• Sénégal : nouvelles manifestations dans la crainte de violences

    LEMONDE.FR | 23.07.11 | 09h27

     

    Abdoulaye Wade, en juillet 2011, demandait déjà des élections anticipées.

    Abdoulaye Wade, en juillet 2011, demandait déjà des élections anticipées.AFP/moussa sow

    "Y'en a marre." C'est ce qu'on lit un peu partout sur les blogs sénégalais. L'opposition prévoit de se  rassembler, samedi 23 juillet, pour protester contre l'intention du président Abdoulaye Wade, au pouvoir depuis onze ans, de briguer un nouveau mandat en février 2012. Mais après les violences de la manifestation du 23 juin dernier, le pouvoir a ordonné que le rassemblement soit exclu du centre ville. Il aura lieu sur la place de l'Obélisque, plus excentrée.

    Le mouvement tient bon. Il a été rejoint par la première force syndicale du pays, la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal, rapporte le site d'opposition Dakaractu.com. "Sans crier gare, le M23 [le mouvement de contestation né de la manifestation du 23 juin 2012] se massifie et recrute dans tous les secteurs de la vie nationale, des syndicats aux hommes d'art et de culture, des partis politiques aux ONG, des mouvements de jeunesse aux associations de femmes… Et menace chaque jour davantage le pouvoir d'Abdoulaye Wade dont il œuvre activement à la perte", peut-on lire sur le site.

    Alioune Tine, un des dirigeants du M23, a décidé de jouer le jeu : "Pour apaiser la situation et comme nous voulons éviter la tension politique, nous acceptons de délocaliser la manifestation à la Place de l'Obélisque", explique-t-il au journal Sud Quotidien.

    UN RASSEMBLEMENT PRO-WADE

    Mais certains manifestants ont un goût amer dans la bouche : le centre ville accueillera samedi un tout autre rassemblement. Le Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir) et ses alliés tiendront sur la Voie de dégagement nord, à Dakar, un meeting de soutien à la candidature d'Abdoulaye Wade pour l'élection présidentielle.

    "Wade fait ça pour masquer la marche du mouvement M23. Le pouvoir a dégainé des sommes considérables d'argent pour mobiliser ses troupes, c'est un vrai gaspillage", proteste Basile Niane, journaliste et blogueur.

    "La meilleure manière d'éviter de plonger Dakar dans le chaos serait que ni les sopistes [partisans du parti au pouvoir] ni le M23 [l'opposition] ne manifestent", pouvait-on lire jeudi à la Une de Sud Quotidien, qui titrait : "Dakar coupé en deux."

    En première ligne lors de la manifestation du 23 juin, où plus de cent personnes avaient été blessées, Basile Niane se rappelle : "Les choses se sont passées très vite. Les gens ont voulu entrer dans l'Assemblée nationale. La police n'a pas pu retenir les manifestants et a riposté en lançant des lacrymogènes. Les choses ont dégénéré l'après-midi."

    La manifestation de samedi prendra-t-elle la même tournure ? "Cela dépend de la quantité de forces pour assurer la sécurité des citoyens. Mais le risque, c'est que, maintenant que le pouvoir a peur des manifestations, la tension monte d'un cran avec les policiers", explique le journaliste. "Mais on prie pour que la manifestation soit pacifique. Si la police joue le jeu, ça va marcher."

    DÉCISION CONSTITUTIONNELLE

    Dans une interview au journal La Croix, le président sénégalais, âgé de 85 ans, réitère sa proposition d'une élection présidentielle anticipée. "Je suis prêt. Je ne suis pas trop vieux. [...] C'est parce que l'opposition me demande de partir maintenant que je lui ai proposé une élection anticipée", dit-il. Mon départ créerait au Sénégal un chaos pire qu'en Côte d'Ivoire. Qui pourrait me remplacer 'maintenant' ? Personne de crédible".

    Sous la pression de la rue, M. Wade a renoncé à réformer la constitution pour pouvoir se représenter. Mais il a demandé au Conseil consitutionnel de se prononcer sur son éligibilité. "Nous sommes certains qu'il n'a pas le droit de se représenter. Et si le conseil consititutionnel l'accepte, le peuple va protester, le peuple en a marre d'Abdulaye Wade", affirme Basile Niane. "En plus, il se contredit." En effet,  le président avait par le passé assuré ne pas pouvoir se représenter, ayant lui-même bloqué le nombre de mandats à deux consécutifs.

    Le fils d'Abdoulaye Wade, Karim, est un conseiller personnel de son père. Les rumeurs autour de son ambition présidentielle alimentent aussi le mécontentement de la rue, qui accuse le pouvoir de népotisme. Dans La Croix, Abdoulaye Wade assure qu'il n'a jamais envisagé de proposer son fils comme candidat à la vice-présidence, en s'empressant d'ajouter que "personne ne peut l'empêcher de se présenter à l'élection présidentielle après ma mort. La perspective qu'il devienne un jour président du Sénégal ne me déplaît pas."

    "Y'EN A MARRE"

    Basile Niame estime que "les jeunes ont fait la révolution du 23 juin. Maitenant la parole n'est plus au pouvoir mais au peuple. C'est la premiere fois que de telles manifestations ont eu lieu. Maintenant, ils sont conscients du role qu'ils peuvent jouer."

    Sur les réseaux sociaux, le mots-clef #yenamarre est devenu très populaire. Le slogan a été initié par le groupe de rap Keur Gui et symbolise aujourd'hui la mobilisation de la jeunesse. "Tout le monde adhère à ce mouvement. Ils veulent conscientiser les gens sans violence mais avec des actes forts, comme inciter les jeunes à s'inscrire sur les listes. Tout le monde les respecte ici", même si le président prétend qu'ils ne représentent qu'eux-même, explique Basile Niane, également président d'une association de blogueurs au Sénégal.

    LIBERTÉ D'EXPRESSION

    Darakactu.com rapporte des attaques contre la presse, très virulente à l'égard du pouvoir. Mais loin de se laisser faire, les journalistes protestent et se joignent au mouvement : "Nous exigeons toute la protection requise pour les journalistes ", a déclaré Madior Fall, rédacteur en chef de Sud Quotidien, qui affirme que "la presse n'est là que pour relayer ce qui se passe. Nous sommes là pour faire notre métier, et nous le ferons de la manière la plus responsable qui soit. "

    Basile Niane reconnaît tout de même qu'il dispose d'une large liberté d'expression : "Je n'ai pas peur de dire ce que je pense. On est libre de faire ce que l'ont veut". Toutefois, le jeune homme estime qu'un durcissement du pouvoir serait possible si celyui-ci venait à se sentir menacé.

    Antoine Bouthier
     

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  • Dernière modification : 22/07/2011 
    - Malawi - Manifestations

    MALAWI : Le gouvernement déploie l'armée
    dans plusieurs villes pour mater les manifestants
     
    L'armée malawite s'est déployée dans plusieurs villes pour mettre fin aux manifestations au cours desquelles au moins 18 personnes ont été tuées. Le président Mutharika, contesté par la population, a affirmé qu'il ne quitterait pas le pouvoir.
    Par AITV (vidéo)
    FRANCE 24 avec dépêches (texte)
     

    L'armée malawite partrouillait dans les rues de plusieurs villes du pays vendredi au lendemain de deux jours de manifestations inédites contre le président Bingu wa Mutharika qui ont fait 18 morts dans le pays.

    Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont condamné le recours à la force et ont dénoncé la répression des autorités malawites sur les radios privées locales qui ont tenté de faire état de ces violences.

    "Au vu des émeutes et des rumeurs de représailles, nous appelons les deux parties à la retenue", a indiqué l'ambassade américaine à Pretoria dans un communiqué.

    Mutharika, ancien économiste de la Banque mondiale élu pour la première fois président en 2004, a appelé jeudi la population au calme lors d'un discours radiophonique.

    "Je continuerai à gouverner le pays", a déclaré le chef de l'Etat dans son allocution. "Comme la constitution le prévoit, l'autorité pour diriger le gouvernement est entre mes mains et entre celles de personne d'autre".

    Les manifestations, rares dans ce pays du sud de l'Afrique qui a été dirigé pendant 30 ans d'une main de fer par Hastings Banda, ne sont pas sans rappeler la vague de soulèvement populaire qui secoue l'Afrique du Nord et le Moyen Orient depuis le début de l'année.

    Selon le porte-parole du ministère de la Santé, Henry Chimbali, dix personnes ont trouvé la mort dans les villes de Karonga et Mzuzu, dans le nord du pays, où des émeutiers protestant contre les pénuries chroniques de carburant, ont mis à sac mercredi les bureaux du Parti démocratique progressiste (PDP) du chef de l'Etat.

    Huit personnes ont été tuées dans la capitale, Lilongwe, et dans la ville de Blantyre, théâtres de heurts entre policiers et manifestants réclamant la démission du chef de l'Etat engagé dans un bras de fer diplomatique avec la Grande-Bretagne.

    Les relations entre les deux pays se sont tendues après la publication d'un câble diplomatique britannique qualifiant le chef d'Etat malawite de dirigeant "autocratique et intolérant envers les critiques".

    A la suite de la publication, l'ambassadeur britannique à Lilongue a été expulsé et la Grande-Bretagne a suspendu son aide économique de 550 millions de dollars (385 millions d'euros) pour les quatre prochaines années.

     

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  • Révoltes au Malawi contre un président "qui pille le pays"

    Le 20 juillet dans la ville de Mzuzu. @nyirendac
      
    Voilà deux jours que le Malawi, petit pays d’Afrique australe, niché entre le Mozambique, la Zambie et la Tanzanie, est secoué par de violents affrontements entre forces de l’ordre et manifestants anti-Bingu Mutharika, le président du pays. Selon notre Observateur, les Malawites sont prêts à engager leur "printemps arabe"…
     
    L’opposition avait appelé les habitants de plusieurs villes du pays à manifester en masse pour dénoncer "l’autoritarisme et la mauvaise gouvernance économique" du chef de l’État. Des marches "pacifiques" étaient prévues dans les grandes villes du pays et les organisateurs tenaient à faire preuve de "discipline" afin de renforcer le mouvement. Mais en marge de plusieurs cortèges, des heurts ont éclaté entre les forces de sécurité et des manifestants dans les villes de Mzuzu (nord), de Blantyre (capitale économique, sud) et de Lilongwe (capitale administrative, centre). Les combats meurtriers se sont poursuivis jeudi 21 juillet, les marches pacifiques ayant laissé place à des pillages de magasins, de commissariats, de stations-essences et de bâtiments officiels, violemment réprimés. Le bilan fait état d’une douzaine de morts selon le porte-parole du ministère de la Santé.
     
    Le 20 juillet à Blantyre. @wizaj.
     
    Jeudi à la mi-journée, alors que des milliers de personnes étaient à nouveau rassemblées à Lilongwe et à Blantyre, le président Bingu wa Mutharika a affirmé sur les ondes nationales qu’il ne quitterait pas le pouvoir. Dans son discours, il a accusé les organisateurs du mouvement d’avoir licencié des employés de magasins pour provoquer les pillages : "Saccager les banques et les boutiques nous aidera-t-il à avoir plus de carburant ?".
     
    Au pouvoir depuis 2004, Bingu wa MutharikaMalawib a été réélu en 2009 pour un second mandat de cinq ans.
     
    Mais l’opposition lui reproche de devenir de plus en plus autoritaire et de "se transformer en dictateur". Ce qui inquiètent les Malawites, c’est la pénurie de carburant qui menace le pays car le gouvernement a pioché dans les réserves de change pour payer les importations. Ce vent de révolte inédit souffle sur le Malawi alors que le président est engagé dans un bras de fer avec la Grande-Bretagne, l’ancienne puissance coloniale. En avril dernier, la publication d’un câble diplomatique britannique qualifiant Bingu wa Mutharika de dirigeant  "autocratique qui n'accepte pas les critiques" a tendu les relations entre les deux pays. L’ambassadeur britannique a été expulsé du Malawi et la Grande-Bretagne a suspendu son aide économique de 385 millions d’euros [550 millions de dollars] pour les quatre prochaines années.
    Contributeurs

    "Grâce au printemps arabe, nous savons maintenant qu’il est possible de renverser un dictateur, si on se bat pour la liberté"

    Wizaj (pseudo) est étudiant à Blantyre, la capitale économique du Malawi.
     
    Hier, j’ai rejoint le cortège qui se rendait dans le quartier d’affaires. Les manifestants étaient assez agités. Très vite, les forces de l’ordre sont intervenues. Les policiers ont tiré des gaz lacrymogènes et nous avons répliqué à jets de pierre. Ils se sont mis à frapper les gens. C’est ce qui est arrivé à cet homme qui est à terre sur la photo. Nous l’avons emmené dans un coin à l’écart pour qu’il reprenne ses esprits, mais il y avait d’autres manifestants à secourir donc je n’ai pas pu rester à côté de lui. Je ne sais pas comment il va.
     
     
    Le 20 juillet à Lilongwe. @wizaj
     
     
    Aujourd’hui, les pillages ont remplacé les manifestations. De chez moi, j’entends des coups de feu et un ami m’a dit au téléphone que les policiers tiraient avec des balles réelles. La situation a dégénéré en milieu de journée quand des personnes se sont mises à casser les devantures de magasins et à balancer leurs chaussures sur les commissariats. Vu ce que je lis sur Twitter, c’est la même chose à Lilongwe.
     
    Le 20 juillet à Lilongwe. @wizaj
     
    Nous sommes tous en colère contre Bingu. Le président a bafoué nos libertés civiles avec la loi d’Injonction (un texte qui interdit à la population de manifester contre le gouvernement). Il ruine le Malawi et dépouille les réserves en carburant du pays à cause de dépenses astronomiques et injustifiées. Sa femme, par exemple, est allée à New York, accompagnée d’une dizaine de personnes, sur les deniers publics. Et puis, il a aussi refusé de s’excuser auprès de la Grande-Bretagne dans l’affaire du câble diplomatique. À cause de lui, les ONG du pays n’ont plus de fonds suffisants pour faire leur travail.
     
    Le discours du président ne changera rien à tout cela. Il a au contraire contribué à rendre les Malawites encore plus furieux. Je suis persuadé que ce n’est que le commencement. Grâce au printemps arabe, nous savons qu’il est maintenant possible de renverser un dictateur, si on se bat pour la liberté."
     
     
     
     
    Ces photos ont été prises dans le centre de Blantyre la capitale économique, le 20 juillet. Elles nous ont été envoyées par nos Observateurs. 
     
    Ce billet a été rédigé avec la collaboration de Peggy Bruguière, journaliste à FRANCE 24.

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  • Dernière modification : 21/07/2011 
    - Alpha Condé - Guinée

    L’opposition craint des représailles après
    l'attaque contre Alpha Condé
     
     L’opposition craint des représailles après l'attaque contre Alpha Condé 
    Le principal parti d’opposition guinéen n’a plus de nouvelles d'Oury Bah, un de ses vice-présidents, depuis mardi. Le parti de Cellou Diallo (photo) craint que l’attaque contre la résidence d'Alpha Condé soit l'occasion de "régler des comptes".
    Par Trésor KIBANGULA (texte)
     

    Après l’attaque mardi contre la résidence du président Alpha Condé, plusieurs dizaines d’arrestations de militaires et d’officiers proches de Sekouba Konaté et de Dadis Camara, deux anciens chefs de la junte au pouvoir avant les élections de 2010, ont eu lieu.

    Bien que seule la détention de membres de l’armée ait été jusqu’à maintenant annoncée, l’opposition politique craint désormais que ce que le président Condé a qualifié de 'tentative d’assassinat' serve au pouvoir 'pour régler des comptes' avec certains opposants.

    L’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), principal parti d’opposition guinéen, s’inquiète en effet de la disparition depuis mardi d’Oury Bah, son vice-président en charge des relations extérieures, de même que de certaines 'interpellations illégales' de ses partisans. Son chef de file, Cellou Dalein Diallo, qui se trouve actuellement à Dakar, avait dès mardi condamné lui-même l’assaut contre la résidence du président Alpha Condé, recommandant aux 'services compétents de l’administration de mener les investigations et d’identifier les commanditaires et les auteurs de cette violence.

    Une réaction similaire à celle des organisations de la société civile qui ont condamné ce coup de force contre le président de la République et appelé à l’ouverture d’'enquêtes sereines'. "Les Guinéens ont fourni beaucoup d’efforts pour remettre leur pays sur la voie de la démocratie et personne n’a le droit aujourd’hui de bloquer ce processus", estime la présidente du réseau des femmes africaines ministres et parlementaires de Guinée, Makalé Traoré, contactée par FRANCE 24.

    "Enquêtes sereines" ou "règlement de comptes" ?

    L’UFDG craint pourtant que ces enquêtes sereines dérivent vers des règlements de comptes. Des craintes motivées par la disparition d’Oury Bah dont le parti de Cellou Dalein Diallo dit ne pas avoir reçu de nouvelles depuis l’attaque de la résidence du président. "Oury Bah, notre vice-président chargé de l’information et des relations extérieures, a disparu depuis mardi et nous ne savons toujours pas où il se trouve", explique Fodé Oussou Fofana, ancien directeur de campagne de Cellou Dalein Diallo, joint par FRANCE 24. Mais l’UFDG se refuse pour l’heure à parler d’enlèvement.

    À ceci s’ajoutent des interpellations dont ont été l’objet certains proches du président du parti jeudi. "Aujourd’hui, vers 5 heures du matin, des hommes armés ont débarqué dans la maison du beau-fils (Bouba Ly) de Cellou Darein Diallo et l’ont amené avant de le libérer trois heures plus tard", relate Fodé Oussou Fofana, qui appelle le pouvoir à "laisser la justice et la gendarmerie mener des enquêtes en toute indépendance pour déterminer les tenants et les aboutissements de cette attaque".

    Jeudi, un nouvel officier guinéen, Mamadou Oury Diallo, a été arrêté alors que le colonel Camara, supposé se trouver en détention, a contacté l’AFP pour indiquer qu’il avait refusé de suivre les gendarmes venus l’interpeller.
     

     

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  • Dernière modification : 19/07/2011 
    - Alpha Condé - Guinée

    Coup de force et vieux démons à Conakry
     
    Le président guinéen, Alpha Condé, a lancé un appel au calme après l'assaut contre sa résidence. Peu après, l'ancien chef d'état-major, le général Nouhou Thiam, a été arrêté, soulevant la question d'un éventuel motif politique de l'attaque.
    Par Jérôme GLAENTZLIN (vidéo)
    Trésor KIBANGULA (texte)
     

    La résidence du président guinéen, Alpha Condé, située dans le quartier Kipé à Conakry, a été attaquée mardi, entre 3 heures et 5 heures (heure locale), par des hommes lourdement armés encore non identifiés. “Sain et sauf”, le chef de l'État a tenu à rassurer les Guinéens sur son engagement à poursuivre “le changement promis” ainsi que “la marche du peuple guinéen vers la démocratie”. Cependant, quelques heures après l'assaut, l’ancien chef d’état-major de l’armée, le général Nouhou Thiam, a été arrêté à son domicile.

    Élu démocratiquement le 21 décembre 2010, Alpha Condé, a

     

    aussitôt promis après son accession au pouvoir de remettre de l’ordre dans l’armée, un corps gangréné par les dissensions internes entre ses officiers et par l’indiscipline de ses troupes. La réforme des forces de défense et de sécurité est alors inscrite dans le programme d’urgence de son gouvernement. Mais ce processus ne semble pas faire l’unanimité au sein des hommes en uniforme.

    "La réforme de l’armée fait peur aux militaires guinéens"

    Interrogé par FRANCE 24, Tshiyembe Mwayila, directeur de l’Institut panafricain de Nancy, explique que “depuis Sékou Touré [le premier président de la République de Guinée (1958-1984), ndlr], l’armée guinéenne regorge de foyers de tensions marqués par des purges internes alimentées par des soupçons de complot des uns contre les autres et des considérations ethniques”. Et le chercheur d'ajouter : “La décision de réformer les forces armées ne peut que faire peur à beaucoup de militaires qui craignent de perdre leur influence dans la future armée qui se veut désormais républicaine.”

    Depuis son accession à l’indépendance en 1958, la Guinée a connu une succession de coups d’État jusqu’à l’organisation, en 2010, du premier scrutin jugé démocratique de son histoire. L’armée a toujours joué un rôle déterminant dans tous ces putschs, à l’instar du dernier coup de force, en décembre 2008, du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), la junte militaire qui a placé le capitaine Moussa Dadis Camara à la tête du pays, au lendemain de l’annonce de la mort du président Lansana Conté au pouvoir depuis 24 ans.

    Début décembre 2009, le chef de la junte est gravement blessé à la tête par son aide de camp, Aboubacar Sidiki Diakité, dit "Toumba", accusé d’être le commanditaire du massacre des civils au Stade du 28-Septembre de Conakry. Dadis Camara, indisponible, est alors contraint de passer les commandes au général Sékouba Konaté pour conduire le pays vers des élections démocratiques dans les six mois.

    “Alpha Condé, en portant un projet de la refonte du système de défense et de sécurité de son pays, est devenu la cible non seulement des militaires qui craignent de perdre leur place mais aussi de tous les autres mécontents politiques du système. La conjonction de ces deux éléments pourrait ainsi expliquer la tentative de coup de force de ce mardi à Conakry”, analyse Tshiyembe Mwayila.

    "Un acte dangereux pour la démocratie naissante"

    Les organisations de la société civile guinéenne sont unanimes : quel que soit celui ou ceux qui sont derrière cette attaque contre le domicile du président Alpha Condé, ce coup de force est “inacceptable”. Contacté par FRANCE 24, Aziz Diop, secrétaire exécutif du Conseil national des ONG en Guinée, condamne cet “acte dangereux pour la démocratie naissante au pays”. Il fustige en même temps “une armée de bandits qui pensent qu’on peut encore accéder au pouvoir par la force”.

    Le bilan officiel de l'attaque de mardi fait état d’un mort et de deux blessés parmi les gardes républicains et d'arrestations dans le rang des assaillants.

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