• Syrie : l'offensive médiatique de Bachar Al-Assad

    Syrie : l'offensive médiatique

    de Bachar Al-Assad

    Le Monde.fr | <time datetime="2013-09-20T18:14:03+02:00" itemprop="datePublished">20.09.2013 à 18h14</time> • Mis à jour le <time datetime="2013-09-20T18:21:43+02:00" itemprop="dateModified">20.09.2013 à 18h21</time>

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    Depuis le début de l'insurrection, en mars 2011, Bachar Al-Assad

    a plutôt brillé par son absence. En deux ans et demi, le président

    syrien est apparu en public de manière sporadique et n'a accordé

    qu'une poignée d'entretiens. Juste assez pour faire taire d'épiso-

    -diques rumeurs et rappeler qu'il restait le patron de la Syrie.

    <figure class="illustration_haut"> Une image, fournie par l'agence officielle SANA, du président syrien Bachar Al-Assad lors de son interview sur la chaîne de télévision américaine Fox News, le 19 septembre à Damas. </figure>

    Fin août, alors que l'armée syrienne commence à regagner le terrain perdu contre les rebelles,

    la France et les Etats-Unis annoncent une expédition "punitive" pour désarmer le régime de son

    arsenal chimique. Bachar Al-Assad comprend que, pour éviter des frappes, il va falloir gagner la

    bataille de l'opinion occidentale. Pour les services de la présidence chargés de la communication,

    que Le Monde avait décrits en mars 2012, c'est le commencement d'un grand marathon médiatique.

    Fabrice Balanche est géographe et spécialiste de la Syrie. Selon lui, l'annonce d'une intervention

    a changé la donne pour le régime : "Ils se sont dits qu'il y avait urgence, que l'équilibre des forces

    allait changer." M. Assad ouvre grandes les portes du palais présidentiel aux médias étrangers triés

    sur le volet. D'abord Le Figaro, le 2 septembre, puis la chaîne américaine CBS à peine une semaine

    plus tard et enfin, aux journal russe Izvestia et à la chaîne Rossia 24, le 13 septembre. Pendant ce

    temps, des médias du monde entier obtiennent l'autorisation de venir travailler à Damas, plus en

    tout cas que lors des périodes précédentes.

    LE PRÉSIDENT SYRIEN CHOISIT SES MOTS AVEC PRÉCAUTION

    Au cours de tous ces entretiens, Bachar Al-Assad choisit ses mots avec précaution et, surtout, en

    fonction de ses interlocuteurs. Auprès de la presse française, il évoque le terrorisme et demande :

    "Peuvent-ils [les responsables français] se mettre du côté de ceux qui, comme Mohammed Merah

    [auteur des tueries de Toulouse et Montauban en mars 2012], ont tué des innocents en France ?

    " Devant le journaliste américain Charlie Rose, le président syrien invoque le précédent irakien :

    "Cette guerre va profiter à Al-Qaida et aux mêmes personnes qui ont tué des Américains le

    11-Septembre. (...) Nous nous attendions à une administration différente de celle de Bush..."

    Pour le public russe, il joue du sentiment antiaméricain en adressant un message "très clair"

    à Washington, dans lequel il pose ses conditions au désarmement de son arsenal chimique :

    "Quand ils [les Etats-Unis] arrêteront de fournir des armes aux terroristes, alors nous

    considérons que ce processus peut être mené à terme."

    Pour M. Balanche, le président syrien "connaît parfaitement les forces et les faiblesses des

    pays occidentaux". Menacer directement la France et les Etats-Unis de représailles a permis

    de contrôler "l'évolution de l'opinion des populations". Ce d'autant plus facilement que cette

    période a coïncidé avec de nouvelles alertes sur la situation des chrétiens de Syrie, notamment

    l'attaque du village de Maaloula par des djihadistes, une cause à même de mobiliser fortement

    dans les opinions occidentales.

    Lire la note du blog "Un œil sur la Syrie": L'attaque de Maaloula moins menaçante pour les

    chrétiens que certaines couvertures médiatiques

    Les déclarations clés du régime sont par ailleurs soigneusement réparties dans chacune des

    interviews, avec comme objectif de maximiser les reprises par d'autres médias. Cette exposition

    médiatique permet à la "com'" syrienne de se diffuser par tous les canaux disponibles, jusqu'à

    frôler l'overdose.

    En témoigne la mésaventure de George Stephanopoulos, journaliste de la chaîne ABC, qui a

    sauté dans un avion direction Beyrouth, le 9 septembre, avec la promesse d'une interview du

    dirigeant syrien. Sur place, le journaliste déchante. Le régime annule l'entretien au dernier moment.

    M. Stephanopoulos, bredouille après un voyage de 15 000 kilomètres, retourne aux Etats-Unis où il

    se console avec l'interview de Barack Obama le vendredi suivant. Hasard des calendriers ou non,

    à la place de l'interview de Bachar Al-Assad sur ABC, dont la diffusion était programmée le

    lendemain du discours de Barack Obama à la nation, mardi 10 septembre, c'est à la tribune

    de Vladimir Poutine dans le New York Times qu'échoit la mission de répondre au président

    américain.

    LA "CONCERTATION ENTRE RUSSIE ET SYRIE" A PORTÉ SES FRUITS

    La "concertation entre la Russie et la Syrie sur la réponse à apporter" a porté ses fruits, estime

    Fabrice Balanche. "Aujourd'hui, on ne parle plus du départ d'Assad : il faut de la stabilité pour

    pouvoir s'occuper du démantèlement des armes chimiques."

    Quant aux journalistes autorisés par le régime à venir à Damas, leur travail reste tout aussi

    dangereux, mais le nombre d'arrivées s'est intensifié ces dernières semaines – pour la France,

    seuls BFMTV, France 2 ou France 24 ont pu tourner des images à Damas. Un journaliste syrien

    installé depuis plusieurs années près de Damas a assisté a cet "appel d'air" : "Jusqu'au dernier

    moment, il [le régime] ne voulait faire entrer personne. Mais là, d'un coup, tout le monde est arrivé.

    "

    Mais ce journaliste, qui s'exprime sous couvert d'anonymat, décrit des conditions de travail qui

    restent soumises aux aléas d'une "bureaucratie surréaliste". Selon les lieux de tournage, "il faut

    négocier mètre carré par mètre carré". Rien à voir donc avec les services de la présidence, où "la communication se fait de manière très concertée".

    Rodolphe Baron


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