L'élection de Laurent Hénart à la tête du Parti radical reste en travers de la gorge de Rama Yade, candidate malheureuse à la succession de Jean-Louis Borloo, le 22 juin dernier. L'ancienne secrétaire d'Etat chargée des Sports a déposé une assignation auprès du tribunal de grande instance (TGI) de Paris pour demander l'annulation de l'élection en raison de fraudes importantes, selon elle. Selon cette assignation, 8.689 faits d'irrégularités auraient été recensés au sein du fichier des électeurs admis à voter lors du scrutin, en juin, et 1.104 votes, soit près d'un quart du fichier des votants. Or, seulement un peu plus de 1.000 voix séparaient les deux candidats en juin.
La synthèse de ces fraudes fait notamment état de dates de naissance en 2027, de "113 personnes âgées de 114 ans", de "36 bébés de moins de deux ans", d'adhésions hors délai, de "l'apparition soudaine de centaines d'adhérents" notamment en Martinique, ou encore de paiements collectifs à partir du même ordinateur. Une adresse mail revient même 24 fois. En conséquence, Rama Yade, jointe par téléphone par LeJDD.fr, demande l'"annulation et l'organisation d'une nouvelle élection dans des conditions irréprochables." "Le TGI de Paris a émis une ordonnance demandant à un huissier de se rendre sur place pour saisir les données sur le scrutin", ajoute-t-elle, pour expliquer l'origine de ces chiffres. "Ce type d'ordonnance ne se donne pas à la légère. Ce qui a été découvert dépasse tout entendement."
"Sans ces électeurs (frauduleux), j'aurais gagné cette élection"
Grégory Berkovicz, vice-président du Parti radical délégué aux affaires juridiques, s'étonne pour sa part de l'action en justice intentée par Rama Yade. Il confie au JDD.fr que le parti n'a reçu aucune assignation pour l'heure et dit ne pas comprendre "l'attitude" de l'ancienne secrétaire d'Etat. Il rappelle en effet la large victoire de Laurent Hénart lors du scrutin de juin, quand ce dernier avait recueilli 61% des voix : "Il me semble que cela veut dire que les électeurs n'ont pas choisi Rama Yade, la réponse elle est là." Quant aux fraudes évoquées, elles seraient le fait de "bugs" au moment de "la saisie informatique" des fichiers d'adhésions, remplis au préalable à la main et donc sujets à erreurs. "Cela ne veut pas dire que vous n'existez pas ou que vous avez 200 ans!", ajoute-t-il.
Pour Rama Yade, il y a pourtant bien eu "intention d'organiser ces irrégularités". S'appuyant sur le rapport de l'huissier, elle explique que l'"on a donné l'ordre à un personnel réticent de commettre ces actes avec à la clé des menaces de licenciement, ce qui est un aveu de culpabilité." Ses adversaires s'interrogent cependant sur le laps de temps passé entre l'élection et cette action en justice, plus de deux mois. "Pourquoi tout ce temps? Pour nous faire nous-même l'avocat du diable", réplique-t-elle. "Il y a un huissier et des informaticiens qui ont travaillé là-dessus."
Grégory Berkovicz répond à chacune des fraudes évoquées par la Conseillère régionale d'Île-de-France. Les votes collectifs en provenance d'un même ordinateur s'expliqueraient assez simplement, à l’en croire : "Dans certains cas, les présidents de fédérations ont mis à disposition un ordinateur à leur permanence", pour les personnes n'ayant pas accès à l'informatique, détaille-t-il notamment. Des explications qui ne tiennent pas, selon Rama Yade. Elle déclare en effet que certains votes enregistrés sur un seul ordinateur "à Paris" provenaient parfois de départements différents. Pour sa part, le Parti radical entend répondre sur le plan juridique. La présidence pourrait en effet porter plainte contre X pour diffusion irrégulière de fichiers. Une accusation qui vise clairement l'ex-candidate à la tête du Parti radical. Là encore, celle-ci dénonce un "contre-feu", et espère faire entendre sa voix : "Sans ces électeurs (frauduleux), j'aurais gagné cette élection".