C’est la grande nouveauté des élections législatives du jeudi 18 juin. Le Parti du peuple danois (DF, extrême droite) est arrivé en première place au sein du bloc de droite, ce qui lui permet de figurer devant la coalition des partis de gauche associés au sein du gouvernement sortant (avec 90 sièges contre 89).
Le DF remporte 21,1 % des voix, soit 8,8 points de plus qu’en 2011, ce qui constitue son meilleur score depuis sa création en 1995. De son côté, le Parti libéral recueille 19,5 % des voix, et sociaux-démocrates de la première ministre Helle Thorning-Schmidt, qui a présenté sa démission après le scrutin, 26,3 %.
Kristian Thulesen Dahl, le leader du parti du peuple danois, devrait jouer un rôle clef dans la formation du prochain gouvernement : s’il reste flou sur le rôle exact de son parti, il cherchera à imposer sa ligne dans les quatre domaines à l’origine de son ascension.
- Le refus de l’immigration
Le DF va réclamer un rétablissement du contrôle aux frontières. Le parti arrive d’ailleurs largement en tête dans les comtés limitrophes de l’Allemagne, dans le sud du Jutland. Si de telles mesures sont effectivement prises, le Danemark pourrait se retrouver en conflit direct avec ses voisins, et la Commission européenne, chargée de veiller au respect du Traité de Schengen.
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Le programme du parti spécifie que « le Danemark n’est pas un pays d’immigration et ne l’a jamais été ». Le DF ne peut « donc pas accepter une transformation multiethnique du pays ». Le politologue Ove K. Pedersen rappelle qu’« une grande partie de la classe moyenne danoise a toujours été nationaliste ».
La grande victoire du DF est d’avoir su, au fil des années, imposer son approche à l’ensemble des responsables politiques danois. Entre 2001 et 2011, le DF avait soutenu au Parlement une coalition minoritaire libérale-conservatrice en échange d’un durcissement régulier des politiques à l’encontre des étrangers. Cette fois, même les sociaux-démocrates ont réclamé « des règles d’asile plus strictes et plus d’exigences pour les immigrés »: « Si tu viens au Danemark, tu dois travailler », proclamaient les affiches de la formation.
- La défense de l’Etat-providence
Comme l’explique le politologue Ove K. Pedersen, « le DF est un parti d’extrême droite social-démocrate ». Conservateur et nationaliste sur les questions d’immigration et d’asile, il défend l’Etat providence et reprend largement les valeurs traditionnelles social-démocrates, s’adressant aux plus démunis.
Ce sujet a, avec l’immigration, dominé les débats de la campagne électorale, alors que le Danemark a lui aussi souffert de la crise économique. Contrairement au Parti libéral, qui souhaite geler les dépenses de l’Etat-providence, le DF estime que le vieillissement de la population et les besoins accrus en dépenses de soins nécessitent une croissance modérée du secteur public. Le DF veut aussi réduire l’aide à la coopération afin de consacrer plus de moyens à l’Etat-providence danois.
Lors des élections au Parlement européen en 2014, la campagne avait beaucoup porté sur les avantages sociaux dont bénéficient les citoyens de l’UE dans ce pays scandinave. Ce débat avait déjà largement profité à l’extrême droite, arrivé en tête du scrutin.
- L’euroscepticisme
« Plus de Danemark, moins d’UE. Le Danemark doit assurer son indépendance ». Tel est le mot d’ordre du DF. Le parti ne milite toutefois pas pour un retrait du Danemark de l’UE. Le DF a dit depuis des semaines qu’en cas de victoire aux élections du 18 juin, il ferait tout pour que le pays – lui aussi non membre de la zone euro – se range derrière David Cameron. Il soutient en effet la demande du premier ministre britannique de changer les traités et de réformer l’Union européenne, avant de faire voter les Britanniques par référendum sur leur maintien, ou pas, dans l’UE d’ici à 2017.
Le vice-président du DF a également expliqué à Reuters vendredi qu’il exigeait qu'un référendum sur le maintien du Danemark dans l'Union soit organisé en contrepartie de sa participation à un éventuel gouvernement de centre droit. Pour le DF, les Danois ne devraient toutefois se prononcer que si la Grande-Bretagne fait de même après avoir renégocié ses relations avec l’UE.
- Les scandales du Parti libéral
L’extrême droite danoise a enfin profité du recul des partis de droite traditionnelle, affaiblis par les scandales. Déjà premier ministre de 2009 à 2011, le président du Parti libéral, Lars Lokke Rasmussen, a connu une longue descente aux enfers après les affaires à répétition qui ont écorné sa crédibilité ces dernières années. Il a été pris en flagrants délits répétés d’utilisation de fonds de son parti ou d’institutions pour ses dépenses privées, comme des cigarettes ou des billets en première classe à l’autre bout du monde, parfois en famille. Les sommes sont modestes mais elles mettent au jour son manque de morale personnelle. Il s’est longuement excusé sur ces dérapages. Mais ces scandales expliquent le net recul de son parti.