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Sarkozy, Le Pen, Onfray : pourquoi cette union sacrée contre Valls ?
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<time>Publié le 17-03-2015 à 12h09Mis à jour à 13h05</time>
Le caractère de Manuel Valls est de plus en plus contesté, de Nicolas Sarkozy à Marine Le Pen, en passant par Michel Onfray. Que signifie cette étrange convergence ?
Manuel Valls (c) AFP
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Ce lundi encore, en meeting à Palaiseau, Nicolas Sarkozy s’y est attelé : « M. Valls préfère l'excès des mots, des états d'âme, de la fébrilité, là où les Français attendent désespérément du sang-froid, de l'action et des résultats ».
Le jeudi précédent, à Belfort, le président de l’UMP avait déjà mis en cause l’équilibre mental du chef du gouvernement : « Je m'inquiète pour lui… A un moment il va craquer… Heureusement que le bouton nucléaire, c'est le bureau d'à côté! »
Signe des temps, Marine Le Pen aussi a recours au même procédé destiné à discréditer Manuel Valls. Dansun entretien au Parisien, elle a ainsi ironisé que le caractère ombrageux du Premier ministre : « On connaissait Max la menace. Il y a maintenant Valls la fureur, qui en toute circonstance éructe sa haine contre nous ».
Euphorie lacanienne
Notons bien le choix des mots « Valls la fureur », énième révélateur de ce qu’au Front national, on a l’euphonie lacanienne. On ne sort pas d’un imaginaire puissamment ancré dans l’inconscient par la grâce de quelques éléments de langage imaginés par la Camarilla Philippot qui dirige, de fait, le vieux parti de Jean-Marie Le Pen.
Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen ont un point commun : l’une de leur faiblesse réside justement dans la perception que les Français ont de leur caractère.
Le premier peine à effacer l’image du président agité et emporté qu’il fut durant cinq ans. Il est encore et toujours l’homme de la formule « Casse-toi pov con ! », lancée à un anonyme lors d’un Salon de l’agriculture. La seconde est prisonnière de l’image du père, et elle peine, en dépit de ses efforts, à se maitriser en toutes circonstances. Les incidents survenus la semaine passée au Parlement européen en attestent : quand elle est mise en cause, Marine Le Pen redevient Jean-Marie plus que Marine. Elle craque, offrant d’elle l’image d’une personnalité se comportant comme on se comporte à l’extrême droite depuis 150 ans, en usant et abusant de la provocation.
"Une droite française sans vision"
Il est donc logique que les attaques de Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen convergent contre Manuel Valls. On assiste à l’alliance improbable de Jacques Pilhan et Sigmund Freud, de la communication et de la psychanalyse. C’est en effet par le déplacement, politique et psychanalytique, de leur propre défaut sur Manuel Valls que Marine Le Penet Nicolas Sarkozy tentent d’effacer l’image qui leur colle à la peau. Ce n’est pas nous qui sommes inquiétants, c’est l’autre.
Il est curieux du reste, de noter que les attaques concentrées sur Manuel Valls, y compris celle émanant de personnalités se revendiquant du monde des idées, ne s’embarrassent pas de nuance. On pense ici à Michel Onfrayqui, répondant à une question intellectuelle posée par le Premier ministre a répondu en le traitant tout simplement de « crétin ». Le philosophe a même persisté et signé encore, sur Europe 1, vilipendant ce Premier ministre qui « s’en va courir après les ruraux avec ce mépris du Parisien qui vient avec ses bottes pour voir les ploucs ».
Le contraste est patent entre les attaques que subit Manuel Valls et celles qu’il mène pour le compte de son camp. Dans la forme, le ton est ferme et viril, mais dans le fond le propos est modéré et tempéré. Valls fait dans la social-démocratie de combat, posture à laquelle n’était plus habitués les gens de ce camp, après vingt ans de résignation idéologique passés à subir la montée du zemmouro-lépénisme triomphant à la télévision et le procès en trahison social-traitre sans cesse nourri par cette gauche de la gauche héritée du communisme, dont Onfray est un pur représentant.
Procès en illégitimité
A Evry, ce lundi, il s’en est pris à Nicolas Sarkozy, mais sans jamais mettre en cause la psychologie de l’ancien président. « Aujourd'hui, la droite française est sans vision », a-t-il accusé. Et d’ajouter que Nicolas Sarkozyn’avait « ni nerfs, ni colonne vertébrale, ni convictions », ce qui renvoie au corpus idéologique incertain de l’ancien président, et non à sa personne. Nicolas Sarkozy, qui un jour invente le statut d’auto-entrepreneur et qui, un autre jour, décrète que c’est une nouvelle plaie d’Egypte importée en France.
Reste la question cruciale : que signifie, au-delà des impératifs de la politique du moment, ce choix de concentrer les attaques sur la faiblesse mentale supposée de Manuel Valls, Premier ministre qui serait équipé de nerfs ne résistant pas à l’épreuve du pouvoir, capable de déclencher une guerre nucléaire sur un coup de tête ?
En vérité, une fois de plus, derrière les attaques nourries contre Manuel Valls se cache l’éternel procès en illégitimité fait à la gauche. Parce qu’il est socialiste, voire naturalisé aux yeux de Jean-Marie Le Pen, Manuel Valls ne peut être Premier ministre de la France. C’est une incapacité ontologique. Et ce procès est aussi instruit à gauche de la gauche, l’éternel procès de la gauche social-démocrate, nécessairement traitre à la gauche dans l’exercice du pouvoir, donc illégitime vu de la gauche Onfray.
Une social-démocratie "conquérante et ambitieuse"
Valls à Matignon, c’est une aberration. Une erreur. Un accident de l’histoire. Comme Blum en 36. Ou Mitterrand en 81. Valls est dangereux ou crétin, mais dans tous les cas, il est illégitime.
D’où, là encore, le jeu de mots lacanien des Le Pen, père et fille, sur la nécessité de faire « valser Valls » de Matignon à l’occasion des Départementales.
D’où le procès en défaut de maitrise nerveuse du camembert Sarkozy au roquefort Valls.
D’où l’injure d’Onfray, dans la plus pure tradition thorezienne, celle du « fils du peuple », ouvrier devenu intellectuel et dénonçant le bourgeois qui trahit l'ouvrier.
D'où cette convergence des attaques, déjà subies par d'autres en leur temps, visant à déstabiliser Manuel Valls en s'en prenant à sa dimension psychologique.
D’où ce sentiment, au vu de cette étrange convergence, que Manuel Vallsne mène peut être pas un combat vain, qui a opté pour la défense d’une social-démocratie qui ne serait plus honteuse et frileuse, mais conquérante et ambitieuse.
Certes, les résultats des élections départementales du dimanche qui vient révéleront peut être que ce combat était, en l'état actuel de l'opinion, désespéré. Mais un combat désespéré, c’est toujours mieux qu’un combat désespérant.
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