«Terroristes, lâches! La Tunisie n'a pas peur!», «Le peuple veut que le terrorisme dégage!» Au son de ces slogans entrecoupés d'hymnes nationaux enthousiastes, une foule rouge et blanche a défilé le long de l'avenue du 20-Mars, jusqu'au musée du Bardo. Quelques dizaines de milliers de manifestants et, parmi eux, beaucoup de jeunes et de familles qui vont et viennent. La société civile tunisienne et les partis politiques ont aussi répondu largement présents sous des mots d'ordre très unificateurs.
Reda et Samira sont venus avec leurs deux filles, étudiantes en droit: «Nous sommes là en tant que Tunisiens, ce qui est arrivé est notre affaire, mais le terrorisme concerne tout le monde.» Des étrangers aussi se sont joints à la marche, comme Olivier, chercheur, qui vit en Tunisie depuis trois ans. «On doit montrer qu'on est avec les Tunisiens aujourd'hui, comme eux ont répondu présents après les attentats de Paris.» À ses côtés, Mohammed, qui l'a accompagné jusqu'ici alors qu'il lui demandait son chemin, laisse échapper une larme: «Cet élan de solidarité me touche», explique-t-il. Une délégation d'imams marche en ligne. Sur un écriteau: «Avec notre armée et nos forces de sécurité.» Chiheb Guendia, imam d'une mosquée de l'ouest de Tunis, est là avec ses deux filles. «Le terrorisme n'a pas de religion, et il n'a pas de place en Tunisie», dit-il.
Ce dimanche, avant la marche, le ministère de l'Intérieur a annoncé avoir tué la veille au soir le chef de la brigade Okba Ibn Nafaa, l'Algérien Lokmane Abou Sakhr. L'opération a eu lieu dans les environs de Gafsa, et huit autres personnes ont été tuées. Selon les autorités, et malgré un message de revendication de l'État islamique, c'est bien cette brigade qui est responsable de l'attaque du Bardo: 22 personnes ont été tuées par deux hommes armés ayant attaqué le musée national tunisien, le 18 mars dernier. Cette brigade, officiellement ralliée à al-Qaida, est aussi jugée coupable de la mort d'une soixantaine de membres des forces de l'ordre depuis près de quatre ans.
Plus loin, les manifestants sont arrêtés par des cordons de policiers. Un char de la garde nationale est stationné à côté du métro. La place du Bardo est bouclée pour laisser la place à la marche des officiels. Aux côtés du président tunisien, Béji Caïd Essebsi, et des ministres, une délégation de chefs d'État. Parmi eux, le président français, François Hollande, ses homologues polonais, Bronislaw Komorowski, et palestinien, Mahmoud Abbas, les premiers ministres italien, Matteo Renzi, et algérien, Abdelmalek Sellal, ont effectué une courte marche entre la fontaine de la place du Bardo et le musée. Une stèle marquée des noms de toutes les victimes de l'attaque du 18 mars a été inaugurée. Les noms sont en mosaïque noire sur fond blanc. Sauf un, celui d'Huguette Dupeu, qui figure sur une feuille de papier. Cette femme de 74 ans est décédée dans la journée de samedi des suites de ses blessures, portant le nombre de victimes françaises à quatre et le bilan total à 22 morts.