• Un Palmarès “concerné” à la Berlinale

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    Le blog d'Aurélien Ferenczi

    Un Palmarès “concerné” à la Berlinale

     


    Le jury du Festival de Berlin a récompensé l'expérience – et le regain de forme inattendu – des frères Taviani. Paolo (80 ans, à droite) et Vittorio (82 ans, à gauche), accompagnés lors de la cérémonie de clôture de Nanni Moretti, qui fut jadis leur protégé et leur interprète, ont reçu des mains de Mike Leigh l'Ours d'or pour Cesare deve morire (César doit mourir). Drôle de film, semi-documentaire - certaines scènes semblent tout de même largement répétées – où des pensionnaires de la prison de Rebibbia, à Rome, s'assemblent pour jouer Jules César, de Shakespeare.

     

    On sait depuis les films de Scorsese que les intrigues au coeur de la Mafia n'ont rien à envier aux récits du dramaturge anglais, et depuis Gomorra que les truands sont d'excellents acteurs, intégrant dans leurs manières ce qu'ils ont vu au cinéma. Ainsi la caméra des Taviani capture-t-elle des tronches incroyables, personnages « bigger than life » qui semblent authentiquement shakespeariens – le type qui joue César est un phénomène.  Le film aurait sans doute paru plus fort si on l'avait vu autrement qu'avec des sous-titres allemands (l'usage des dialectes n'arrangeant rien), et si l'enthousiasme philanthrope des frangins filmeurs ne faisait un peu trop facilement oublier que les types à l'écran ne sont pas des anges...

    Notre Ours d'or à nous aurait été Tabu, du Portugais Miguel Gomes, mais il n'a reçu que le Prix Alfred Bauer, récompensant une oeuvre « innovante ». Visiblement vexé, le réalisateur au look de dandy (fine moustache de séducteur blasé) a feint l'étonnement, lui qui avait pensé réaliser « un film à l'ancienne ». De même, L'Enfant d'en Haut, d'Ursula Meier, a reçu une Mention spéciale du Jury (agrémentée tout de même d'un Ours d'argent), Mike Leigh expliquant qu'il y avait trop de bons films pour trop peu de prix. Récompense ressemblant à un coup de coeur du président du jury, qui se fendait illico d'un long compliment sur le film.

    Comme prévu, les films donnant des « nouvelles du monde » ont été récompensés : Grand Prix du Jury pour le Hongrois Csak a szel (Juste le vent), chronique ultra-réaliste du racisme criminel subi par les Gitans au pays de Viktor Orban. Prix d'interprétation féminine à l'adolescente congolaise Rachel Mwanza, 15 ans, héroïne de Rebelle, du Québécois Kim Nguyen, qui raconte la vie des enfants-soldats dans un pays subsharien (non identifié) – perso, on aurait voté Léa Seydoux, mais bon, on n'était pas au jury.

    Plus surprenants, les deux prix (scénario et meilleur acteur) reçus par En kongelig affaere (Une affaire royale), du Danois Nikolaj Arcel. Quasiment contemporain de l'action des Adieux à la Reine, le film détaille l'action politique, brève et éclairée, du Comte Struensee, amant de la Reine Caroline Mathilde. Comment cette fresque historique a-t-elle séduit Mike Leigh et son jury ? Nous n'avons pas la réponse... Ce palmarès un peu saupoudré, sans grande prise de risque, ne reflète qu'en partie le bon niveau d'une Berlinale qu'on a connu moins audacieuse. L'audace était – enfin – de s'intéresser autant au cinéma (un beau grand territoire plein de provinces) qu'à la géopolitique. Le Palmarès n'a que partiellement soutenu cette mutation.

    Ours d'or du meilleur fillm

    Cesare deve morire, de Paolo et Vittorio Taviani (Italie)

    Ours d'argent - Grand Prix du Jury

    Csak a szel, de Bence Fliegauf (Hongrie)

    Ours d'argent du meilleur réalisateur

    Christian Petzold pour Barbara (Allemagne)

    Ours d'Argent de la meilleure actrice

    Rachel Mwanza dans Rebelle, de Kim Nguyen (Canada)

    Ours d'argent du meilleur acteur

    Mikkel Boe Folsgard pour En Kongelig Affaere, de Nikolaj Arcel (Danemark)

    Ours d'argent de la meilleure contribution artistique

    Lutz Reitemeier pour la photo de Bai Lu yuan, de Wang Quan'an (Chine)

    Ours d'argent du meilleur scénario

    Nikolaj Arcel, Rasmus Heisterberg, pour En Kongelig Affaere, de Nikolaj Arcel (Danemark)

    Prix Alfred Bauer, récompensant un oeuvre particulièrement innovante

    Tabu, de Miguel Gomes (Portugal)

    Ours d'Argent - Prix Spécial

    L'enfant d'en Haut, d'Ursula Meier (Suisse-France)

     

    Parmi les prix annexes, citons juste le Teddy Award du Meilleur Film (les Teddy Awards, remis par un jury indépendant, récompensent les films évoquant l'homosexualité), donné à Keep the lights on, de l'Américain Ira Sachs

    Aurélien Ferenczi

    Le 19 février 2012


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