"Je n'avais jamais vu autant d'éléments caractérisant du harcèlement dans une entreprise", a témoigné à la barre un inspecteur du travail. Jusqu'à vendredi se tient en correctionnelle le procès de quatre cadres de Sup de Co Amiens pour harcèlement moral à l'encontre de sept salariés ou ex-salariés. Une ancienne directrice, rétrogradée, s'était notamment suicidée en se jetant par la fenêtre de son bureau en juillet 2009.
L'inspecteur Julien Eggenschwiller a interrogé 45 salariés, en grande majorité des personnels administratifs soit environ la moitié du personnel, avec l'aide d'un deuxième inspecteur, Jacques Thellier. Ils ont conclu qu'une vingtaine d'entre eux souffraient au travail. "C'est anormalement élevé", a souligné Jacques Thellier. "En face, la direction était dans le déni, recourant toujours à des explications du genre : ‘c'est d'ordre personnel ou familial'". "On se heurtait à un mur d'inertie", a-t-il ajouté dans le tribunal d'Amiens, disant n'avoir "aucun doute" sur le caractère "délibéré" du harcèlement par la direction. "Même les salariés qui ne faisaient pas l'objet de harcèlement, le vivaient très mal, ils souffraient de la souffrance des autres", a assuré Julien Eggenschwiller.
"Une école qui doit former des cadres au management"
Les deux inspecteurs ont énuméré des "brimades", "propos vexatoires", comme "'la fatigue, c'est un problème d'organisation", lorsqu'un salarié se plaignait de la charge chronique de travail ou "soit on part, soit on va au standard", des "pressions" pour obtenir des ruptures conventionnelles de contrats, des "opérations de déstabilisation", ou encore des "mises au placard". "C'est un paradoxe, c'est quand même une école qui doit former des cadres supérieurs au management", a souligné Jacques Thellier.
Les quatre hauts responsables de l'école encourent jusqu'à un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende. L'association Sup de Co, représentée par son président Bernard Désérable, encourt jusqu'à 75.000 euros d'amende.