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Mohamed Badie, le Guide suprême "au sourire difficile et à l'esprit rigide"
Dernière modification : 20/08/2013lien
Mohamed Badie, le Guide suprême "au sourire difficile et à l'esprit rigide"
© AFPÀ la tête de la confrérie des Frères musulmans depuis 2010, Mohamed Badie a été arrêté mardi et placé en détention préventive pour une durée de 15 jours. Réputé austère et rigide, le Guide suprême a toujours prôné un islam radical.
Il était l’homme "au sourire difficile et à l’esprit rigide". À 70 ans, Mohamed Badie, plus haute autorité des Frères musulmans, a été arrêté au Caire dans la nuit du 19 au 20 août par l’armée et placé en détention préventive pour une durée de 15 jours. Sur les images des télévisions égyptiennes qui diffusent en continu son arrestation, le Guide suprême, réputé aussi sévère qu’austère, affiche un visage défait.
Il faut dire que si le bras de fer entre l’armée et la confrérie islamiste a tourné au bain de sang en Égypte - le dernier bilan officiel fait état d'au moins 900 morts dans le pays -, "l’arrestation du chef des Frères est un énorme choc", assure Antoine Basbous, le président de l’Observatoire des pays arabes, contacté par FRANCE 24. Du haut de son siège de chef suprême, Mohamed Badie, pourtant recherché par la police pour "incitation à la violence" depuis le 10 juillet, "n’imaginait sans doute pas il y a quelques semaines encore que l’armée oserait s’attaquer à lui", ajoute le spécialiste. "Hiérarchiquement, il était plus important que Mohamed Morsi lui-même", poursuit Antoine Basbous.
Islamisation de la société
Discret dans les médias, Moahamed Badie n'en était pas moins la "colonne vertébrale" de la confrérie. "Il était le président de la République de Frères. L’ancien président islamiste lui obéissait au doigt et à l’œil", rappelle encore Antoine Basbous. Avec sa capture et son procès prévu le 25 août, c’est l’organisation toute entière qui se retrouve décapitée, ou tout du moins considérablement affaiblie. "C’est donc un coup de l’armée extrêmement important porté contre le mouvement. [Le général] Al-Sissi veut leur briser l’échine. Sans doute replongeront-ils dans la clandestinité", ajoute le spécialiste.
Formé par l’aile la plus rigoriste du mouvement, créé il y a 85 ans, le huitième Guide suprême a toujours été partisan d’un système fondé sur l’islamisation en profondeur de la société égyptienne. À 16 ans, il fait ses premières classes dans la mouvance du théoricien radical Sayyid Qutb, "le plus grand idéologue, à la pensée structurée, que la confrérie ait jamais connu" explique Antoine Basbous.
Cette idéologie radicale le conduira plusieurs fois derrière les barreaux. En 1966, il est condamné à 15 ans de prison par un tribunal militaire pour "complot visant à renverser le pouvoir". Dans une Égypte qui tolérait alors du bout du fusil la présence des Frères musulmans, il est néanmoins libéré en 1974 par Anouar al-Sadate "qui ne voit pas en lui une menace importante et qui cherchait à se réconcilier avec la mouvance islamiste, au détriment des socialistes qui constituaient la garde rapprochée de Nasser". Son maître à penser, Sayyid Qutb, est quant à lui exécuté. En 1996, Mohamed Badie devient membre du Conseil de guidance (Majis al-Irchad), la plus haute instance de la confrérie. Un titre qui l’enverra une nouvelle fois en prison en 1999 "pour l’exemple, pour faire peur", précise Antoine Basbous.
Les Frères sur la voie du djihad ?
Ce parcours mouvementé façonnera l’homme politique qu’il deviendra en 2010. Élu au mois de janvier de cette même année à la tête de la confrérie suite à la démission de Mahdi Akef - une première, le Guide suprême conservant normalement ses fonctions jusqu’à sa mort -, Mohamed Badie connaissait donc tous les rouages de l'organisation. Il savait aussi amadouer l'Occident. "C’est un doctrinaire, un homme rigide, explique le spécialiste du monde arabe. Mais à son accession à la tête des Frères musulmans, il prônait des vertus démocrates et progressistes. Une stratégie qui n’était destinée qu’à rassurer la communauté internationale."
Aujourd’hui, son arrestation, sa détention et la répression sanglante menée à l’égard des islamistes rappellent les sombres heures de l’ère Moubarak. "Le risque tourne désormais autour de la réponse des partisans des Frères. On pourrait assister à des actions encore plus radicales de leur part", souligne Sonia Dridi, la correspondante de FRANCE 24 au Caire. Une crainte partagée par Antoine Basbous : "Certains de leurs partisans risquent de s’engager sur la voie du djihad et de mener bataille partout en Égypte sur le modèle de ce qui se passe dans le Sinaï : harceler les autorités à travers des actions terroristes".
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