L’inter-LGBT, qui représente lesbiennes, gays, bisexuels et trans, a fustigé lundi soir «la grande lâcheté politique du gouvernement et du président de la République» après l’annonce du report sine die du projet de loi sur la famille.

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Dans un communiqué, l’inter-LGBT estime que le gouvernement et François Hollande «n’assument plus leur engagements, reniés par une suite hallucinante de reculades et de reniements successifs depuis des mois». «Cette énième reculade éclaire le dédain du gouvernement pour toutes les lesbiennes qui courent des grands risques de santé en raison des traitements hormonaux différents entre la France et les pays dans lesquels elles se rendent pour profiter d’une PMA (procréation médicalement assistée)», poursuit le texte, qui rappelle qu’il s’agissait d’un «engagement pris par François Hollande» dans une interview au magazine Tétu en 2012.

La Fédération LGBT «rappelle au gouvernement qu’il n’a rien à attendre des opposants aux droits des nouvelles familles qui par définition grossissent des droites variées alors qu’électoralement il a tout à perdre de celles et ceux à qui il refuse de nouveaux droits», conclut le communiqué.

«La gauche est trompée», a aussi estimé Jean-Luc Mélenchon, qui appelle à «des élections punition», après la décision du gouvernement de ne pas présenter de projet de loi sur la famille en 2014. 

Jean-Luc Mélenchon lors d'une manifestation à Paris contre le chômage et la précarité.Le coprésident du Parti de gauche (photo AFP) a jugé lundi que la gauche était «trompée, répudiée», appelant à des «élections punition». «Avec le PS, la droite est cajolée, le Medef admiré, l’Eglise choyée. La gauche est trompée, répudiée», a déclaré à l’AFP Jean-Luc Mélenchon. «Notre heure viendra. J’appelle à des élections qui infligent aux listes gouvernementales une sévère punition», a-t-il ajouté.

Même son de cloche chez la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-les Verts (EE-LV), Emmanuelle Cosse, lors de ses vÅ“ux à la presse, ce jeudi.Emmanuelle Cosse(photo AFP), qui a dénoncé lundi un «renoncement consternant». «Au lendemain de la mobilisation du camp réactionnaire, ce renoncement est consternant […]. Nous espérons que le gouvernement reviendra sur cette décision», a déclaré Emmanuelle Cosse à l’AFP.

«Dominique Bertinotti [ministre déléguée à la Famille, ndlr] l’a bien expliqué, ce gouvernement défend "toutes les familles". C’est bien pour cette raison que la loi sur la famille est attendue et nécessaire, notamment pour reconnaître les droits des beaux-parents, stabiliser la situation juridique de tous les enfants et de toutes les familles», a-t-elle déclaré. Interrogé par l’AFP, le ministère de la Famille n’a pas souhaité faire de commentaire.

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Sur BFM-TV, colère aussi de Noël Mamère, député écologiste : «C’est un abandon en rase campagne qui ressemble fort à une capitulation, devant les manifestations de tout ce que la France compte de plus réactionnaire. C’est un véritable drame pour de nombreuses familles qui attendaient des réformes, pour les familles recomposées ou l’adoption, et non pas la PMA, qui a été l’abcès de fixation sur ce projet de loi […]. Céder de manière aussi brutale après des manifestations, c’est l’expression de la part du gouvernement de sa très grande fragilité, de sa très grande vulnérabilité et de son manque de volonté politique sur des sujets de société qu’il est nécessaire de réformer. Une gauche honorable, c’est une gauche qui est capable de mener jusqu’au bout ses valeurs et ses projets.»

Bruno Le Roux le 16 mai 2013 à l'Assemblée nationale Le chef de file des députés socialistes, Bruno Le Roux(photo AFP), a en revanche salué «la bonne décision» de ne pas présenter de projet de loi sur la famille cette année, tout en répétant souhaiter l’ouverture de «nouveaux droits». «Jean-Marc Ayrault a pris la bonne décision sur loi famille. Respecter consultations engagées, ne pas céder aux ultras, fixer notre calendrier», a tweeté Le Roux. Il avait, dans la matinée, demandé à Manuel Valls, qui avait annoncé l’opposition du gouvernement à des amendements notamment sur la PMA dans la loi sur la famille, de respecter «la règle du jeu» en attendant l’avis du Comité national d’éthique sur la PMA.

Thierry Mandon (photo AFP), l’un des porte-parole des députés PS, a quant à lui déclaré sur BFM-TV : «Le fait qu’il n’y ait plus de loi famille est une Thierry Mandon, en novembre 2011.surprise. On savait qu’il y avait un texte en préparation, on pensait en débattre prochainement, bon, on n’en débattra pas… Ça ne change pas fondamentalement le sujet de la PMA, qui n’était pas pour le groupe socialiste [à l’Assemblée nationale] la priorité du moment. Avec le gouvernement, nous avons toujours considéré que la PMA n’était pas d’actualité, que le comité national d’éthique était saisi, qu’il devait faire un travail serein, et qu’à l’issue de ces travaux - donc dans plusieurs mois, voire années - ces sujets pouvaient faire l’objet de débats. Nous n’avions aucun projet d’amendement, contrairement à ce qui a été dit, aucune envie de déposer quoi que ce soit sur la loi famille ; maintenant il n’y a plus de loi famille, donc c’est encore plus simple.»

Erwann Binet, député socialiste (photo AFP), qui était le rapporteur de la loi sur le mariage homosexuel, a estimé dans les couloirs du Palais-Bourbon : le French Socialist member of the Parliament Erwann Binet, National Assembly Rapporteur for the draft law plan authorizing gay marriage, poses in Paris on November 6, 2012.  The Socialist government's plan to authorise gay marriage and adoption will be debate on November 7, 2012 at the National Assembly. AFP PHOTO ERIC FEFERBERGreport «est sage s’il s’agit pour le gouvernement de prendre le temps du dialogue, de la concertation, de l’écoute […]. Mais il faut absolument que nous ayons une loi famille car notre droit n’est pas adapté à toutes les formes de famille. Il faut qu’à la fin de l’année nous ayons les prémices de premières intentions politiques».

Sur la GPA, elle est «interdite dans notre pays et aucune voix ne souhaite revenir là dessus», tandis que l’élargissement de la PMA, «autorisée dans notre pays pour les couples hétérosexuels et légitimée depuis le mariage pour tous pour les couples d’homosexuelles qui peuvent y avoir accès en Belgique et en Espagne», «je ne m’interdis aucun débat», cela «reste d’actualité».

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Le président de l’UMP, Jean-François Copé (photo AFP) a quant à lui estimé que la stratégie du président François Hollande consistait à «tout reporter Jean-François Copé au cours de la conférence de l'UMP en vue des municipales, le 23 janvier 2014 à Paris.après les élections municipales» pour «calmer le jeu». «De toute façon, la stratégie de François Hollande […] est de tout reporter à l’après-municipales, c’est-à-dire de reporter la loi pénale de Mme Taubira, qui va être une loi extrêmement laxiste, les lois sur la famille, les lois relatives au droit de vote pour les immigrés», a déclaré Jean-François Copé.

«Tout ça est reporté pour après l’élection municipale, histoire de calmer le jeu. C’est très grave, ce qui se passe. On ment aux Français de manière absolument indigne», a-t-il estimé, appelant les électeurs à «sanctionner François Hollande en votant pour les candidats UMP dès le premier tour des municipales».

Interrogé dans les couloirs de l’Assemblée, Christian Jacob(photo AFP), chef de file Le chef de file des députés UMP, Christian Jacob, à l'Assemblée nationale, le 6 février 2013.des députés UMP, ne dit pas autre chose : «Au gouvernement, on est passé du cafouillage à la panique. Ceci étant, la vraie victoire ce sera pour nous lorsque le gouvernement aura renoncé à sa politique familiale. Nous l’interrogerons demain, car là c’est l’entourage [qui annonce le report de la loi famille, ndlr], nous poserons la question au gouvernement et au Premier ministre : est-ce que, oui ou non, le gouvernement renonce à sa politique antifamille, que ce soit sur les sujets de société ou sujets fiscaux ? J’attends de voir.»

La présidente du mouvement «Manif pour tous», Ludovine de la Rochère, le 15 septembre 2013 à Paris.Côté Manif pour tous, l’annonce a enchanté. «C’est une victoire, je m’en réjouis», a déclaré Ludovine de La Rochère (photo AFP), présidente de ce mouvement. «C’est une victoire car ce qui se dessinait dans ce projet de loi n’était pas favorable à l’intérêt supérieur de l’enfant et de la famille», a-t-elle déclaré, au lendemain de la mobilisation de la Manif pour tous dans les rues de Paris et Lyon. «Je me réjouis que le gouvernement renonce à légiférer sur la famille car, en ce domaine, il a des notions à revoir», a-t-elle ajouté. «C’est la conséquence de la mobilisation d’hier» (dimanche), a estimé Ludovine de la Rochère. «Ils ont compris que les gens qui manifestent étaient respectables.»

Très mobilisé aux côtés de ce mouvement, le député UMP de la Manche et membre de l’Entente parlementaire pour la famille Philippe Gosselin a estimé dans un communiqué : «Exit donc le projet qui fâche. Reviendra-t-il par la fenêtre ? Par le toit ? Rien n’est moins sûr, compte tenu de la constance de ce gouvernement.»

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Dimanche, dans la capitale, 80 000 personnes ont manifesté, selon la police, 500 000 selon La Manif pour tous (LMPT), qui a évoqué «une vague bleue et rose». A Lyon, ils étaient 20 000 selon la police, le double pour les organisateurs. Il n’y a pas eu de débordements au cours de ces deux défilés.

Le collectif était opposé au projet de loi en préparation, notamment à la création d’un statut de beau-parent ou celle d’une «prémajorité» à 16 ans, deux mesures discutées. Au cours des manifestations de dimanche, le collectif a affiché son opposition à la possibilité pour les couples de lesbiennes de recourir à la procréation médicalement assistée (PMA) et à la gestation pour autrui (GPA), deux mesures qui ne figuraient de toute manière pas dans le projet de loi. Lundi, le gouvernement a aussi promis qu’il s’opposerait, lorsqu’un projet de loi sur la famille arrivera au Parlement, à tout amendement remettant ces sujets sur la table.

Enfin, le débat sur la manifestation de dimanche a suscité une réaction épidermique de l'UMP Henri Guaino, qui, invité ce lundi soir à discuter face au socialiste Jean-Luc Roméro sur le plateau du talk-show C à vous sur France 5, a soudainement quitté le plateau.

 

LIBERATION avec AFP