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Les programmes de géographie contre l?écosocialisme ?
Tribune
Les programmes de géographie contre l’écosocialisme ?
Lundi 14 Janvier 2013 à 15:51 | Lu 3347 fois lien
Francis Daspe*L’écosocialisme représente un des défis majeurs que nos sociétés seront amenées à releve dans les prochaines années, estime le président de la Commission éducation du Parti de Gauche, Francis Daspe. Les programmes de géographie dans l’enseignement secondaire devraient donc, selon lui, s'attacher à expliquer cette notion, au lieu de présenter la mondialisation comme une contrainte indépassable.
L’écosocialisme représente un des défis majeurs que les politiques de transformation radicale des sociétés seront amenées à relever. Prenant acte du caractère fini des ressources de la planète, il unit la conscience de classe des producteurs en quête d’un autre système économique moins prédateur à la conscience républicaine d’un intérêt général humain.
La bifurcation écosocialiste s’inscrit, pour reprendre Gramsci, dans un combat pour la reconquête de l’hégémonie culturelle. Les leviers idéologiques sont multiples : l’examen des programmes de géographie dans l’enseignement secondaire en apporte une confirmation éclairante. Trois thèmes transversaux structurent l’ensemble de ces programmes : la mondialisation, l’aménagement du territoire, le développement durable. Leur perception illustre à merveille la nécessité du combat à mener pour libérer les consciences afin d’imaginer un autre monde.
La mondialisation y est présentée en creux comme une contrainte indépassable. De manière subliminale est ainsi délivré le message thatchérien du « tina », acronyme indiquant qu’il n’existerait pas d’alternative possible à l’actuelle marche du monde fondée sur le primat des postulats néo-libéraux.
La politique d’aménagement du territoire n’est désormais plus perçue comme un outil de réduction des inégalités sociales et territoriales. Les actions ont désormais vocation à se focaliser sur les territoires les mieux dotés et les activités les plus prometteuses dans le cadre d’une concurrence impitoyable régissant la mondialisation. A peine mis en place, voilà que les pôles de compétitivité obtiennent droit de cité dans les programmes, sans le moindre recul. Que la géographie soit la science du présent n’empêche pas d’exprimer quelques doutes : l’immédiateté rapproche plus d’une forme de propagande que de la volonté civique de faire décrypter aux élèves l’intelligibilité du monde.
L’articulation des trois piliers du développement durable révèle pareillement de profondes asymétries. Le pilier économique est priorisé au nom de la compétitivité et de parts de marché à conquérir ; le pilier social est renvoyé au champ de la charité quand il n’est pas considéré comme une contrainte (le fameux « on vit au dessus de nos moyens » en témoigne) ; le pilier environnemental apparaît au mieux comme un supplément d’âme vertueux purement rhétorique et factice quand il n’est pas brutalement méprisé (résonne encore la formule de l’ancien président de la République : « l’environnement ça commence à bien faire ! »). Des trois P, produire l’emporte nettement sur partager et préserver.
En toile de fond émerge une vision partisane et résignée de l’action politique possible sur le réel. A la traditionnelle alternative entre la modification des comportements individuels et la transformation du système économique dominant, l’invitation est notablement orientée. Elle va dans le sens de la culpabilisation des individus afin de mieux perpétuer l’iniquité d’un capitalisme à bout de souffle, destructeur et injuste. La philosophie intrinsèque des ces programmes convergent vers une même finalité : fournir un alibi au capitalisme. L’enjeu est de procéder à un rééquilibrage des programmes de géographie afin de garantir les termes équitables d’un véritable débat démocratique. Il s’agit de former à l’esprit critique, pas de formater les esprits à un dogme visant à la conservation d’intérêts particuliers.
C’est aussi une question relevant de la laïcité qui s’impose à nous. La laïcité, loin de se limiter au champ des religions, stipule la neutralité et l’indépendance à l’égard de toutes les idéologies et philosophies. De manière certes insidieuse mais bien réelle, les programmes scolaires de géographie y dérogent notoirement.
L’écosocialisme donne pleinement sens à cette formule de Jaurès : « deux forces préparent l’avenir, la force du travail et la force du savoir ». Toutes deux doivent être pleinement émancipées des dogmes et des aliénations. Dans leur configuration actuelle, les programmes de géographie conduisent subrepticement les futurs citoyens à incorporer massivement les normes du capitalisme. L’écosocialisme, seule alternative progressiste au capitalisme, doit faire sauter ce verrou.
*Francis DASPE, préside la Commission nationale Education du Parti de Gauche. Il est également secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée (Association pour la gauche républicaine et sociale – Prométhée).
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