Officiellement, Éric Woerth a toujours le «soutien total» du président et du premier ministre. Les deux hommes lui ont réitéré au cours des vingt-quatre dernières heures. Voilà donc Éric Woerth, qui répète à l'envi que «démissionner ne lui a jamais traversé l'esprit» , rassuré, sinon conforté.
Conforté ? Pas si sûr. Car les apparences peuvent être trompeuses. Imperceptiblement, et même si l'Élysée et Matignon démentent toute prise de distance avec le ministre du Travail, des signes montrent que l'inquiétude gagne l'exécutif. Lors de leurs dernières sorties sur le terrain, Nicolas Sarkozy (vendredi en Côte-d'Or) et François Fillon (jeudi dans l'Yonne) n'ont pas prononcé le nom de leur ministre. Un hasard ? Peut-être. Cela a en tout cas suffi à relancer les rumeurs de disgrâce. Agacés par cette interprétation, Matignon a publié jeudi soir (à 22 h 30) un communiqué pour soutenir Éric Woerth.
Assisterait-on à un début de lâchage ? La réponse est, bien sûr, non. Mais beaucoup de membres du gouvernement ont été surpris, lors du dernier Conseil des ministres, que le chef de l'État n'ait pas eu un mot pour son ministre du Travail préférant, une fois encore, couvrir d'éloges Brice Hortefeux. La révélation par L'Express de l'existence d'une lettre d'Éric Woerth à Nicolas Sarkozy demandant la Légion d'honneur pour Patrice de Maistre a créé l'embarras à l'Élysée.
À quatre jours de la présentation du projet de réforme des retraites à l'Assemblée, qui s'accompagnera d'une journée de grèves et de manifestations, l'exécutif fait le dos rond. Le plan média a été arrêté. Le ministre du Travail ouvrira les débats à l'Assemblée, mardi après-midi, et se rendra le soir sur le plateau de TF1 pour tirer les leçons des manifestations. Deux jours plus tard, François Fillon donnera le tempo politique dans l'émission «À vous de juger». Il répondra durant une demi-heure aux questions d'Arlette Chabot, puis participera à une table ronde avec des syndicalistes et Éric Woerth. Cette fine répartition des rôles donne déjà une indication sur la personnalité qui va devoir porter politiquement la réforme dans les médias : ce sera François Fillon. Celui qui avait déjà porté en 2003 la précédente réforme.
L'Élysée et Matignon, qui naviguent à vue dans cette épreuve, espèrent qu'Éric Woerth «franchira» vaille que vaille l'obstacle du 7 septembre. Après cette semaine capitale, et seulement après, l'exécutif évaluera les capacités du ministre du Travail à poursuivre sa «mission».
Dans l'immédiat, Bernard Thibault a pour la première fois très clairement indiqué, hier sur Europe 1, qu'il n'était «plus possible de travailler avec Éric Woerth» . La députée PS Marisol Touraine, l'une des principales oratrices du groupe socialiste sur les retraites, a suggéré hi er de nommer «un nouveau ministre» pour reprendre les négociations avec les syndicats et les parlementaires. «Le débat va se dérouler dans les pires conditions» , a prévenu l'élue socialiste à la veille des cinquante heures de discussions programmées au Palais-Bourbon.