Depuis plusieurs années, la Journée internationale de solidarité des travailleurs, le 1er-Mai, marquée par des manifestations, ne fait plus recette. Ce jour se place de plus en plus sous le signe de la division syndicale. Rompant avec une longue séquence unitaire durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la CGT et la CFDT célébreront, comme en 2013, le 1er- Mai séparément.
La nouveauté pour ce cru 2014 est le rapprochement (très relatif) entre la CGT et FO. Sœurs ennemies du syndicalisme – Force ouvrière est née, en 1948, d'une scission de la CGT –, les deux centrales ont livré bataille ensemble, en 2013, contre l'accord sur la flexibilité de l'emploi (signé notamment par la CFDT) et la réforme des retraites. Leur mobilisation a eu un faible écho. Mais elles ont recommencé cette année en manifestant ensemble le 18 mars contre le pacte de responsabilité proposé par François Hollande. Là encore, la mayonnaise n'a pas pris.
Pourtant, la CGT et FO vont s'afficher – partiellement – ensemble. Traditionnellement, FO célèbre le 1er-Mai en se rendant devant le mur des Fédérés, au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Cette année, elle sera accompagnée par des militants de la CGT. Et l'union départementale FO de Pariset d'Ile-de-France ont décidé de se joindre – une première – au défilé parisien organisé par la CGT, entre Bastille et Nation, avec la FSU et Solidaires. Mais Jean-Claude Mailly ne défilera pas aux côtés de Thierry Lepaon, son homologue de la CGT. Le secrétaire général de Force ouvrière tiendra un meeting à Lyon.
« DEUX TYPES DE SYNDICALISME »
L'aggravation des dissensions entre la CGT et la CFDT – hier sur la flexibilité de l'emploi et les retraites, aujourd'hui sur le pacte de responsabilité – n'a jamais empêché M. Lepaon d'appeler à l'unité avec son ex-alliée. Sa main tendue s'est heurtée à une fin de non-recevoir de Laurent Berger. « Nous n'avons pas d'objectifs communs à partager », a lancé le secrétaire général de la CFDT, le 18 avril, devant la presse. « Nous essayons de franchir l'obstacle, d'autres reculent », avait-il ajouté, en mettant en avant « deux types de syndicalisme ».
La stratégie de M. Lepaon, treize mois après son élection à la tête de la CGT, est celle des deux fers au feu consistant à saisir toutes les occasions de manifesteravec FO et, en même temps, à rechercher (en vain) les voies de rapprochement avec la CFDT. Cette stratégie de « reconnexion syndicale », selon sa formule, est contestée au sein de la CGT. Lors du dernier comité confédéral national, en février, sa ligne a été chahutée. Alors que la légitimité du successeur – par défaut – de Bernard Thibault est loin d'être assurée, M. Lepaon doit faire face à une montée des dissensions internes. Le 12 avril, la CGT a refusé de participer à la « marche contre l'austérité », organisée par le Front de gauche, mais d'importantes fédérations (finances, fonction publique, services publics, Livre, chimie…) s'y sont associées.
Il y a un an, juste élu, M. Lepaon avait adressé une « lettre ouverte » à M. Hollande, soulignant « le décalage immense entre les attentes des salariés et les réponses politiques apportées ». Réclamant une « rupture avec les politiques d'austérité », il invitait le chef de l'Etat à changer de cap. Depuis lors, M. Lepaon semble répondreà sa crise interne par un durcissement continu du ton à l'égard du pouvoir, sansmodifier l'image que la CGT offre à l'extérieur, celle d'une centrale sans boussole.
TÊTE-À-TÊTE
Après l'annonce du plan d'économies de Manuel Valls, M. Lepaon a fait part de sa« colère », en pronostiquant que « les manifestations en préparation laissententendre qu'il y aura un grand 1er-Mai d'expression populaire sur les préoccupations des salariés ». La CGT annonce près de 300 défilés.
A un mois de son congrès, du 2 au 6 juin à Marseille, la CFDT peine à souder un « bloc » réformiste avec la CFTC, la CFE-CGC – qui fait de plus en plus bande à part – et l'UNSA. En 2013, elle avait fêté le 1er- Mai avec la CFTC et l'UNSA à Cormontreuil, près de Reims (Marne). Cette année, elle sera en tête-à-tête avec l'UNSA pour un rassemblement à la Rotonde de La Villette, à Paris, destiné àmobiliser sur les élections européennes. Intitulé « Europe, emploi, progrès social», il devrait accueillir des syndicalistes espagnols et britanniques.
Partie prenante au pacte de responsabilité, la CFDT a critiqué le plan Valls. Le 28 avril, elle a estimé avoir été « entendue sur les retraites et le plan pauvreté ». Mais elle juge « inacceptable » le gel du point d'indice des fonctionnaires. Le 15 mai, tous les syndicats de fonctionnaires seront dans la rue.
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