• Les nouvelles insultes racistes contre Cécile Kyenge ne troublent pas l?été romain

    Les nouvelles insultes racistes contre Cécile Kyenge ne troublent pas l’été romain

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    Roberto Calderoli, sénateur de la Ligue du nord, était toujours, lundi 15 juillet, vice président du Sénat italien. Il est probable qu'il le sera encore demain et sans doute jusqu'à la fin de la législature. Deux jours après avoir comparé Cécile Kyenge - née au Congo et première ministre noire de l'histoire italienne - à un orang-outan, il n'a pas l'intention de démissionner, profitant de l'absence de mesures coercitives dans le règlement de la Chambre haute. Tout juste confesse-il une "mauvaise blague".

    Ses propos exacts prononcés samedi à Trevigno (province de Bergame) lors d'un meeting de son parti, dont il est un des cadres influents, sont les suivants:

    "Cécile Kyenge fait bien d'être ministre mais peut-être devrait-elle le faire dans son pays. Je me console quand je surfe sur Internet et que je vois les photos du gouvernement. J'aime les animaux mais quand je vois les images de Kyenge, je ne peux m'empêcher de penser à des ressemblances avec un orang-outan, même si je ne dis pas qu'elle en soit un".

    Ses propos ont bien sûr déclenché une vague d'indignation. Du président du conseil, Enrico Letta, à celui de la République, Giorgio Napolitano. Pour le chef du gouvernement "ces paroles dépassent toutes les limites".

    Le président du Sénat Pietro Grasso a exigé les excuses de Roberto Calderoli  et son homologue de la Chambre des députés, Laura Boldrini, a condamné "des paroles vulgaires et indignes des institutions". Quant à Cécile Kyenge, fidèle à sa stratégie de considérer que les insultes et les menaces de mort affligent davantage tous les Italiens qu'elle-même, elle déclare: "Je ne prends pas pour moi les paroles de Calderoli, mais elles m'attristent à cause de l'image qu'elles donnent de l'Italie".

    Lundi, Letta a lancé un appel à Roberto Maroni, le patron de la Ligue, "pour qu'il referme le plus vite possible cette page, sinon on entrera dans une logique d'affrontement total qui ne serait utile ni à lui ni au reste du pays".

    Et après ? Après rien...

    Pas de manifestation de protestation devant le Sénat, qui tremble sous la chaleur de l'été romain. Roberto Calderoli y restera probablement au frais, au contraire de son collègue parlementaire européen, Mario Borghezio, expulsé de son groupe à Strasbourg pour avoir déclaré que la ministre de l'intégration avait, je cite, "une tête de femme au foyer".

    La Ligue ne demandera pas son exclusion et préfère dénoncer les journalistes qui ont "sorti" l'histoire. Le sénateur pèse trop lourd dans son parti déjà en proie aux divisions et en perte de vitesse. Opposé au gouvernement de coalition gauche-droite-centre, mais allié du parti de Silvio Berlusconi, le Peuple de la liberté, dans les trois régions qu'elle contrôle (Lombardie, Vénétie, Piémont), la Ligue du nord ne voit rien, n'entend rien et ne dit rien, attendant que la tempête s'apaise.

    Et puis Calderoli n'est-il pas coutumier du fait ? Comme à un à conducteur qui aurait tendance à verser dans le fossé tous les samedis soir, ses provocations sont presque pardonnées. La presse rappelle ses hauts faits comme s'ils étaient autant de circonstances atténuantes.

    En 2006, il avait dû démissionner du gouvernement Berlusconi après s'être exhibé avec un T-shirt anti-islam, provoquant un début d’émeute devant le consulat d'Italie à Benghazi. Une autre fois, il était allé faire pisser un cochon sur un terrain où devait se construire une mosquée. Une autre fois encore, il avait interpellé une journaliste palestinienne qui l’interrogeait, évoquant son bronzage. Last but not least, il est l'auteur de l'actuelle loi électorale qui a conduit au désastre de février et qu'il a lui-même baptisée "cochonnerie". Bref on s' habitue à tout, même au pire...

    Voici pour achever de faire la lumière sur les qualités du personnage et convaincre ceux qui douteraient que tout cela fut vrai, la traduction de la première partie de l'entretien donné par le sénateur Calderoli et publié lundi 15 juillet dans les principaux quotidiens italiens. Les autres peuvent passer...

    Question: Sénateur, avez-vous vu le scandale que vous avez déclenché?

    Calderoli: Il y a eu une instrumentalisation. J'ai fait une blague, peut être exagérée, mais je ne me référais pas à l'aspect racial de la ministre. C'était une référence esthétique et je m'en excuse.

    Q: Une référence esthétique?

    C. : Vous savez je possède beaucoup d'animaux. Quelques uns très étranges. Je les respecte beaucoup et je les compare à des personnes.

    Q: C'est-à-dire?

    C: Quand je vois Letta par exemple, je pense à un héron qui, avec ses longues pattes, parvient à vivre dans les marais.

    Q: Et Alfano, le vice-président du conseil?

    C: Une grenouille qui saute de feuille en feuille. Quant à la garde des sceaux, Anna Maria Cancellieri, c'est un Saint-Bernard.

    Q: Un chien!?

    C: Oui pacifique mais qui réussit à mordre. Et puis il y a De Girolamo, la ministre de l'agriculture. Elle, c'est une poule pondeuse.

    Q: Sénateur...

    C: Mais il n'y rien de mal. Je dis cela parce qu'elle vient à peine d'accoucher et qu'elle s'occupe d'agriculture. Il n'y a pas d'offense.

    Q: Pourtant, l'animal choisi pour Cécile Kienge est utilisé dans un sens dépréciatif?

    C: C'est vous qui êtes raciste vis-à-vis des animaux. Si j'évoque un héron, une grenouille, un Saint-Bernard, personne ne dit rien. Mais si je parle d’orang-outan, tout le monde me saute dessus.

    Q: Donc pas de racisme dans vos propos?

    C: Absolument!

    Q: On a tort de s'indigner?

    C: Quand je veux faire une attaque directe contre quelqu'un je la fais. Et je répète: ce n'était pas une blague raciste".

    On s'arrête là, non?

    Philippe Ridet


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