L'essayiste d’extrême droite Dominique Venner s’est suicidé avec une arme à feu mardi après-midi dans Notre-Dame de Paris, provoquant l’évacuation de la cathédrale, haut lieu touristique en plein cœur de Paris, selon des sources policières et son éditeur. Âgé de 78 ans, Dominique Venner s’est donné la mort devant l’autel peu après 16 heures à l’aide d’un pistolet à un coup de fabrication belge. La cathédrale a rapidement été évacuée mardi après-midi sans incident.
Peu de temps après, la présidente du Front national, Marine Le Pen a réagi sur Twitter à l'annonce de sa mort, en exprimant son «respect» à Dominique Venner. «Tout notre respect à Dominique Venner dont le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le peuple de France. MLP», a ainsi écrit la présidente du Front national sur le réseau social.
Dans son sillage, Bruno Gollnisch, figure du Front national et député non-inscrit au Parlement européen, a lui aussi rendu hommage à Dominique Venner, voyant dans son geste «une protestation contre la décadence de notre société». D’après lui, cet «intellectuel extrêmement brillant», opposant déclaré à la loi sur la mariage homosexuel et directeur d’une revue historique «parfois politiquement incorrecte», s’est peut-être «inspiré de Montherlant, de Drieu La Rochelle, de l’écrivain japonais Mishima, qui s’est suicidé aussi». «Il admirait beaucoup les samouraïs, il admirait les chevaliers, c’était un peu un chevalier des temps modernes, hérissé contre la décadence de notre civilisation», a-t-il encore souligné.
Un tel suicide dans ce haut lieu touristique est «sans précédent», ont pour leur part souligné l’évêché et le ministre de l’Intérieur en charge des cultes Manuel Valls, qui s’est rendu sur place.
Dominique Venner était une figure connue et respectée au sein de la mouvance d’extrême droite. Engagé dans la guerre d’Algérie comme militaire, puis à l’OAS, il s'illustre également dans les années 1950 au côté de Pierre Sidos, animateur de plusieurs groupes nationalistes violents. En 1962, lors d'une période d'emprisonnement, Dominique Venner rédige Pour une critique positive : dans petit essai devenu fondamental pour une parti de l'extrême-droite, il expose la nécessité d'une refondation intellectuelle de celle-ci, en plein marasme après la fin de la guerre d'Algérie.
Mettant par la suite l'accent sur le «combat culturel», Dominique Venner fut considéré comme un père fondateur de la mouvance dite «Nouvelle Droite», en plein essor dans les années 1970 et 1980. Il aurait même été approché pour prendre la présidence du Front National lors de la création de celui-ci, en 1972; le poste reviendra finalement à Jean-Marie Le Pen.
«Ce n’était pas un fidèle de la cathédrale»
Monseigneur Patrick Jacquin, recteur de la cathédrale, a précisé à l’AFP que le suicidé avait posé une lettre sur l’autel, dans le chœur, à l’attention des enquêteurs, avant son suicide. Un surveillant a procédé à un massage cardiaque, en attendant l’arrivée des secours. Les enquêteurs ont trouvé sa carte d’identité sur lui. «On ne le connaissait pas, ce n’était pas un fidèle de la cathédrale», a expliqué Mgr Jacquin, affirmant, qu’à sa connaissance, c’est la première fois qu’un suicide intervient à l’intérieur de la cathédrale. Toutes les messes ont été annulées jusqu’à 20 heures, lorsqu’une «veillée pour la vie» sera organisée avec les évêques d’Ile-de-France. «On va prier pour cet homme comme pour tant d’autres qui sont à bout», a ajouté Mgr Jacquin. «C’est terrible, on pense à lui et à sa famille.»
Dans un post publié mardi sur son blog, Dominique Venner avait rédigé un éditorial dans lequel il expliquait que les opposants au mariage pour tous ne pouvaient «se limiter au refus du mariage gay», mais que le vrai «péril» était «le grand remplacement de la population de la France et de l’Europe». «Il faudra certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines», disait-il.
«Bien au-delà de cette affaire de mariage»
«Je ne crois pas que l’on puisse lier son suicide à cette affaire de mariage, cela va bien au-delà», a toutefois déclaré à l’AFP son éditeur Pierre-Guillaume de Roux. C’était un «spécialiste des armes à feu», sur lesquelles il avait écrit une encyclopédie en onze volumes, a-t-il précisé. Pierre-Guillaume de Roux a expliqué avoir eu cet auteur au téléphone lundi soir pour évoquer son prochain ouvrage à paraître en juin, Un samouraï d’Occident, le bréviaire des Insoumis.
Aux yeux de l’éditeur, ce geste à Notre-Dame revêtait «une puissance symbolique extrêmement forte qui le rapproche de Mishima», l’écrivain japonais qui s’était suicidé en 1970, un geste politique. Vers 17 heures, la cathédrale restait fermée. Un périmètre de sécurité en demi-cercle avait été établi grâce à des barrières devant son entrée, où affluaient les touristes qui se renseignaient sur les raisons de cette fermeture inhabituelle.
L'évacuation de la cathédrale a toutefois eu lieu dans le calme. Frédéric était en train de faire admirer les vitraux à sa classe de CM1 quand est survenu le suicide. «Nous avons été évacués dans le calme, très rapidement. Personne n’a paniqué. En une demi-heure, tout le monde était dehors. Les enfants n’ont rien vu, ni entendu de détonation. Nous leur avons juste dit qu’il y avait eu un petit problème», explique-t-il à Libération.
Devant le cordon policier, Rosalie et Palmyre se tiennent le bras. Les deux copines sont un peu secouées. Elles sont venues après avoir reçu une alerte sur leur smartphone. Elles viennent souvent s’asseoir sur le parvis de Notre-Dame. «Ce suicide salit la cathédrale. C’est un geste très provocant, que cet homme soit catholique ou non. Pour nous Notre-Dame est le cœur de Paris, un lieu vivant. C’est très malsain de choisir de se donner se donner la mort ici», tranchent-elles.
Christine attend, elle, la «veillée pour la vie». Cette prière collective organisée pour les «Chrétiens d’Orient qui souffrent» est maintenue ce mardi à 20h30. «Ce soir je prierai pour lui, cet homme en a besoin. Je retiens d’abord le drame humain. Peut-être que cet homme désespéré a voulu nous dire quelque chose. Mais j’ai du mal à comprendre son message, surtout si c’était un catholique fervent», confie-t-elle.