Leonarda Dibrani, l'adolescente rom expulsée au Kosovo, pourra poursuivre sa scolarité en France "si elle en fait la demande", a annoncé François Hollande, samedi 19 octobre. "Un accueil lui sera réservé", mais à "elle seule", a souligné le président. Sa famille ne devrait donc pas pouvoir regagner la France. Leonarda a aussitôt décliné l'offre, expliquant qu'elle ne voulait pas regagner ce pays sans sa famille.
Alors que François Hollande a tenté de mettre un terme à l'intense polémique qui agite la France autour de cette affaire, notamment en confirmant le ministre de l'Intérieur Manuel Valls dans son rôle. Mais la main tendue du chef de l'Etat n'a pas suffi à calmer les esprits. Les réactions politiques et d'associations se sont multipliées, tandis qu'une nouvelle manifestation de lycéens est prévue samedi après-midi à Paris.
"Cruauté abjecte"
Au sein même de la majorité, l'offre de François Hollande est critiquée. Le Premier secrétaire du PS Harlem Désir souhaite ainsi "que tous les enfants de la famille de Leonarda puissent finir leurs études en France". Il loue néanmoins la "décision d'humanité" du chef de l'Etat, qui "donne la possiblité à Leonarda de revenir en France pour y poursuivre son parcours d'intégration et de scolarisation".
"Fermeté dans l'application de la loi, clarification des règles en prohibant toute interpellation dans le cadre scolaire, prise en compte des situations humaines en permettant le retour de Leonarda si elle le souhaite", le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Bruno Le Roux, salue lui dans un communiqué les "conclusions justes" tirées par François Hollande dans cette affaire.
De son côté, le Parti de gauche dénonce "une cruauté abjecte" dans la décision du chef de l'Etat d'autoriser Leonarda à revenir en France sans sa famille. "La jeune collégienne est sommée par le Président de la République de choisir entre vivre en famille [5 frères et soeurs et ses parents, NDLR] ou revenir seule en France poursuivre ses études", déclare Danielle Simonnet, secrétaire nationale du Parti de gauche, qui avait demandé la démission de Manuel Valls après l'expulsion de France de la collégienne kosovare, dans un communiqué.
François Hollande a commis une "grave faute politique et morale" en demandant "à une enfant de 15 ans de choisir entre la France et sa famille", renchérit le Parti communiste dans un communiqué. "Cet affront aux valeurs républicaines se double aujourd'hui d'un insupportable manquement à la convention internationale des droits de l'enfant, dont la France est signataire", souligne Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF.
"Hollande ménage la chèvre et le chou"
La méthode Hollande fait aussi réagir à droite. "Pour moi c'est une prime à la triche que vient de formuler le président de la République", assène le député-maire UMP de Nice, Christian Estrosi sur iTélé.
François Hollande "ridiculise notre pays en renonçant à l'autorité de l'État par sa proposition d'accueillir Leonarda en dépit des décisions de justice", fustige le député UMP Eric Ciotti dans un communiqué. "Malheureusement, une nouvelle fois, François Hollande n'a pas su trancher entre toutes ces lignes politiques divergentes en matière d'immigration irrégulière", juge l'élu.
"Hollande ménage, comme toujours, la chèvre et le chou. Ce n'est pas un Président mais un Hésitant qu'on a au sommet de l'Etat", tacle sur Twitter Geoffroy Didier, secrétaire général adjoint de l'UMP et fondateur du courant la Droite forte :
Au centre droit, le président de l'UDI, Jean-Louis Borloo, critique une position "extrêmement dangereuse" et "incompréhensible tant en terme du respect de la loi que du respect de l'unité d'une famille".
Le vice-président du Front National Florian Philippot pointe du doigt la position "ahurissante" de François Hollande. "Quelle est la légalité d'un tel retour, et cette décision fera-t-elle jurisprudence ? Comment envisager que cette fille vive seule en France sans un soutien public ? Cette décision sera en tout cas un signal extrêmement négatif qui va encourager l'immigration clandestine et compliquer les expulsions", déclare-t-il dans un communiqué.
"Inhumain, indécent et illégal"
Du côté des associations, La voix des Rroms a jugé d'une "indécence inacceptable" la proposition de François Hollande de laisser rentrer seule en France Leonarda. "Proposer à une enfant de 15 ans de quitter sa famille pour pouvoir construire sa vie dans le pays où cette enfant se sent chez elle, c'est inhumain, indécent et illégal", déplore l'association dans un communiqué. La voix des Rroms cite la Convention internationale des droits de l'enfant, qui "reconnaît à chaque enfant le droit de grandir dans sa famille" et estime que "l'indécence des autorités va jusqu'à violer les règles du droit international que la France a ratifiées".