Marine Le Pen entendait prononcer un discours « tonique » et « musclé » sur l’immigration et le terrorisme, selon les termes de son entourage. Mais la présidente du Front national a dû composer avec plusieurs incidents qui ont fait passer son propos au second plan, à l’occasion du défilé annuel du parti d'extrême droite en mémoire de Jeanne d’Arc, vendredi 1er mai, à Paris.
Alors qu’elle entamait son discours, place de l’Opéra, la députée européenne a été interrompue par trois militantes du mouvement féministe Femen, qui ont déroulé du balcon d’un hôtel des banderoles mêlant le logo du FN au drapeau nazi.
Huée par la foule – entre 3 500 et 3 800 sympathisants, selon la police –, l’intervention a créé un moment de flottement. Au bout de quelques minutes, les services de sécurité du FN sont intervenus avec violence pour déloger les militantes, qui ont ensuite été prises en charge par les forces de l’ordre. S'étonnant que les membres du service aient pu entrer si facilement dans l'hôtel, l'avocat des Femen a annoncé une plainte contre X pour « violences, violation de domicile et arrestation arbitraire ».
D’autres membres du groupe avaient perturbé un peu plus tôt le dépôt de gerbe au pied de la statue de Jeanne d’Arc, place des Pyramides. Au total, sept personnes, dont trois chargées de la sécurité du FN, ont été interpellées.
En début d'après-midi, Canal+ a indiqué qu'une équipe de trois journalistes de la chaîne avait été agressée par des militants frontistes, avant d'être exfiltrée par le service d'ordre du parti. La chaîne diffusera des images de l'agression le 3 mai. La chaîne BFM a diffusé une vidéo montrant Bruno Gollnisch s'en prenant à un des journalistes. L'eurodéputé s'est ensuite félicité d'avoir fait fuir « les provocateurs de Canal+ » qui « pratiquent le micro-perche espion ».
L'imprévu Jean-Marie Le Pen
Jean-Marie Le Pen, en conflit ouvert avec sa fille depuis un mois, n’a pas manqué de faire valoir sa singularité. Au moment de se recueillir au pied de la statue et après que Marine Le Pen eut fait de même, M. Le Pen s’est écrié, dans un élan quasi théâtral : « Jeanne, au secours ! »
Il a ensuite rejoint en voiture la tribune érigée en face de l’Opéra Garnier, et s’est invité sur scène, juste avant que sa fille ne commence son discours. Il s’est offert, l’espace de quelques secondes, bras ouverts, les acclamations de la foule, avant d'en descendre. « Il a voulu saluer les militants, au dernier moment », explique un de ses proches.
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Plusieurs cadres du FN assurent que cette apparition n’était a priori pas prévue au programme. Le cofondateur du mouvement – toujours en convalescence, selon son entourage, après son hospitalisation il y a deux semaines pour un problème cardiaque – n’est pas resté pour écouter le discours de sa fille, avec laquelle il n’a pas échangé un regard.
Les regards tournés vers le bureau exécutif du 4 mai
Sans doute perturbée par la tournure des événements, la présidente du Front national a repris le fil de son discours. « Nous subissons menaces et ordres de cette eurodictature soutenue servilement par les télégraphistes de droite et de gauche », a-t-elle lancé, avant de dénoncer la « grenade de l’islamisme » qu’aurait dégoupillée l’intervention militaire de la France en Libye, en 2011.
« Nous devons déchoir de la nationalité tout binational parti vers l’Etat islamique, juger pour crimes ceux qui en reviennent (...), expulser tout étranger qui exprime des sympathies pour l’Etat islamique. »
Répétant ses propos tenus en 2012 à la suite des tueries perpétrées par Mohamed Merah – « J’avais demandé combien de Merah y a-t-il dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France remplis d'immigrés ? » – la présidente du FN a appelé à « arrêter l’immigration ».
Pour « musclé » qu’il ait été, ce discours ne cache pas le fait que les regards sont d’ores et déjà tournés vers le 4 mai, jour de la réunion du bureau exécutif du FN, qui doit décider d’éventuelles sanctions contre Jean-Marie Le Pen.
Ce dernier n’a pas encore fait savoir s’il comptait répondre positivement à la convocation qui lui a été envoyée. L’entretien qu’il avait accordé à Rivarol le 9 avril, dans lequel il prenait notamment la défense du maréchal Pétain, et qui a déclenché le conflit avec sa fille, était en tout cas distribué gratuitement dans la foule des militants.