Jean-Yves Le Borgne, avocat au barreau de Paris, auteur de "La garde à vue, un résidu de barbarie" (Ed. du Cherche Midi, janvier 2011), revient sur les gardes à vue prolongées dans l'opération antiterroriste lancée samedi 6 octobre?
Les gardes à vue des suspects de la cellule islamiste démantelée ce week-end ont été exceptionnellement prolongées de 4 à 5 jours. Comment comprendre une telle mesure ?
- Il faut d'abord noter qu'on est dans le cadre de la criminalité organisée, comme le définit l'article 706-73 de la procédure pénale. Cet article dispose que, dans une série de qualifications, la garde à vue peut être ainsi prolongée. Bref, nous sommes dans l'ordinaire de l'extraordinaire, voire dans l'extraordinaire de l'extraordinaire. Concrètement, l'imminence d'un acte terroriste en France ou à l'étranger constitue un cas exceptionnel. Lorsque l'on est dans un cas aussi grave, une telle mesure peut se justifier. Toutefois, il faut noter que cette mesure n'a été utilisée qu'une seule fois depuis son adoption en 2006. Je ne peux pas applaudir une garde à vue de cinq jours, mais vu les faits, pourquoi pas ? Je me résous à l'exceptionnel devant une menace, elle aussi, exceptionnelle.
Mais cette mesure vous paraît-elle légitime et justifiée ?
- Cette opération a été autorisée par le juge des libertés et des détentions. Si nous sommes bel et bien dans l'imminence d'une action terroriste, cela peut se justifier. Même si on est un fervent défenseur des droits de l'homme et des libertés, il ne faut pas non plus être partisan d'une manière excessive. Il s'agit, par exemple, d'empêcher l'explosion de la bombe qu'on a posée je ne sais où. Même si je ne peux pas dire que cette mesure est légitime, si dérogatoire soit-elle, on peut l'admettre vu l'urgence et si elle reste rarissime.
Cela augure-t-il forcément des mises en examen ?
- Cette prolongation exceptionnelle a une seul signification : il y a une menace terroriste. Il y a une action qui est en cours et qu'il faut casser. Si la bombe avait déjà éclaté, cela n'aurait plus de sens. Mais, s'il s'agit de s'interposer à une tragédie, cela vaut la peine de gagner un peu de temps. Le but est préventif : soit empêcher une action en cours, soit empêcher la fuite de personnages qu'on n'a pas encore arrêtés. Il serait donc extraordinaire qu'il n'y ait pas de mises en examen après de telles à gardes à vue.