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    Le 31 octobre 2011

    Harcèlement moral : L’employeur reste responsable des agissements d’un tiers.

     

    L’employeur est responsable des actes de harcèlement commis par des personnes exerçant une autorité de droit ou de fait sur ses salariés.

    La Chambre Sociale de la Cour de Cassation (Soc. 19 octobre 2011, n°09-68.272 FS-PB) a confirmé sa jurisprudence en jugeant que l’employeur est responsable des agissements de harcèlement moral commis par toute personne exerçant une simple autorité de fait ou de droit sur les salariés.

    L’employeur ne peut donc s’exonérer de sa responsabilité en invoquant l’absence de faute de sa part.

    En l’espèce, un concierge-gardien d’immeuble, employé par un syndic de copropriété, faisait valoir qu’il était victime de harcèlement moral de la part du président du conseil syndical, et faisait l’objet de façon récurrente d’insultes.

    Il avait donc saisi le Conseil de Prud’hommes aux fins de réclamer des dommages et intérêts à son employeur (le syndic).

    L’employeur de son côté faisait valoir qu’il n’était pas responsable des agissements commis par le président du conseil syndical lequel n’avait pas la qualité de préposé et n’était donc soumis à aucun lien de subordination.

    En effet, le conseil syndical est un tiers à la relation de travail qui lie le syndic et le gardien d’immeuble.

    C’est en effet l’assemblée générale des copropriétaires qui désigne le président du conseil syndical sans qu’aucun lien juridique ne l’unisse au syndic dans un rapport de commettant à préposé.

    L’employeur faisait donc valoir que la responsabilité civile du syndic ne pouvait donc être recherchée sur le fondement des dispositions de l’article L 1384 du Code Civil portant sur la responsabilité du fait d’autrui.

    Son argumentation n’était pas dénuée de sens et le syndic faisait valoir que sa responsabilité ne pouvait pas être recherchée en l’absence de faute de sa part.

    Par ailleurs, il convient de préciser que le syndic, informé des faits, avait immédiatement pris les mesures nécessaires et, à l’issue d’une assemblée des copropriétaires, avait rappelé au président du conseil syndical les règles de bonne conduite en lui signifiant que de nouveaux écarts de langage ne seraient pas tolérés.

    A la faveur d’une nouvelle assemblée générale, le président du conseil syndical n’avait d’ailleurs pas été reconduit dans son mandat.

    En conséquence, l’employeur s’estimait exonéré de sa responsabilité eu égard à l’absence de faute de sa part et de sa réaction immédiate.

    Pour autant, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, voulant assurer à tout prix la protection effective des salariés en matière de santé et de sécurité au travail, a estimé que toute personne exerçant une simple autorité de fait n’exonérait pas l’employeur de sa responsabilité peu important que cette personne ne soit pas liée à l’entreprise par un contrat de travail.

    Cette décision n’est pas nouvelle.

    La Cour de Cassation avait déjà fait appel à la notion de responsabilité de l’employeur du fait des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur le personnel où elle condamnait à indemniser un salarié qui avait fait l’objet de préjudice moral résultant du comportement d’un tiers caractérisé par des insultes et des mauvais traitements (Soc. 10 mai 2001, n°99-40.059).

    En 2011, la Cour de Cassation, suivant le même raisonnement, avait également retenu la responsabilité de l’employeur en raison d’agissements commis par un tiers chargé, en vertu d’un contrat de licence, de mettre en place de nouveaux outils de gestion, de former le responsable du restaurant et son équipe, et exerçant dès lors une autorité de fait sur des salariés. (Soc. 1er mars 2011, n°09-69.616)

    En tout état de cause, l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs notamment en matière de harcèlement moral.

    L’absence de faute de sa part ne peut, en toute hypothèse, l’exonérer de sa responsabilité.

    S’agissant d’une responsabilité objective non rattachée à la notion de faute, la décision rendue par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation s’explique par le fait que le harcèlement moral doit être bien évidemment proscrit dans l’entreprise et se rattache à l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur.

    En conséquence, dès lors que le résultat recherché n’est pas atteint, c’est-à-dire lorsque le harcèlement moral est avéré, seul un cas de force majeure permet d’exonérer l’employeur de sa responsabilité, l’absence de faute de sa part n’étant pas une circonstance d’exonération même si celui-ci a réagi rapidement pour faire cesser les agissements en question.

    En conséquence, peu important qu’il existe un lien de subordination entre l’employeur et le tiers, il suffit que ce dernier exerce une autorité de fait pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée.

    Il faut admettre que cette solution paraît moralement injuste et inéquitable.

    En effet, elle est le fruit d’une responsabilité objective, qui en dépit des diligences de l’employeur paiera de toute manière le prix du comportement d’un tiers sur lequel il n’a pourtant aucun pouvoir de direction.

    L’objectif poursuivi par la Haute Juridiction consiste simplement à écarter, de toutes les manières, le harceleur de l’entreprise par un licenciement, ou lorsqu’il s’agit d’un tiers en mettant fin à son mandat ou sa mission.

    Par ailleurs, cette solution peut être tempérée car, en tout état de cause, l’employeur qui serait contraint de verser des dommages et intérêts à l’un de ses salariés, victime de harcèlement de la part d’un tiers, pourrait toujours exercer une action récursoire contre ce dernier aux fins d’obtenir le remboursement des dommages et intérêts auxquels il aurait été condamné.


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