PARIS (AFP) - Mise en examen de Nicolas Sarkozy, enquête sur Jérôme Cahuzac, perquisition chez Christine Lagarde: la semaine politico-judiciaire a été riche en rebondissements, avec les mises en cause de trois poids-lourds politiques par une justice affirmant son indépendance et cible de virulentes attaques de l'UMP.
La mise en examen de l'ancien président jeudi à Bordeaux est intervenue au lendemain d'une perquisition au domicile parisien de son ancienne ministre de l'Economie Christine Lagarde, soupçonnée d'avoir favorisé un arbitrage favorable à l'homme d'affaires Bernard Tapie pour solder un contentieux avec le Crédit Lyonnais.
Dans cette enquête, les juges ont également perquisitionné chez Claude Guéant, dont ils cherchent à déterminer le rôle alors qu'il était secrétaire général de l'Elysée.
La veille, deux juges d'instruction ont été désignés pour enquêter sur de possibles comptes en banque à l'étranger du ministre socialiste du Budget Jérôme Cahuzac, qui a été contraint de démissionner dans la foulée.
S'étonnant d'un calendrier judiciaire qui pourrait compromettre durablement le retour de l'ancien chef de l'Etat dans le jeu politique, certains à l'UMP y décèlent une "instrumentalisation" politique, voire la revanche de magistrats naguère qualifiés de "petits pois" par Nicolas Sarkozy.
"Il n'y a pas de relation entre ces affaires, c'est le hasard", a réagi auprès de l'AFP Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM), principal syndicat de la profession.
"Des citoyens comme les autres"
M. Sarkozy a été mis en examen pour abus de faiblesse dans l'affaire Bettencourt par le juge d'instruction bordelais Jean-Michel Gentil, Jerôme Cahuzac est visé par une instruction décidée par le procureur de Paris François Molins et la directrice du FMI Christine Lagarde fait l'objet d'une enquête de la Cour de justice de la République (CJR).
Selon M. Régnard, il ne s'agit "pas d'une volonté de revanche" d'un corps judiciaire malmené par les politiques. "La justice suit son cours" et, si les politiques sont visés aujourd'hui, "c'est qu'ils sont des citoyens comme les autres".
Le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) a lui aussi jugé "inadmissibles" les "attaques contre l'indépendance de magistrats qui ne font que leur travail".
"Aujourd'hui c'est la droite qui hurle, hier c'était la gauche, mais c'est le pot de terre contre le pot de fer", a renchéri M. Régnard, dénonçant les violentes attaques d'une UMP qui, faisant bloc autour de son ancien chef, n'hésite pas à bousculer le principe de séparation des pouvoirs inscrit dans la Constitution.
Décision "injuste et extravagante", pour François Fillon, tandis que d'autres fustigent un "acharnement", une décision "surréaliste", "scandaleuse". Très proche de M. Sarkozy, le député UMP Henri Guaino a tiré la charge la plus lourde contre un juge qui, dit-il, "a déshonoré un homme, les institutions, la justice".
"C'est M. Guaino qui déshonore sa fonction", s'est indigné M. Régnard, dont le syndicat a décidé de saisir la garde des Sceaux pour demander des poursuites contre lui.
"Notre classe politique a du mal à supporter l'existence d'une justice indépendante", a estimé à droite Nicolas Dupont-Aignan (Debout la république), tandis que la gauche et le MoDem ont aussitôt pris la défense des magistrats.
David Assouline (PS) a condamné des "propos d'une violence préoccupante, dépassant toutes les bornes de la décence". Le Premier secrétaire du PS Harlem Désir a lui jugé "insupportable" de "mettre en cause la probité et l'indépendance des juges" et mis en garde contre les "pressions".
"Les attaques infondées contre les juges sont des attaques directes contre la démocratie", a fait valoir le président du MoDem, François Bayrou.
Face à la multiplication des attaques, Christiane Taubira a assuré les magistrats de son soutien et rappelé solennellement que "l'indépendance de l'autorité judiciaire est garantie par la Constitution".