Il est environ 11h30 ce mercredi, l'équipe de Charlie Hebdo, situé dans le XIe arrondissement de Paris, est rassemblée pour sa conférence de rédaction hebdomadaire. «Au moins deux individus» arrivent à bord d’une Citroën noire aux vitres teintées, selon le parquet de Paris. Ils sont vêtus de noir et cagoulés, armés de kalachnikov.

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Arrivés à l'accueil du bâtiment qui hébergent plusieurs entreprises, ils tuent une première personne. Ils ordonnent à une autre de lui indiquer l'emplacement du journal.

Une source proche de l’enquête révèle à Libération que les deux hommes, «calmes et déterminés», «montent directement à la salle de la conférence de rédaction et connaissent leur cible à l’avance»: «C’est Charb qui était visé», affirme ce spécialiste du terrorisme. Il en tient pour preuve le fait que «les deux assaillants le cherchent dans la salle» et prononcent son nom: «Où est Charb ? Il est où Charb ?» «Ils l’ont tué puis ont arrosé tout le monde», rapporte notre source. Sans exclure que d’autres dessinateurs de l’hebdo satirique comme Cabu et Wolinski, également victimes des rafales de kalachnikov, aient pu figurer sur la liste des cibles de «ce commando organisé».

Une fois dans la salle de rédaction, raconte le procureur François Molins lors de la conférence de presse, les deux hommes ouvrent le feu «en rafale», tuant 10 personnes: 8 journalistes, un policier du service de protection des personnalités et «un invité», dont l'identité n'est pas connue. Charb, Cabu Wolinski et Tignous, ainsi que l’économiste Bernard Maris, figurent parmi les victimes. Quatre autres personnes ont été grièvement blessées et sont dans un état «d’urgence absolue». Philippe Lançon, journaliste à Libé et chroniqueur à Charlie Hebdo, a également été blessé.

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Selon un témoignage recueilli sur place par Libération, les hommes encagoulés auraient d’abord pénétré dans un immeuble voisin et demandé comment entrer dans les locaux de l’hebdomadaire, en principe protégés par la police après de précédentes attaques et menaces, notamment suite à la publication de caricatures du prophète en 2011.

Course-poursuite dans Paris

«Les tireurs auraient crié Allah akbaret affirmaient vouloir venger le prophète», a indiqué  le procureur. En quittant les locaux, les assaillants tombent sur un véhicule de police en ressortant dans la rue. Ils ouvrent à nouveau le feu avant de remonter à bord de leur Citroën. Une course-poursuite s'engage. Ils empruntent l’allée verte, une rue perpendiculaire à celle du siège de Charlie Hebdo. Croisent une autre patrouille de policiers, en VTT. Nouveaux tirs, sans victime. Arrivé sur le boulevard Richard-Lenoir, nouvelle fusillade: un policier, âgé d’une trentaine d’années et rattaché au commissariat du XIe arrondissement, est touché puis froidement abattu au sol.

Ils reprennent leur voiture en se dirigeant vers le nord-est de Paris. Ils percutent un piéton au niveau de Colonel Fabien, dans le XIXe arrondissement. Leur fuite s'interrompt au croisement entre le rue Sadi-Lecointe et la rue de Meaux, dans le XIXe arrondissement. La Citroën noire immatriculée CW 518 XV s’encastre dans un plot, lunette arrière et vitre conducteur brisées. Les hommes sortent du véhicule, abandonnant un chargeur de kalachnikov rempli de munitions. Ils braquent alors un automobiliste et lui volent sa Clio grise. Peu avant midi, la police perd leurs traces. Les portes de Paris sont aussitôt bloquées pour les empêcher de fuir. 

Le Premier ministre, Manuel Valls, a décidé de relever le plan Vigipirate au niveau «alerte attentat», le niveau le plus élevé, sur «l’ensemble de la région Ile-de-France». «Organes de presse, grands magasins, lieux de culte et transports» sont placés sous «protection renforcée», a annoncé Matignon.

Marie PIQUEMAL, Patricia TOURANCHEAU et Luc MATHIEU