• Pierre Laurent réélu : bien qu'affaibli, le PCF reste un acteur de la vie démocratique

    Pierre Laurent réélu : bien qu'affaibli, le PCF reste un acteur de la vie démocratique

    Modifié le 11-02-2013 à 19h17   |lien

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    LE PLUS. Seul candidat à sa succession, il a été réélu sans surprise. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a recueilli 100% des suffrages exprimés, dimanche 8 février, lors du 36e congrès du PCF. Considérablement affaibli, ce parti a-t-il encore un avenir ? Décryptage de l'historien Michel Franza, docteur à l'Université Paris I.
     

    Édité par Sébastien Billard

    Pierre Laurent en meeting au Parc des expositions de Metz, le 23 janvier 2013 (E.POL/SIPA).

     Pierre Laurent en meeting au Parc des expositions de Metz, le 23 janvier 2013 (E.POL/SIPA).

     

    Le drapeau rouge a été plié et le 36e congrès du Parti communiste français (PCF) s’est achevé comme il avait commencé : dans une quasi indifférence.

     

    Quelques échos glanés entre les petites phrases politiques du week-end. On a eu les unes de "L’Humanité", bien sûr, et son numéro souvenir du lundi 11 février qui finira à la Bibliothèque nationale. Mais Pierre Laurent, son leader, n’a pas eu les honneurs des émissions phares du dimanche politico-médiatique.

     

    Seule la disparition de l’emblème légendaire, la faucille et le marteau, a bousculé un peu les plages politiques des médias.

     

    Un parti fossilisé

     

    La révolution marketing a permis de présenter quelques jeunes militants, la relève, ces nouveaux plébéiens de l’école du parti, qui ont récité leurs leçons sur le capitalisme boursier et l’Europe libérale, fort du scandale de la viande de cheval Findus et de la baisse du budget européen pour les associations d’aide aux plus démunis. Mais nous n’avons même pas eu droit à l’Internationale.

     

    En étant un peu provocateur, on pourrait presque s’interroger sur l’utilité du PCF aujourd’hui dans la vie politique française. Fossilisé dans ce mausolée de l’histoire des gauches, chère à Jean Touchard, le PCF semble voué à la disparition, au mieux à la dilution dans ce qu’ils restent de partis révolutionnaires et de mouvements protestataires et prolétariens nourris aux réseaux sociaux.

     

    Son héritage électoral, désormais vandalisé par les tenants de la droite nationale de Marine Le Pen, qui non seulement l’humilient dans ses anciens fiefs mais le forcent à refluer dans des circonscriptions en passant des alliances de circonstances avec ses ennemis de classe.

     

    Ainsi, aux vues de ses scores électoraux et de l’évanescence de ses tribuns, il risque surtout de fêter son premier siècle d’existence plus comme un objet d’étude que comme le fer de lance du réveil des damnés de la terre.

     

    Une visibilité médiatique quasi nulle

     

    Ce 36e congrès du PCF, qui hier encore aurait fait la une des journaux, au son de "L'Humanité" vendu à la criée sur les pavés des grands boulevards, n’a donné l’occasion qu’à une série de dépêches pour gratuits, de brèves pour stagiaires et à quelques articles de publications encore soucieuses de la démocratie de l’information.

     

    Idéologiquement, c’est même le monde à l’envers, quand Thierry Lepaon, le successeur de Bernard Thibault, le leader de la CGT, fait la une du "Journal du Dimanche" (JDD), sur le risque social et sur la menace d’émeutes ouvrières en marge des prochaines manifestations syndicales.

     

    La courroie de transmission est-elle désormais coupée ? "Hollande s’inscrit dans la suite de Sarkozy", a-t-il ajouté. Le syndicat retrouverait-il son autonomie et la révolution sociale, revanche de l’histoire, reviendrait-elle aux tenants de la Charte d’Amiens ? Les ouvriers prendraient-ils leur revanche sur les cadres du parti ?

     

    Mais est-ce bien une raison pour enterrer ce parti ? Cette grand-messe qui aurait mobilisé les "kremlinologues" les plus avertis de la presse politique française sur les plateaux, a tout juste bénéficié d’une audience de circonstance, fonction de la représentativité du dit parti sur l’échiquier électoral. Autant dire quasi nulle, à l’image de ténors aujourd’hui aphones et inexistants ! À se demander si son histoire est encore enseignée.

     

    Une part de notre patrimoine

     

    C’est pourtant le parti de Marcel Cachin, de Boris Souvarine, de Paul Vaillant-Couturier, de Maurice Thorez, de Jacques Duclos, qui a réuni ses cadres à Aubervilliers, dernier territoire de la ceinture rouge ce weekend. Ce cordon de la peur, qui faisait hier encore trembler le bourgeois parisien quand Georges Marchais, notre "leader maximo", validait l’invasion soviétique en Afghanistan en direct de Moscou le 11 janvier 1980 sur les chaînes de la télé publique.

     

    C’est aussi notre patrimoine qui s’est retrouvé dans les docks d’Aubervilliers quel que soit notre opinion à l’égard de ce parti qui, à force de se renier, se voulant parti unique est devenu un parti comme les autres.

     

    Le dernier parti ouvrier conservateur d’Europe, qui a toujours eu du mal à faire son deuil d’un certain confort marxiste-léniniste ; cet orphelin d’une histoire dont il s’est approprié parfois les heures glorieuses ou qu’il a bien souvent écrite avec le sang de martyrs qui n’étaient pas les siens ; ce parti, exsangue des proscrits idéologiquement déviants.

     

    Cette organisation, aussi, militarisée vidée de son électorat et de ceux qui ont voulu, violemment ou raisonnablement, tout au long de son histoire, la faire évoluer et qui sont morts ou l’ont quitté dans la honte de la trahison… Oui, à quoi sert-il encore aujourd’hui ?

     

    Une organisation sous perfusion électorale

     

    On pourrait m’objecter : et les autres partis ? Surtout au regard de la réalité de la force militante et de la confiance des partis dans l’opinion des Français. Mais, à la différence de ces autres partis, le PCF reste un cas à part. Bien qu’internationaliste, il est toujours demeuré attaché à la nation par ses forces militantes. Le mur est tombé et les partis frères avec lui, et il est aussi le seul à être resté ancré sur son histoire, sur notre histoire. Ce fut son salut.

     

    Mais 93 ans après sa fondation, le cadavre bouge encore. Un exploit pour un parti qui doit louer son siège glacial, l’œuvre d’Oscar Niemeyer, le dernier bolchevik castriste, pour boucler ses fins de mois. Du sang-froid aussi pour un parti qui a dû se vendre à un socialiste, certes repenti, Jean-Luc Mélenchon, mais néanmoins ancien trotskyste, pour survivre électoralement et médiatiquement.

     

    Certes, il y avait le feu, place du Colonel Fabien, car en 2007 Marie-Georges Buffet a fait le score le plus bas de l’histoire du PCF, 1,93%, malgré une ligne résolument anticapitaliste. À vous dégouter de militer pour la révolution.

     

    Mais, comment les communistes peuvent-ils continuer à exister quand les piliers de leur formation politique sont à ce point élimés et qu’ils doivent pour continuer d’exister, vivre sous la perfusion électorale de leurs adversaires socialistes et de leurs ennemis doctrinaux du Front de gauche, cet espèce de conglomérat, certes anticapitaliste, mais aux relents soixante-huitard que les deux Georges, Marchais et Séguy, avaient pourtant fait rentrer dans le rang de l’autorité gaulliste en mai 68 ?

     

    Plus utile au débat que Mélenchon

     

    En rompant avec la révolution, le PCF avait fait sa révolution démocratique. D’ailleurs, Pierre Laurent, dans la ligne des anciens, est en désaccord avec Jean-Luc Mélenchon, sur le futur du mouvement social et ne croit pas plus à la rue que son père et ses camarades il y a 45 ans.

     

    Le voilà même aujourd’hui en rupture avec la CGT. Il tient, pour ne pas dire il tire le PS sur la gauche, mais il ne rompra pas avec le PS tant que celui-ci donnera des gages à la ligne que le PCF s’est donnée. Car le PCF est, et restera, un parti légitimiste. Il est en cela fidèle à la ligne du parti de Georges Marchais.

     

    Même si le parti s’est embourgeoisé (28 villes de plus de 30.000 habitants dirigées par un maire communiste), le PCF est un parti d’équilibre dans la démocratie française, bien plus utile à la réflexion économique et sociale, que les rodomontades d’un Jean-Luc Mélenchon ou les élucubrations d’une écologie politique évanescente entre des courants altermondialistes et gauchisants.

     

    Si facile à combattre au XXe siècle, bloc contre bloc, il est plus complexe à appréhender aujourd’hui, en ce début de XXIe siècle. Mais, malgré tout, le PCF, sujet et objet de l’histoire, fait parti de notre patrimoine politique. Il reste aussi un acteur de la vie démocratique. Ce n’était donc pas une raison pour l’abandonner sur les docks d’Aubervilliers.


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