc Morel, directeur du CISS.

    « DÉSENGAGEMENT » DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

    Les dentistes, eux, dénoncent le « désengagement » de la Sécurité sociale dans les remboursements, et le fait que les tarifs fixés ne correspondent plus au coût réel des soins de base. Réunis en congrès cette semaine, ils auront l'occasion de le réaffirmer. Selon eux, ces faibles tarifs génèrent des effets pervers : des praticiens privilégient les prothèses au détriment des soins, avec un risque à terme pour la santé publique, préviennent-ils.

    Et pour les dépassements d'honoraires sur les soins de base ? « Cela se sait, ces pratiques sont devenues habituelles à Paris, lance, directe, Catherine Mojaïsky, présidente de la Confédération nationale des syndicats dentaires. L'assurance-maladie n'est jamais intervenue, et il y a même des complémentaires qui les prennent en charge ! » Elle décrit une « tolérance » liée au coût de la vie, « alors que dans les autres départements les praticiens se font rappeler à l'ordre ».

    « Il n'y en a pas dans le Tarn », élude Christian Couzinou, le président de l'Ordre des chirurgiens-dentistes, qui reconnaît qu'ailleurs il est possible que certains praticiens abusent. En ce qui concerne les coûts élevés, il rétorque : « Un devis est présenté. Si le patient n'est pas satisfait, il est libre d'aller voir un autre dentiste. »

    Selon l'Observatoire, il reste en moyenne à la charge du patient, après remboursement de la Sécurité sociale et de la complémentaire santé, 240 euros pour une couronne, 700 pour un dentier. Quant aux prix en orthodontie, ils sont élevés (650 euros en moyenne le semestre), et très variés (de 400 euros en Ariège jusqu'à 1 000 euros à Paris).

    Prix élevés, faibles remboursements, manque de transparence, complexité du système… les acteurs sont conscients des problèmes, et un effort est en cours. En juillet, des négociations ont débouché sur de petites revalorisations et la mise en place d'une grille détaillée de cotation des actes, ce qui permettra aux patients et aux mutuelles d'y voir plus clair, par le biais de devis.

    Une charte de bonnes pratiques entre dentistes et complémentaires a été signée. Les premiers s'engagent notamment à ne plus adapter leurs honoraires aux remboursements des mutuelles, et les secondes, entre autres, à mieux renseigner leurs adhérents sur le reste à charge, en respectant les choix thérapeutiques des praticiens. Le 28 novembre, une première réunion entre ces acteurs est prévue. Car le problème de telles chartes, c'est de les faire appliquer.

    Laetitia Clavreul
    Journaliste au Monde


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