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Rayer le harcèlement sexuel du code pénal, "c'est un message d'impunité"
Rayer le harcèlement sexuel du code pénal, "c'est un message d'impunité"
Par Julie Saulnier, publié le 04/05/2012 à 16:44, mis à jour à 17:14
Cette décision des Sages est un message ahurissant envoyé aux droits des femmes et un message d'impunité donné aux harceleurs, d'après l'AVTF.
REUTERS/Shannon Stapleton
Le Conseil constitutionnel a abrogé le délit de harcèlement sexuel. Une décision que regrette amèrement l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail. Le point avec Laëtitia Bernard, juriste chargée de mission.
Le Conseil constitutionnel a abrogé le délit de harcèlement sexuel. Comment cette décision a-t-elle été accueillie au sein de votre association?
On tombe des nues! Cette décision des Sages est un message ahurissant envoyé aux droits des femmes et un message d'impunité donné aux harceleurs. On dit à ces derniers: "Allez-y, il n'y a plus de texte!" Depuis ce matin, je ne compte plus les appels de victimes qui ne comprennent pas cette décision et réclament de explications. Que va-t-il advenir des procédures en cours? La réalité, aujourd'hui, c'est que les femmes ne peuvent plus se défendre juridiquement.
Les victimes de harcèlement sexuel peuvent toujours engager une procédure civile...
Certes, dans l'espoir d'obtenir des dommages et intérêts, il reste la procédure civile. Mais ce n'est pas une solution satisfaisante. On constate sur le terrain que les femmes harcelées sexuellement souhaitent être reconnues comme victimes davantage que d'obtenir de l'argent. Et que va-t-il advenir des femmes qui, à partir d'aujourd'hui, vont se rendre au commissariat pour signaler un harcèlement sexuel? Rien, parce que ce délit n'existe plus en France.
Décryptage
Le harcèlement sexuel reste inscrit dans le Code du Travail...
Oui, le Code du Travail n'a pas changé avec l'abrogation de la loi de 1992, mais jusqu'à quand? De plus, les conseillers prud'homaux s'appuient beaucoup sur la décision pénale (que la plainte soit classée ou renvoyée vers un tribunal) pour rendre, à leur tour, leur décision... Sur quoi vont-ils se baser maintenant? Autre problème inhérent à la décision des Sages: les parties adverses vont nécessairement jouer sur ce vide juridique. Ça va être un casse-tête, encore plus qu'avant.
Pour certains, les imprécisions de la loi sur le harcèlement sexuel aboutissaient à des condamnations abusives. Selon vous, une redéfinition de ce délit est-elle nécessaire?
Bien sûr, c'est notre combat depuis près de vingt ans. Il est indispensable de redessiner les contours du harcèlement sexuel. Mais contrairement à ce qu'avance Gérard Ducray [ancien élu condamné pour harcèlement sexuel sur trois employées de sa municipalité, ndlr] et d'autres, ces imprécisions de la loi n'aboutissaient pas à des condamnations abusives mais à l'exact opposé. En effet, de nombreuses agressions sexuelles - un délit punit par 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende - étaient requalifiées en harcèlement sexuel, qui, lui, est puni par un an de prison et 15 000 euros d'amende.
Comment allez-vous prolonger votre combat après ce revers?
A court terme, un rassemblement est organisé ce samedi, au Palais Royal, à 11h, avec des membres de l'association et des victimes. A plus long terme, nous allons évidemment interpeller le prochain gouvernement sur ces questions.
Tags : Conseil Constitutionnel, Harcèlement sexuel, moral, loi
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Commentaires
1marialis2.2Vendredi 4 Mai 2012 à 18:07Répondre
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