Le débat est relancé. Le comité pour la fiscalité écologique a débattu jeudi 13 juin de la possibilité d'introduire une composante carbone dans les taxes sur l'énergie et de réduire l'avantage fiscal du diesel sur l'essence. Deux sujets politiquement sensibles qu'il reviendra au gouvernement de trancher.
Plus de trois ans après les vifs débats ayant accompagné la censure puis l'abandon de la taxe carbone, les discussions ont été "constructives", avec "un signal positif" en faveur d'une fiscalité écologique, a estimé l'eurodéputé EELV Yannick Jadot, qui s'attendait à "un débat beaucoup plus tendu".
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Le comité pour la fiscalité écologique, qui réunit depuis décembre une quarantaine d'élus et de représentants des associations, des entreprises et des syndicats, n'a pas formellement voté jeudi sur ce sujet. Mais les différents avis exprimés vont être consignés dans un rapport et remis à l'arbitrage du gouvernement dans le cadre de l'élaboration du budget pour 2014, ont indiqué des participants.
VERS UN "SCÉNARIO DE COMPROMIS" ?
Le président du comité, l'économiste du climat Christian de Perthuis, avait proposé de lier, à partir de 2014, une partie des taxes pesant sur les énergies (carburants, gaz, fioul, etc.) à leur "contenu" en CO2, afin d'orienter les Français vers des énergies moins nocives pour le climat. Le sujet d'une taxation du CO2 est sensible en France depuis l'échec de la "taxe carbone" en 2009. Le projet phare du budget 2010 avait été retoqué par le Conseil constitutionnel puis reporté sine die par le gouvernement dans l'attente d'une hypothétique décision européenne.
Cette réforme serait doublée d'un mécanisme pour progressivement réduire l'avantage fiscal du diesel sur l'essence (18 centimes par litre) en raison de son impact sur la qualité de l'air. Elle s'accompagnerait aussi d'aides financières pour les ménages et les entreprises, par exemple une incitation au retrait des plus vieux véhicules diesel.
Lors de la réunion à huis clos, jeudi au ministère de l'écologie, la Fondation Nicolas-Hulot (FNH) a défendu, avec le soutien des autres ONG, un "scénario de compromis". Un scénario comprenant un "rattrapage" plus rapide de l'écart entre diesel et essence (2 centimes au litre par an, contre 1 centime proposé, sur la période 2015-2020), un prix de la tonne de CO2 plus élevé en 2020 et une redistribution plus orientée vers les particuliers.
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Selon la FNH, ce scénario alternatif a reçu le soutien d'associations de consommateurs et familiales, de collectivités locales et de certains syndicats. Les représentants des agriculteurs et des entreprises n'ont en revanche pas pris position en estimant qu'il n'y avait pas suffisamment d'études pour évaluer l'impact de telles mesures sur certains secteurs, a précisé le porte-parole de la fondation, Matthieu Orphelin.
L'Union française des industries pétrolières (UFIP) a rappelé être favorable à "un ajustement équilibré de la fiscalité de l'essence et du gazole" qui permettrait "à terme au raffinage français de mieux assurer l'approvisionnement du pays en carburants".
DÈS LE BUDGET 2014
Mais "un tel rééquilibrage n'exige en rien la création d'une nouvelle taxe, une 'taxe carbone' spécifique aux combustibles dont la principale conséquence serait une hausse du prix des carburants", a-t-elle ajouté dans un communiqué. La sénatrice UMP Fabienne Keller, qui avait œuvré pour la taxe carbone de 2009, a pour sa part regretté que les recettes fiscales envisagées (5 milliards d'euros escomptés en 2020) soient principalement fléchées vers le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) : "La taxe doit être recyclée pour réduire les consommations d'énergie, sinon on retombe sur une taxe de plus, ça perd son sens", a-t-elle indiqué.
L'un des porte-parole des députés PS, Thierry Mandon, a promis mercredi que des mesures de fiscalité écologique seraient engagées "dès le budget 2014", qui sera discuté à l'automne prochain. Europe Ecologie-Les Verts a fait de la présence d'une fiscalité écologique dans le prochain budget l'une des conditions de sa participation au gouvernement.