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    Thaïlande : le riz thaï va-t-il faire tomber le pouvoir ?

    Le Point.fr - Publié le <time datetime="2014-02-27T13:29" itemprop="datePublished" pubdate=""> 27/02/2014 à 13:29</time> - Modifié le <time datetime="2014-02-27T17:58" itemprop="dateModified"> 27/02/2014 à 17:58</time>

    Mobilisés depuis quatre mois, les opposants thaïlandais pourraient obtenir la destitution de la Premier ministre Yingluck grâce à une rocambolesque affaire.

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    <figure class="media_article panoramique" itemprop="associatedMedia" itemscope="" itemtype="http://schema.org/ImageObject"> Une rizicultrice thaïlandaise scande des slogans antigouvernementaux à Bangkok, le 17 février dernier. <figcaption>Une rizicultrice thaïlandaise scande des slogans antigouvernementaux à Bangkok, le 17 février dernier. © PORNCHAI KITTIWONGSAKUL / AFP </figcaption> </figure>
     
     
     

    Si les dizaines de milliers de manifestants thaïlandais n'ont pas réussi en quatre mois à obtenir la tête de la Premier ministre, ils pourraient toutefois parvenir à leurs fins grâce à une rocambolesque affaire de grains de riz. Yingluck Shinawatra comparaît jeudi devant une Commission anticorruption pour "négligence de son devoir". En ligne de mire de cet organe judiciaire officiellement "neutre", son programme controversé d'aide aux riziculteurs, grâce auquel l'État leur a acheté leur récolte à 50 % au-dessus du prix du marché.

    Cette promesse électorale, volontiers "populiste" selon ses opposants, avait permis à la patronne du Pheu Thai, le parti "progressiste" au pouvoir, de remporter haut la main les législatives de juillet 2011, 65 % de la population résidant dans les zones rurales. "Ce programme, très critiqué par la Banque mondiale, a été considéré comme un achat de voix des paysans", affirme David Camroux, maître de conférences au Centre d'études et de recherches internationales (CERI) de Sciences po.

    10 milliards d'euros de perte

    Or, si la promesse a été respectée, elle s'est révélée dévastatrice pour le budget de l'État. Car si le riz thaïlandais, reconnu pour sa qualité unique, était le premier exporté au monde en 2011, il est depuis retombé à la troisième place, la faute à un grain jugé trop cher face aux exportations massives des concurrents indiens et vietnamiens. Dès lors, le gouvernement s'est retrouvé avec un stock record d'invendus de 18 millions de tonnes. Au total, l'État a dépensé plus de 10 milliards d'euros depuis la mise en place de la réforme.

    "Ce programme a entraîné d'importantes ponctions sur les finances publiques", souligne Sophie Boisseau du Rocher, chercheuse au Asia Centre. "Ainsi, le gouvernement n'a tout simplement pas pu payer tous les paysans, qui sont à leur tour descendus dans la rue pour réclamer leur dû. Endettés, plus d'une dizaine d'entre eux se sont suicidés." Ces protestataires, appartenant pourtant à la base électorale de l'exécutif, sont ainsi venus gonfler les rangs des "chemises jaunes", ces opposants antigouvernementaux.

    "Chemises jaunes" contre "chemises rouges"

    Cela fait en effet quatre mois que le pays est secoué par une crise opposant les "chemises jaunes" aux "chemises rouges". Les premiers, des classes moyennes et supérieures des grandes villes du pays, sont de fervents partisans de la monarchie. Soutenus en arrière-plan par les militaires, pour l'heure officiellement neutres, ils militent pour le retour au pouvoir de l'ultraroyaliste et conservateur Parti démocrate, pourtant minoritaire dans les urnes.

    Les seconds rassemblent des masses rurales et défavorisées du pays, notamment dans le Nord et le Nord-Est. Des populations qui s'estiment totalement délaissées par la haute bourgeoise de Bangkok. Elles soutiennent corps et âme le redouté Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck Shinawatra et lui-même ancien Premier ministre de 2001 à 2006. "Ce milliardaire, ancien

    lieutenant-colonel de police, a acquis une popularité durable en prenant une série de mesures visant à améliorer le niveau de vie, les conditions de soins et de transport des populations rurales", souligne Jean-Louis Margolin, maître de conférences à l'Institut de recherches asiatiques du CNRS (IrAsia). "L'image de héros social dont a bénéficié Thaksin, par opposition au grand capitalisme de Bangkok, lui a valu le soutien d'une majorité de Thaïlandais".

    L'ombre de Thaksin

    Au contraire, la chercheuse Sophie Boisseau du Rocher dénonce la politique "d'achats de voix" du clan Thaksin, couplée à une volonté manifeste de s'emparer de tous les contre-pouvoirs existant (médias, justice). La démagogie du clan de Thaksin est en tout cas fort peu appréciée des cercles conservateurs, qui y voient une attaque directe à leurs intérêts économiques. Les "jaunes" accusent également les Shinawatra d'affaiblir l'influence, déjà considérable, de la famille royale sur le pays.

    "Il existe des liens traditionnels et quasiment organiques entre le palais et la direction de l'armée, qui relèvent de la vieille aristocratie siamoise", note Jean-Louis Margolin.

    Le populaire milliardaire est renversé en 2006 par un coup d'État militaire. Forcé à l'exil, et

    condamné en 2008 par contumace à deux ans de prison pour malversations financières, Thaksin Shinawatra conserve, même depuis l'étranger, une influence considérable sur la Thaïlande par le biais de sa soeur Yingluck. Ainsi, la décision de la Premier ministre, en août dernier, de proposer un projet de loi d'amnistie taillé sur mesure pour permettre le retour de son frère au pays, met le feu aux poudres.

    "L'opposition pas démocrate" (chercheur)

    Depuis quatre mois, les "chemises jaunes" paralysent le pays en réclamant la tête de Yingluck Shinawatra et la fin du "système Thaksin". Les violences sont même devenues quotidiennes et ont fait 22 morts. "Elles viennent des deux camps, qui sont armés", assure Phil Robertson,

    directeur adjoint de Human Rights Watch pour l'Asie. La Premier ministre a eu beau convoquer des élections législatives anticipées, celles-ci ont été perturbées par l'opposition, consciente qu'elle consacrerait à nouveau le parti au pouvoir. Au contraire, les contestataires souhaitent remplacer le gouvernement par un "conseil du peuple" non élu.

    "Clairement, le Parti démocrate (opposition, NDLR) n'est pas composé de démocrates", insiste le spécialiste David Camroux. "Il souhaite des réformes allant à l'encontre de la démocratie représentative, dont il considère qu'elle n'est pas appropriée à la Thaïlande". Inquiétant retour en arrière ou pur pragmatisme politique ? D'après S

    ophie Boisseau du Rocher, "cette tentative de réformer le mode de scrutin s'explique par le fait que le Parti démocrate, dont l'électorat demeure minoritaire, ne pourra jamais remporter à lui tout seul un scrutin".

    Corruption

    Et l'experte de souligner que "l'augmentation du niveau d'éducation en Thaïlande, ainsi que l'ouverture du pays sur l'étranger rendent désormais obsolètes les règles du jeu politiques traditionnelles, à savoir l'achat de voix et la corruption, peu importe laquelle des deux factions demeure au pouvoir". Ainsi, au coeur du scandale sur le programme gouvernemental de subvention du riz, Yingluck Shinawatra est surtout épinglée pour avoir couvert des faits de corruption.

    "Des sommes colossales ont été détournées par quelques politiciens de province, appartenant à son parti Pheu Thai, dont certains demeurent actuellement au gouvernement ou à l'Assemblée nationale", affirme Sophie Boisseau du Rocher. "Et la Premier ministre en est tenue pour responsable." À en croire des sources sur place, le risque d'une destitution serait bien réel. Ce qui fait dire au chercheur David Camroux que la justice donne l'impression d'être "instrumentalisée à des fins politiques". "Cette commission est utilisée par l'opposition comme prétexte pour arriver, par la voie judiciaire, à réaliser ce qu'ils n'ont pas réussi à faire, ni par les urnes ni par la rue", souligne le spécialiste de l'Asie du Sud-Est.

    Pour l'heure, Yingluck Shinawatra a préféré esquiver la convocation de la justice. Prétextant un déplacement dans son fief du nord du pays, la Premier ministre a envoyé ses avocats à sa place à Bangkok. Mais, quoi qu'il advienne, Phil Robertson de Human Rights Watch se déclare "surpris de la rapidité avec laquelle la commission a décidé de se réunir", alors que plusieurs affaires datant de 2010 n'ont toujours pas été instruites.

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