• Solar Impulse : l'avion propre du "capitaine" Piccard

    Solar Impulse : l'avion propre du "capitaine" Piccard

    Le Point - Publié le <time datetime="2015-03-09T19:38" itemprop="datePublished" pubdate=""> 09/03/2015 à 19:38</time>

    Les prémices de l'aventure du Suisse Bertrand Piccard datent de 2003, quand une armée d'ingénieurs bûchait déjà sur la faisabilité d'un rêve.

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    <figure class="media_article panoramique" itemprop="associatedMedia" itemscope="" itemtype="http://schema.org/ImageObject"> Bertrand Piccard échange avec son équipe au sujet du projet "Solar Impulse" à l'École polytechnique de Lausanne le 23 novembre 2004. <figcaption>Bertrand Piccard échange avec son équipe au sujet du projet "Solar Impulse" à l'École polytechnique de Lausanne le 23 novembre 2004. © Martin Bureau / AFP </figcaption> </figure>

     
     
     
     

     
     
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    Il y a près de douze ans, le projet "Solar Impulse" n'en était qu'à son étape initiale, puisque l'appareil qui vient de survoler le golfe d'Oman ne représentait qu'une simple maquette, sur laquelle Bertrand Piccard plaçait déjà énormément d'espoir. En 2003, Le Point avait rencontré l'aéronaute suisse, qui avait déjà planifié les échéances à venir alors qu'il ne disposait pas encore du brevet de pilotage... Le projet n'a finalement pas vu le jour en 2010-2011 comme il l'envisageait à cette époque. Néanmoins, Bertrand Piccard a réalisé son rêve avec en filigrane cette ambition de sensibiliser le plus grand nombre aux économies d'énergie. Un discours qui, au final, n'a pas pris une ride !

    Il n'a pas attendu que le réchauffement climatique ou les économies d'énergie remuent l'opinion mondiale pour se lancer dans la bataille. Mi-pionnier, mi-prophète, à l'écart du tapage médiatique, Bertrand Piccard, l'homme qui a réalisé le premier tour du monde sans escale en ballon, prépare depuis 2003 un défi fou. Nom de cette mission : "Solar Impulse". Le rêve de Bertrand Piccard ? Un avion de l'envergure de l'Airbus A380 (80 mètres), mais 280 fois plus léger (soit 2 tonnes), destiné à voler jour et nuit sans essence avec un seul passager à bord : son pilote. Son carburant : le soleil. "Il s'agit de décoller à l'énergie solaire grâce à des cellules photovoltaïques, de monter en altitude le plus haut possible - jusqu'à 12 000 mètres -, charger les 400 kilos de batteries qui permettront de passer la nuit en vol en se laissant glisser jusqu'à 3 000 mètres d'altitude", explique Piccard.

     

    Voler sans brevet ?

    "Solar Impulse" existe pour l'instant seulement sous forme de maquette et de simulations de vol sur ordinateur. Mais les admirateurs - Jacques Chirac en tête - se pressent à la "grand-messe" aéronautique du Bourget, et des parrains prestigieux (de Buzz Aldrin à Elie Wiesel, en passant par Nicolas Hulot et Hubert Reeves) le couvent. Depuis 2003, grâce au soutien de l'École polytechnique fédérale de Lausanne et de sponsors privés (Omega, Solvay, Altran, Dassault), un bataillon d'ingénieurs - ils sont déjà 25 à temps plein auxquels s'adjoignent 80 consultants -, vieux briscards de l'aéronautique et jeunes Géo Trouvetou travaillent d'arrache-pied à le faire décoller. Construction du prototype prévue au printemps 2007. Premiers vols tests en 2008.

    Objectif : un vol de 36 heures (deux jours et une nuit) dans la foulée. Puis, pour 2010-2011, un tour du monde par étapes, sur chaque continent, avec des vols en autonomie de 3 à 5 jours, suivant la météo. Détail amusant : cet homme qui veut révolutionner l'aéronautique n'est pas... pilote d'avion ! Il a ses brevets pour piloter un deltaplane (il a été champion d'Europe de voltige), un ULM, un parapente, un parachute, un ballon... mais pas un avion ! Il est en train de bûcher les examens pour passer sa licence. Incroyable ? Pas avec Piccard : l'aventurier avait déjà attendu que son ballon soit en construction pour passer son brevet d'aérostier. "Solar Impulse" sera piloté par un homme, dans un cockpit, le plus léger possible, mais à l'ergonomie calibrée au millimètre pour que le pilote puisse y vivre jusqu'à cinq jours. "Ce projet doit être d'abord une aventure humaine susceptible d'enthousiasmer le public, souhaite le "capitaine" Piccard. En tant que médecin, psychanalyste, explorateur, j'ai l'ambition de trouver des solutions pour vivre mieux sur cette planète. Le XXe siècle fut un siècle de conquêtes, le XXIe siècle devrait avoir pour but l'amélioration de notre qualité de vie."

    Et notre homme a une voix qui porte. Il donne des conférences à travers le monde - "environ 120 apparitions publiques par an" (tarif : de 10 000 à 15 000 euros). Il a été reçu par Chirac, Blair, Clinton, Kofi Annan, la reine d'Angleterre ou le dalaï-lama. Il développe des projets humanitaires avec les Nations unies (dont il est "ambassadeur de bonne volonté") ou sa fondation Winds of Hope, qui finance en Afrique des programmes de prévention contre le noma (maladie liée à la malnutrition qui dévore le visage des enfants) et à laquelle il reverse 10 % de ses honoraires de conférencier.

    Droit de choisir

    L'explorateur scientifique, le médecin-psychiatre, le pilote émérite de tous engins volants identifiés a toujours eu des préoccupations humanistes et spirituelles. C'est le Piccard côté pile, celui qui fut éduqué au "sens de la vie, à croire et ne pas croire" par une mère fille de pasteur curieuse de philosophies exotiques, et qui se montre passionné par l'histoire des cathares, le destin d'Akhenaton ou les Évangiles apocryphes. Sous ses airs lisses et zen, l'homme revendique un côté "hérétique". "J'ai toujours voulu lutter contre les certitudes, tout en respectant l'ordre établi, précise-t-il. Étymologiquement, l'hérésie signifie choix en grec : c'est le droit de choisir plutôt que de croire ce qu'on nous impose. Elle sert à éveiller notre sens critique." Et c'est en hérétique que, dans son cocon suisse avec vue plongeante sur le lac de Genève, sous le buste de son grand-père Auguste - le grand inventeur ami d'Einstein et modèle du professeur Tournesol -, Bertrand Piccard, aujourd'hui âgé de 48 ans, planche sur la mission "Solar Impulse". "Ce projet, c'est aussi une hérésie, parce que le but est de sortir du dogme du tout-pétrole", lance-t-il.

    Cet avion jamais vu, s'il parvient à décoller, portera bien des ambitions. Plus de la moitié du budget (40 millions d'euros au total pour la construction de deux avions, un prototype et un appareil réel) est déjà bouclé. Les enjeux sont multiples. "Nous cherchons des moteurs électriques à très haut rendement et très fiables, nous travaillons sur des matériaux composites pour rendre notre avion le plus léger possible, nous étudions des modes de transmission différents des instruments classiques pour assister le pilote dans sa navigation (la vibration par exemple), explique André Borschberg, ingénieur en thermodynamique et ancien pilote (pendant vingt-cinq ans) dans une escadrille de chasse suisse, directeur du projet. Ces expérimentations permettront de couvrir des besoins qui deviendront essentiels quand il faudra économiser les énergies."

    Un projet symbolique

    L'équipe escompte de nombreuses retombées dans la vie quotidienne. "Les applications seront énergétiques, humaines, médicales, sociales, promet Bertrand Piccard. Nos travaux pourront servir par exemple à fabriquer des carrosseries de voiture, mais aussi des pompes cardiaques artificielles ou des systèmes de détection pour aider les tétraplégiques à diriger leur fauteuil roulant." Le projet n'est pas commercial, mais de grande portée symbolique.

    But essentiel ? "Stimuler l'intérêt de la population pour les économies d'énergie, les nouvelles technologies, les sources alternatives, souligne son initiateur. Que les consommateurs se disent : cette aventure est magnifique, mais comment puis-je moi aussi y participer ? Nous voulons promouvoir par ce biais les moteurs hybrides sur les voitures, les ampoules électriques de basse consommation, une meilleure isolation dans les nouvelles constructions... Si nous continuons à brûler 1 million de tonnes de pétrole par heure, il nous sera impossible de transmettre la planète à nos successeurs sans catastrophe." Bref, c'est chacun d'entre nous que Bertrand Piccard et son équipe veulent embarquer à bord de leur avion révolutionnaire. "Si le pilote de Solar Impulse gaspille l'énergie qu'il a emmagasinée, il ne parviendra jamais à atteindre le lever de soleil suivant. Il s'écrasera avant. Comme nous." Ce n'est pas que métaphore.


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