L’enquête sur la tuerie de Chevaline va bientôt se tourner vers l’Irak, pays d’origine de trois des quatre victimes, avec l’envoi à Bagdad d’une commission rogatoire internationale, tandis que l’hypothèse d’un tireur fou reste sérieusement envisagée.
+ Pourquoi l’Irak ?
« L’idée, c’est de se dire : est-ce qu’on peut faire un lien entre les meurtres et les origines irakiennes des victimes ? », explique Eric Maillaud, procureur de la République à Annecy.
Le 5 septembre, Saad al-Hilli, Britannique d’origine irakienne de 50 ans, sa femme Iqbal, 47 ans, et sa belle-mère Suhaila al-Allaf, 74 ans, de nationalité suédoise, ont été tués par balles à Chevaline, près d’Annecy, où ils passaient des vacances. Un cycliste français, Sylvain Mollier, a aussi été découvert mort à côté de leur voiture.
Point sur le père
Le père de Saad al-Hilli, un industriel décédé en 2011 en Andalousie, avait fui l’Irak dans les années 80. Une série de questions va donc être envoyée aux magistrats irakiens afin de faire un point précis sur les activités professionnelles du père, les conditions dans lesquelles il a quitté l’Irak et l’origine de son patrimoine.
Le père de Saad al-Hilli était notamment titulaire d’un compte en Suisse ouvert en 1984 créditeur d’environ 780 000 livres (968 000 euros).
Des médias ont évoqué un lien possible entre ce compte et la fortune de l’ancien dictateur irakien Saddam Hussein. Mais « a priori, c’est de la fumisterie », assure Eric Maillaud.
L’enquête sur la tuerie de Chevaline, qui mobilise toujours une centaine de gendarmes et policiers en France et au Royaume-Uni, a déjà donné lieu à des commissions rogatoires vers la Suisse, l’Italie, la Suède, l’Espagne et les Etats-Unis.
+ Quelles autres pistes sont envisagées ?
Le différend entre Saad al-Hilli et son frère Zaïd au sujet de l’héritage de leur père reste un des principaux axes de recherche.
« Il y a intellectuellement un mobile envisageable » mais « il en faut davantage pour passer du mobile à la suspicion », souligne Eric Maillaud. La piste de la profession de Saad, ingénieur dans l’aéronautique et la défense, « ne donne rien mais on continue à creuser », ajoute le procureur.
+ L’œuvre d’un tireur fou ?
Évoquée dès le mois de septembre, cette piste reste sérieusement envisagée. « À chaque fois qu’il y a un meurtre inexpliqué, on se demande toujours s’il n’y a pas un fou furieux qui se promène dans les parages », explique Eric Maillaud.
Des investigations ont ainsi été menées dans des hôpitaux psychiatriques, associations tutélaires, clubs de tirs ou chez les chasseurs de la région. Il s’agit de savoir si une personne déséquilibrée psychologiquement n’a pas disparu au moment des faits.
« À chaque fois qu’il y a des noms qui sortent, il y a une enquête et un environnement qui est fait. Cela représente des semaines et des mois de travail », indique Eric Maillaud.
Des commissions rogatoires internationales ont été adressées à la Suisse et à l’Italie afin que les polices de ces deux pays limitrophes avec la Haute-Savoie mènent des investigations similaires. « Pour l’instant, on n’a rien trouvé de particulier mais c’est un travail de longue haleine », souligne le procureur d’Annecy.
+ Quelle arme a-t-elle été utilisée ?
Le Luger P06, mentionné dans plusieurs articles de presse, est l’hypothèse privilégiée par les enquêteurs, selon des sources proches de l’enquête. Cette arme de collection, de calibre 7,65 mm, est assez répandue en Haute-Savoie pour avoir été utilisée par l’armée suisse.
Mais ce n’est pas la seule arme envisagée car les vingt douilles récoltées sur place peuvent aussi avoir été tirées par d’autres armes.
« Tant qu’on n’a ni l’arme ni l’auteur, on ne peut pas dire quelle arme a été utilisée », souligne le procureur d’Annecy, qui refuse depuis le début de l’enquête de livrer la moindre information à ce sujet.