• Syrie : la guerre des Assad

    Syrie : la guerre des Assad

    Le Point.fr - Publié le 15/11/2011 à 21:14 - Modifié le 15/11/2011 à 21:34

    L'officier déserteur, Riad el-Asaad, et l'oncle exilé, Rifaat el-Assad, s'activent pour le départ du président syrien.

    Près de 3 500 Syriens ont été tués depuis le début de la révolte populaire dans le pays il y a huit mois.

    Près de 3 500 Syriens ont été tués depuis le début de la révolte populaire dans le pays il y a huit mois. © Franck Fife / AFP

     

    Damas lâche du lest. À la veille d'une réunion cruciale de la Ligue arabe visant à entériner la suspension de la Syrie de ses réunions, le régime syrien a annoncé la libération de "1 180 détenus, impliqués dans les événements et qui n'ont pas de sang sur les mains". Un revirement de dernière minute, qui ne semble pas entamer la détermination de l'organisation panarabe. À défaut d'avoir été visé par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, toujours bloquée par son allié russe, le régime syrien n'échappe plus aux sanctions de ses pairs arabes.

    Damas a été suspendue à une large majorité (18 membres sur 22), samedi, des réunions de la Ligue arabe pour avoir refusé un plan qui prévoyait de retirer des villes ses forces armées et de libérer les manifestants arrêtés. "Les deux protagonistes de cette suspension, l'Arabie saoudite et le Qatar, sont déterminés à mettre le régime syrien, maillon faible de l'axe chiite pro-iranien, sous pression afin qu'il tombe et soit remplacé par un régime sunnite pro-saoudien", explique Fabrice Balanche, maître de conférences à l'université Lyon-2 et directeur du Groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Gremmo). Pour le chercheur, la proposition de la Ligue arabe demeure tout bonnement inacceptable pour Damas, car "toute concession de sa part laisserait la rue aux manifestants, et signifierait sa chute immédiate".

    "Gagner du temps" (ex-diplomate)

    Ancien diplomate français et grand connaisseur de la Syrie, Ignace Leverrier estime pour sa part que l'action de la Ligue arabe revêt avant tout une valeur symbolique. "Elle donne du courage aux opposants, mais porte surtout atteinte à la crédibilité internationale de la Syrie, qui se prévalait jusqu'ici d'être la voix du monde arabe contre l'impérialisme." Or, elle ne s'avoue pas pour autant décisive. "La Ligue arabe donne encore une chance au régime syrien, alors que la rue, qui l'a rejeté depuis longtemps, demeure persuadée que celui-ci cherche à gagner du temps", ajoute l'ex-diplomate. Dès lors, Damas pourrait chercher à se lancer dans des manoeuvres formelles sans rien changer pour autant changer sur le fond.

    "Le régime sait pertinemment qu'il n'arrivera pas à se rétablir, mais pense qu'à force de tuer il pourrait parvenir à dissuader son peuple, et à amener la communauté internationale à s'accommoder d'une telle situation, comme pour la Corée du Nord et l'Iran", souligne Ignace Leverrier. Face à cette impasse diplomatique, l'opposition tend chaque jour davantage vers la lutte armée. Depuis un mois se multiplient en effet les accrochages armés entre soldats, déserteurs et la population, laissant craindre que le pays ne sombre dans la guerre civile. Lundi, sur les 70 morts enregistrés figuraient 34 soldats et 12 déserteurs. "On assiste à une recrudescence des désertions dans le pays, soldats, mais aussi ex-conscrits", admet l'ancien diplomate.

    L'armée contacte l'opposition

    À la tête de l'Armée syrienne libre, entité parallèle de 10 000 hommes, dont le but avéré est de "protéger les populations civiles, figure le colonel Riad el-Asaad. Refusant, selon ses propres dires, de tirer sur les manifestants, l'homme a quitté en juillet dernier l'armée officielle. Il demande aujourd'hui à la communauté internationale une "aide militaire" face au régime de Damas. "Riad el-Asaad, qui n'a aucun lien de parenté avec Bachar, n'est pas un homme d'influence", note Haytham Manna, opposant syrien en exil, qui participe au Caire à une conférence de la Ligue arabe sur l'avenir de la Syrie. "Les cas de cet homme et de son organisation ont été amplifiés par les télévisions d'information arabes. Or, il existe en Syrie divers groupes armés, formés aussi bien de déserteurs que de civils." L'opposant syrien s'inquiète d'ailleurs de l'augmentation irrationnelle de la violence, notamment dans la ville de Homs, devenue "hors de contrôle".

    Un autre Assad s'en est vigoureusement pris au régime syrien mardi. Et il ne s'agit pas du premier venu, puisque ce n'est autre que Rifaat el-Assad, l'oncle de Bachar, banni du pays en 1985, après une tentative ratée de coup d'État contre son frère, Hafez el-Assad. Après avoir appelé, dimanche, son neveu à "arrêter le bain de sang" et à "quitter le pouvoir", Rifaat el-Assad a proposé, mardi, de le remplacer à la tête du pays. "Je suis personnellement prêt à prendre la responsabilité de rentrer en Syrie, à la fois pour rassurer les minorités et pour apaiser les coeurs", a-t-il déclaré sur Europe 1. "Ensuite, je partirai. Je m'engage à quitter le pouvoir. Je souhaite que la France accueille Bachar el-Assad. Ce serait une véritable solution pour sortir de la crise."

    Un scénario qui n'a que très peu de chances d'aboutir, estime Ignace Leverrier. "Les officiers de l'armée syrienne prennent peu à peu conscience que le véritable problème n'est pas de se débarrasser de Bachar el-Assad, mais de tout un système familial mis en place par Hafez. Il est par conséquent impensable qu'ils remettent le pouvoir à un autre membre de sa famille." Et l'ex-diplomate de révéler qu'en raison de la dégradation de la répression, mais aussi de la situation économique du pays, de nombreux membres du système sont en train de prendre conscience de la fin proche du régime. "Un certain nombre d'entre eux savent qu'il faudra à un moment donné choisir, et ont donc actuellement des contacts avec l'opposition", indique-t-il. Une information que confirme l'opposant Haytham Manna.


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