La droite face au FN dans le nord et en Paca, le duel de plus en plus âpre entre Pécresse et Bartolone en Ile-de-France, une triangulaire très serrée à l'Est... Voici les points chauds du second tour des élections régionales dimanche.
Nord-Pas-De-Calais-Picardie : le front républicain va-t-il tenir face à Marine Le Pen ?
Très nettement distancé au premier tour, Xavier Bertrand (LR) compte sur une large mobilisation, notamment des électeurs de gauche, pour priver le Front national de Marine Le Pen d'une victoire en Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Le maire de Saint-Quentin, qui a engrangé des soutiens de poids au-delà de son camp depuis dimanche, devra faire le plein de voix pour remonter un retard qui lui aurait sans doute été fatal si le PS n'avait pas décidé dès dimanche soir de se retirer et d'appeler à voter pour lui afin de « faire barrage » au FN.
Avec 40,64 % des voix, la liste conduite par Marine Le Pen était arrivée très largement en tête au premier tour, loin devant celles de M. Bertrand (24,96 %) et du socialiste Pierre de Saintignon (18,12 %), dépassant la barre des 50 % dans plusieurs villes du Pas-de-Calais. Mardi, après l'amertume de la défaite - la gauche dirigeait sans interruption la région Nord-Pas-de-Calais depuis 1986 -, Pierre de Saintignon a appelé explicitement à voter Bertrand, assurant qu'il n'aurait pas « la main qui tremble » en déposant son bulletin dimanche, pour éviter le « drame » d'une arrivée au pouvoir de Mme Le Pen. Il a été imité par Martine Aubry, maire de Lille, et le ministre (lillois) Patrick Kanner.
Des gestes qu'a appréciés M. Bertrand. Après les avoir timidement remerciés dimanche, il s'est montré plus reconnaissant mercredi : « C'est très digne de leur part, c'est responsable. » Jeudi, M. Bertrand est allé plus loin, proposant une « nouvelle gouvernance de la région » qui associerait les parlementaires de toute la région, et donc ceux de gauche.
Alors que les derniers sondages lui sont défavorables, Marine Le Pen n'a cessé de moquer le « suicide collectif » des socialistes et les « compromissions » visant à « conserver le pouvoir à tout prix ». Elle a néanmoins adopté un ton plus apaisé pour tenter de dissiper les craintes des électeurs.
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Paca : les électeurs de gauche vont-ils être convaincu par Estrosi ?
Largement devancée au soir du premier tour des régionales en Paca, la liste (LR-UDI-MoDem) du député-maire LR de Nice Christian Estrosi est désormais donnée gagnante d'une courte tête au second tour face à la députée FN Marion Maréchal-Le Pen , dans un duel qui s'annonce très serré. Avec 40,55 % des voix, soit 14 points d'avance sur l'ex-ministre de l'Industrie (26,48 %), la petite-fille de Jean-Marie Le Pen semblait dimanche bien partie pour réussir là où le fondateur du Front national a échoué par trois fois, en 1992, 1998 et 2010, et pour emporter une région dirigée par le socialiste Michel Vauzelle depuis 18 ans. Mais en milieu de semaine, à quelques jours du second tour, ce sont coup sur coup trois sondages qui donnaient le maire de Nice gagnant, avec un écart oscillant entre 2 et 8 points.
Après le retrait de la liste PS menée par Christophe Castaner (16,59 %) et l'appel des socialistes à voter pour lui, Christian Estrosi a multiplié les gestes en direction des électeurs de gauche, se posant en « résistant », multipliant les promesses en direction du monde culturel, assurant qu'il créerait un « conseil territorial » pour écouter la gauche en cas de succès.
Promettant elle aussi de ne pas faire de la culture « une variable d'ajustement », la députée du Vaucluse a de son côté vertement critiqué la stratégie de barrage à son parti adoptée par le PS dans la région. « Tous ces gens aujourd'hui, qui se drapent dans les valeurs de la République, ont manifestement oublié que la première valeur de la République, c'est la démocratie », a-t-elle dénoncé, assurant que cette « grande coalition ne l'effrayait pas ».
Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne : Jean-Pierre Masseret va-t-il faire gagner Philippot ?
L'issue des régionales dans le Grand Est est incertaine, le candidat de la gauche Jean-Pierre Masseret ayant décidé de se maintenir au risque de favoriser le FN Florian Philippot, arrivé dix points devant Philippe Richert (LR-UDI-MoDem) au premier tour. Contre l'avis de la direction du PS, du Premier ministre Manuel Valls, de nombreux ténors socialistes locaux et de près de la moitié de ses colistiers, Jean-Pierre Masseret a maintenu sa liste, ce qui lui a valu de se voir retirer l'investiture socialiste. Arguant qu'il valait mieux « affronter » le FN plutôt que l'« éviter », Jean-Pierre Masseret risque de perdre dans l'affaire près de la moitié de ses 16,11 % d'électeurs du premier tour. Mais son refus de se plier aux « diktats » des appareils pourrait lui en faire gagner tout autant.
Florian Philippot, 34 ans et bras droit de Marine Le Pen, a totalisé 36 % au premier tour et pourrait notamment compter sur des reports de voix d'une partie des électeurs de Debout la France et des régionalistes. La triangulaire l'oppose aux deux présidents sortants des régions Alsace et Lorraine, Philippe Richert, 62 ans, et Jean-Pierre Masseret, 71 ans. C'est le premier des deux qui a le plus de chance de gagner face au FN après avoir totalisé 25,8 % des voix dimanche : un sondage Elabe de l'entre-deux-tours donne Philippe Richert en légère avance par rapport au frontiste (43 % contre 41 %, un écart dans la marge d'erreur).
Ile-de-France : à qui va profiter l'extrême tension de la fin de campagne ?
Le duel sans concession entre Valérie Pécresse (LR) et Claude Bartolone (PS) en Ile-de-France s'est durci dans la dernière ligne droite pour emporter la région capitale, qui ferait figure de trophée dans chacun des camps. Deux sondages parus dans l'entre-deux-tours ont donné une fois la candidate de la droite et du centre devant (42 % contre 40 %) et une autre fois le candidat de la gauche et des écologistes rassemblés - après fusion des trois listes PS, EELV et FG quelques heures après le premier tour - (41,5 % contre 41 %), soit des écarts correspondant à la marge d'erreur.
Ce coude-à-coude engendre à la fois une mobilisation tous azimuts des militants de chaque bord sur le terrain et une fébrilité des états-majors qui forcent le trait pour marquer leur différence et rallier les abstentionnistes (54 % au premier tour). Débat télévisé tendu, meetings offensifs où M. Bartolone attaque la droite qui a « perdu ses valeurs républicaines » et va « purger » la région, tandis que Mme Pécresse accusait son adversaire d'être « sectaire, clientéliste et l'ami des riches ». Puis une polémique enflammée la veille de la fin de campagne... Les deux camps se rejoignent sur un point : « rien n'est gagné » et il faudra aller « chercher chaque voix ».
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Ce duel n'occulte pas le retour assuré du Front national dans l'hémicycle, après une mandature d'absence : avec 18,4 % au premier tour, il n'a pas franchi la barre symbolique des 20 %, mais a déjà doublé son score de 2010. Son candidat Wallerand de Saint-Just, trésorier du parti mis en examen, espère encore progresser au second tour et avoir un groupe conséquent. Quoi qu'il en soit, le FN a confirmé une implantation dans les franges régionales, arrivant même en tête en Seine-et-Marne.
Bourgogne-Franche Comté : la gauche peut-elle conserver la région ?
« La situation est claire et grave » : le Front national peut l'emporter, a prévenu la socialiste Marie-Guite Dufay. Qui s'estime seule capable de battre Sophie Montel, la droite n'ayant pas, selon elle, de réserves de voix suffisantes. François Sauvadet (LR-UDI), de son côté, refuse « un changement en pire avec le Front national », dans une région à gauche depuis 2004. Mme Montel est arrivée au premier tour en tête de sept des huit départements avec 31,48 % des voix, devant M. Sauvadet (24 %) et Mme Dufay (22,99 %).
Tout en appelant « tous les patriotes et souverainistes », dans un gros appel du pied à Debout la France (5,17 %) qui n'a pas donné de consigne de vote, à voter pour elle, la députée européenne frontiste compte sur les abstentionnistes (49,44 % des inscrits) pour maintenir son avance lors de la triangulaire de dimanche. En face, le Front de gauche (4,62 %) et Europe Écologie-Les Verts (3,91 %) ont apporté leur soutien à la socialiste, confortée dans son maintien au second tour par Manuel Valls pour qui « le total gauche est à touche-touche avec le Front national ». Le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde avait réclamé, en vain, le retrait de Mme Dufay, estimant son maintien « incompréhensible ».
Son homologue du MoDem, François Bayrou, a, lui, apporté son soutien à François Sauvadet, alors que le candidat du parti centriste au premier tour, Christophe Grudler, a demandé à ses électeurs de « faire barrage au FN », sans se positionner davantage.
Pour ajouter à la confusion, le président du MoDem en Côte-d'Or, François Deseille, adjoint au maire PS de Dijon François Rebsamen, a, lui, cosigné un appel à voter pour la candidate socialiste. À l'inverse, deux vice-présidentes PS sortantes du conseil régional de Bourgogne, Safia Otokoré et Florence Ombret, ont réclamé le retrait de Mme Dufay et appelé à voter pour M. Sauvadet.