• les pistes pour enrayer la contagion en Europe

    Achats de dette, rigueur, Eurobonds : les pistes pour enrayer la contagion en Europe

    LEMONDE | 05.08.11 | 15h15   •  Mis à jour le 05.08.11 | 18h16

     

    Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet.

    Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet.REUTERS/RALPH ORLOWSKI

     

    En dépit d'une action coup de poing sur les marchés, pour acheter de la dette souveraine européenne, la Banque centrale européenne (BCE) n'est pas parvenue, jeudi 4 août, à éteindre l'incendie qui enflamme la zone euro et fait déraper le coût des emprunts des nouveaux "maillons faibles" de l'Union monétaire, l'Italie et l'Espagne. Les taux de leurs emprunts à dix ans ont atteint vendredi matin des niveaux records, à 6,3 % pour l'Espagne et 6,2 % pour l'Italie, contre 2,2 % pour le Bund allemand érigé en valeur refuge. Comment enrayer la spirale ? Revue des pistes envisageables.

    Permettre à la BCE d'acheter massivement des dettes italienne et espagnole.

    Pour la plupart des économistes, "la" solution pour contrer les attaques spéculatives consisterait à faire acheter massivement par la BCE de la dette italienne et espagnole sur le marché. Assez pour faire redescendre leurs taux à des niveaux raisonnables. En mai 2010, la BCE avait déjà mis en place un tel dispositif anti-crise appelé SMP (Securities Markets Programme). Mais depuis, celui-ci avait été mis en sourdine. Jeudi, la banque centrale est à nouveau intervenue. Mais selon des sources de marchés, elle n'aurait acheté que de la dette irlandaise et portugaise.

    L'autorité monétaire est en effet peu encline à assister les grands Etats, préférant qu'ils assainissent leurs finances. Et si jeudi, Jean-Claude Trichet, son président, a indiqué que la décision de reprendre ce programme a été votée par le conseil des gouverneurs à une "majorité écrasante", une voix - notamment - s'y est opposée : celle de Jens Weidmann, président de la Bundesbank.

     

    Le siège de la Banque centrale européenne (BCE), à Francfort.

    Le siège de la Banque centrale européenne (BCE), à Francfort.AFP/DOMINIQUE FAGET

    Annoncer tout de suite une refonte du FESF.

    Les dirigeants européens ont décidé le 21 juillet que le Fonds européen de stabilité financière (FESF) pourrait intervenir directement sur le marché secondaire (où les investisseurs se revendent les titres) pour acheter de la dette d'Etat. Mais l'accord prévoit que ce système reste exceptionnel et se fera sur recommandation de la BCE. Surtout, il ne sera pas mis en place avant que les parlements des pays de la zone euro n'aient donné leur approbation. Autrement dit, rien ne sera fait avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

    Or, si les dirigeants européens se mettaient d'accord pour augmenter très vite la force de frappe du FESF - actuellement de 440 milliards d'euros -, l'Europe montrerait qu'elle peut contrer les risques de contagion à l'Espagne et à l'Italie. José Manuel Barroso, président de la Commission, a écrit jeudi aux dirigeants européens, les enjoignant à "une rapide réévaluation de tous les éléments liés au FESF et au MES (Mécanisme européen de stabilité, qui succédera au FESF)". Des rumeurs évoquent des réunions secrètes envisageant une augmentation de la dotation du FESF jusqu'à 1 000 milliards d'euros. Seuls obstacles, la France et l'Allemagne : elles estiment avoir déjà beaucoup donné, et ne veulent pas, pour le moment, augmenter la dotation du FESF.

    Des plans de rigueur nationaux plus rapides et plus crédibles. Et s'il "suffisait" d'accélérer les mesures nationales destinées à réduire les déficits ? En Espagne comme en Italie, la crise de surendettement s'accompagne de turbulences politiques qui mettent à mal ou ralentissent les dispositifs censés éponger la dette. En Italie, le gouvernement n'a décidé de mettre en oeuvre les premières mesures fiscales qu'en 2013-2014...

    Si les choses s'accéléraient et si l'Italie parvenait à des économies de 34 milliards d'euros, le déficit retomberait à 1 % du produit intérieur brut (PIB) en 2011 contre 4,6 % en 2010, calculent les experts de Barclays. De quoi rassurer les investisseurs.

    Mais, trop rigoureux et généralisés, les plans d'austérité auraient des effets dépressifs sur toute l'économie européenne.

    Dévaluer l'euro.

    Dans la plupart des crises de surendettement d'Etats, qu'il s'agisse de la "faillite des deux tiers" au XVIIIe siècle ou de la crise argentine de la fin des années 1990 et du début des années 2000, dévaluer la monnaie faisait partie de la solution. En affaissant la valeur de la devise locale, on dope les exportations, on attire des capitaux étrangers et on crée de l'inflation. "On mange ainsi la dette en remboursant les prêteurs en monnaie de singe", indique Gerard Béaur, économiste et historien à l'EHESS. Cette option serait techniquement faisable en Europe en ayant recours à la planche à billets. Mais la tactique a des effets pervers : l'inflation rogne sur le pouvoir d'achat. Et si la dette est détenue par des prêteurs étrangers et doit être remboursée dans cette devise, l'effet est désastreux. Enfin, et surtout, tous les pays de l'Europe n'ont pas intérêt à ce que l'euro plonge et une dégringolade incontrôlée de la monnaie unique décrédibiliserait l'Union et rendrait méfiants les créanciers.

    Créer des "Eurobonds".

    C'est ce que l'économiste Daniel Cohen (membre du conseil de surveillance du Monde) appelle "la bombe à neutrons". Elle consisterait à émettre tout ou partie de la dette des Etats de l'eurozone sans distinction de pays. Les taux d'emprunts seraient ainsi uniformes et le risque mutualisé. Cela suppose que des pays comme l'Allemagne paient plus cher pour soulager des pays comme la Grèce ou l'Italie.

    La démarche peut sembler injuste, mais "si les taux allemands sont si bas, c'est aussi parce que les investisseurs effrayés par l'Italie et l'Espagne ou la Grèce, et se reportent sur le Bund allemand", juge Cédrix Thellier, économiste chez Natixis. Reste à faire accepter cette option par les dirigeants de l'Union monétaire.

    Claire Gatinois et Cécile Prudhomme.


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