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La percée historique du Front national au premier des élections municipales a été actée au premier tour des élections municipales dimanche 23 mars. Premier constat : le parti d'extrême droite étend son territoire. Il affirme son implantation locale.
Les résultats du FN dimanche doivent se lire en tenant compte d'un effet en trompe l'œil. Il y a des résultats visibles immédiatement : une mairie gagnée à Hénin-Beaumont, des villes gagnables (Fréjus, Béziers, Perpignan, Saint-Gilles, Forbach), la capacité de se maintenir au second tour dans 315 villes et d'imposer des triangulaires et, enfin, le nombre d'élus au lendemain du premier tour (472 sur un objectif de 1.000).
Il y aussi une partie immergée qui cache une progression significative, notamment dans les zones où le parti de Marine Le Pen n'avait pour l'instant pas réussi à percer. C'est ce que Nicolas Bay, l'expert électoral du FN, appelle "le lissage de la carte électorale". Premier indicateur : 597 listes FN ont été déposées 2014 contre 119 listes en 2008. Seuls neuf départements n'avaient pas de listes FN pour le premier tour cette année. Dans les villes où le FN s'est présenté, le parti enregistre un score moyen de 16,50%. En 2008, cette moyenne était de 9,22%. Concrètement : le parti d'extrême droite a obtenu 998.244 voix. En 2008, il ne réunissait que 144.017 voix.
1 Le bassin méditerranéen, terre frontiste historique
Le bassin méditerranéen est depuis un moment une terre électorale pour Front national. Et pourtant, les surprises sont au rendez-vous et la percée du parti de Marine Le Pen est historique. C'est aussi dans ces territoires que les électeurs se sont le plus mobilisés : 64 % à Béziers et 68,4 % à Fréjus par exemple. 121 listes avaient été présentées et dans 16 communes du Sud, le FN obtient plus de 25% des voix.
A Orange, le sulfureux candidat d'extrême Jacques Bompard a été réélu au premier tour avec près de 60% et sa femme Marie-Claude Bompard manque de peu sa réélection à Bollène avec 49,35%.
Dans le Sud, Robert Ménard obtient 44% à Béziers. Le compagnon de Marine Le Pen, Louis Aliot, récolte 34,4% à Perpignan. Surprise, Philippe Lottiaux est en tête à Avignon à 29,50%. Le jeune candidat FN David Rachline est en tête du premier tour des municipales à Fréjus avec 40,2%. Le maire sortant Jean-Paul Fournier (UMP) est en ballottage favorable à l'issue du premier tour à Nîmes. Il devance avec 37,1% la liste FN conduite par Yoann Gillet (21,1%).
"Ces très bons résultats valident notre stratégie de présenter des listes dans toutes les grandes villes", croit savoir Nicolas Bay. Marine Le Pen est, elle, persuadée que le potentiel de développement du parti se trouve dans ces grandes agglomérations.
A Marseille, le candidat FN Stéphane Ravier devance le candidat PS Patrick Mennucci avec 23,16% contre 20,77% respectivement. Stéphane Ravier arrive en deuxième position face à Jean-Claude Gaudin qui caracole en tête et obtient 37,64% des voix. En s'immisçant entre les deux favoris, le FN Stéphane Ravier crée la surprise. Le candidat frontiste pourrait avoir un poids décisif dans le futur conseil municipal, où ne siégeait jusqu'ici qu'un élu frontiste.
A Beaucaire, dans le Gard, le jeune Julien Sanchez est en tête avec 32,84%. A Saint-Gilles, le député d'extrême droite Gilbert Collard annonce avoir récolté 42,5% des voix. A Tarascon, Valérie Laupies est en ballotage favorable avec 39,24 %. Il y a aussi Cogolin (39,03%) et Brignoles (37,07%). A Carpentras, le suppléant à l'Assemblée de Marion Maréchal-Le Pen, Hervé de Lépinau, se place derrière le maire PS Francis Adolphe (37,33%), rassemblant 34,38% des électeurs.
Au Cannet, Michèle Tabarot, bras droit du président de l'UMP Jean-François Copé, a été réélue pour un 4e mandat avec 50,8% des voix. Le FN fait son apparition à la deuxième place avec 18,5%.
La discrète ville d'Antibes a vu l'ex-ministre Jean Leonetti réélu avec 63%. Un jeune FN arrive second avec 20,6%. A Cagnes-sur-Mer, l'UMP Louis Nègre bien implanté a été réélu avec 52,6% des votes. Le FN a plus que doublé son score de 2008, en remportant 24,3%.
Dans la capitale des parfums de Grasse, le FN emmené par une figure locale a réalisé 21%. A Menton, le député UMP Jean-Claude Guibal, élu depuis 25 ans, arrive en tête avec 38,8%. Il doit faire face à une quadrangulaire, la candidate FN Lydia Schenardi, aussi conseillère régionale, enregistre 22,35% des voix.
2 Dans l'est, la dédiabolisation en marche
Dans l'est de la France, la stratégie de dédiabolisation du Front national est en passe de réussir. C'est aussi le même constat que dans le Nord : le parti d'extrême droite est très présent dans les grandes villes de la région et dans les zones rurales.
En 2008, seules trois listes FN avait été déposées dans l'Est. Cette année, en Lorraine, le parti d'extrême droite a placé 11 listes au second tour dans cette région. Dans cinq communes de l'Est, le FN obtient plus de 25% des suffrages.
Le FN est en tête dans des villes symboliques. A Forbach, le très médiatique vice-président du FN Florian Philippot enregistre 35%. Le Front national est également arrivé en tête à Hayange, où se trouvaient les emblématiques hauts-fourneaux d'ArcelorMittal où se présentait le candidat FN Fabien Engelmann, qui est un ancien de l'extrême gauche et de la CGT.
A Strasbourg, l'UMP Fabienne Keller est arrivée en tête avec 32,93% des suffrages exprimés, devant le sortant PS Roland Ries (31,24%), avec un FN en mesure de se maintenir au second tour (10,94% des voix). Fabienne Keller, aux manettes de la ville entre 2001 et 2008, n'aura peut-être pas sa revanche en raison de cette triangulaire avec le candidat FN Jean-Luc Schaffhauser.
A Mulhouse, le maire sortant UMP Jean Rottner se trouvait en ballottage favorable avec 42,17% des voix. Il fera face dans une triangulaire à un PS en léger recul par rapport à 2008 et un FN en forte poussée atteignant 21,85% des voix (alors que 14,27% des électeurs avaient voté FN en 2008).
3 Le Nord-Pas-de-Calais, terre de conquête pour le FN
Le parti de Marine Le Pen étend son influence dans le Nord-Pas-de-Calais, non seulement dans le bassin minier mais aussi dans les grandes villes de la région. Il y a déjà la victoire de Steve Briois dès le premier tour à Hénin-Beaumont, ville hautement symbolique et propulsée laboratoire des idées frontistes.
La progression de l'implantation du Front national est spectaculaire. Le FN y présentait 50 listes cette année contre 10 en 2008. A l'issue du premier tour, le FN dépasse les 25% dans 11 communes.
A Lille, Martine Aubry est arrivée en tête avec 34,86%, en forte baisse par rapport à 2008. Surtout elle devra lutter contre le candidat FN qui fait plus que tripler, avec 17,15%, son précédent score.
A Roubaix, le candidat frontiste frôle les 20%. Le FN se maintient également à Tourcoing, poussant le maire sortant Michel-François Delannoy, pourtant élu au premier tour en 2008, à une triangulaire.
A Dunkerque le socialiste Michel Delebarre, maire depuis 1989, est nettement distancé par son ancien adjoint Patrice Vergriete à la tête d'une liste divers gauche. Le Front national frappe un grand coup, avec 23,15% des voix.
A Liévin, au coeur du bassin minier, la liste FN obtient 26,86% mais est éliminée. A Billy-Montigny, le candidat frontiste arrive second avec 26,93%. Le FN culmine à 28,86% à Montigny-en-Gohelle. A Outreau, le parti d'extrême droite enregistre 25,46%. A Bruay-la-Buissière, 36,84%.
A Boulogne-sur-Mer, le ministre des Transports Frédéric Cuvillier est en ballottage très favorable et devance un FN arrivé en deuxième position avec 21,55%.
4La Bretagne, terre de mission frontiste
Fait nouveau et inattendu, le Front national réussi à se maintenir dans trois villes en Bretagne au second tour. A Fougères le FN obtient 16,94%, à Saint-Brieuc, le candidat frontiste récolte 11,29% et à Lorient, le parti d'extrême droite enregistre 14,78% des voix.
En 2008 en Bretagne, le parti d'extrême droite n'avait pu présenter qu'une seule liste, à Lorient, et n'avait même pas réussi à passer le second tour. Le Bretagne est devenue une terre de mission pour le Front national où 10 listes avaient pu être présentées. La progression est en tout cas incontestable. "On avait essayé de mesurer une droitisation de la Bretagne avec la Manif pour tous et le mouvement des bonnets rouges", commente Nicolas Lebourg. "Certes, le FN est encore faible, la Bretagne étant traditionnellement réfractaire aux idées frontistes, mais il récolte beaucoup de voix".
A Brest, le candidat frontiste frôle le maintien au second tour avec 9,8% des voix. En 2008, aucune liste frontiste n'était présente. Le score est toutefois inférieur à la présidentielle de 2012 où Marine Le Pen avait eu 11,6% des voix.
- A Quimper, le FN a 8,42% des voix
- A Morlaix, le candidat FN récupère 7,86%
- A Rennes, le FN était à deux doigts d'être au second tour avec 9,52%
- Pareil à Saint-Malo, où le FN récolte 9,46%
- Même chose Vannes où 9,75% des voix pour le candidat frontiste
Si les scores du parti d'extrême droite sont forts, les chiffres sont à relativiser. À Morlaix, Quimper et Saint-Malo, le score du Front est plus faible qu'à la présidentielle de 2012.
Plus largement sur la façade Ouest et atlantique, les scores du FN varient largement. En Haute-Normandie, le parti d'extrême droite se maintient dans huit communes. En 2008, aucune liste n'avait été déposée. Dans certaines communes de Haute-Normandie comme à Elbeuf ou au Tréport, le Front National était la seule opposition.
PHOTOS. Ces villes où le FN mène au score
Paul Laubacher - Le Nouvel Observateur