• Les demandes de levée d'immunité de Guérini et Navarro (PS) transmises à la présidence du Sénat

    LEMONDE.FR avec AFP | 27.02.12 | 20h01   •  Mis à jour le 27.02.12 | 20h32

    Le socialiste Jean-Noël Guérini arrive, le 8 septembre 2011, au palais de justice de Marseille.

    Le socialiste Jean-Noël Guérini arrive, le 8 septembre 2011, au palais de justice de Marseille. AFP/GERARD JULIEN

    Les demandes de levée d'immunité parlementaire de deux sénateurs PS, Jean-Noël Guérini (Bouches-du-Rhône) et Robert Navarro (Hérault), ont été transmises lundi 27 février à la présidence du Sénat par la Chancellerie, a indiqué la présidence du Sénat à l'AFP.

    La réunion du bureau du Sénat qui doit statuer sur ces demandes n'a pas encore été fixée. Le président du Sénat, Jean-Pierre Bel (PS), va saisir le vice-président centriste Jean-Léonce Dupont chargé des questions de déontologie pour qu'il étudie les demandes avant la réunion du bureau.

    La demande de levée d'immunité parlementaire de Jean-Noël Guérini, mis en examen dans une affaire touchant à des marchés publics, a été demandée par le juge d'instruction Charles Duchaine.

    M. Guérini, 61 ans, également président du conseil général des Bouches-du-Rhône, a été mis en examen le 8 septembre pour association de malfaiteurs, trafic d'influence et prise illégale d'intérêts, dans une affaire touchant à des marchés publics présumés frauduleux impliquant son frère Alexandre, patron de décharges.

    Son frère, Alexandre Guérini, mis en examen fin 2010, a passé plus de cinq mois en détention provisoire dans le cadre de cette affaire à tiroirs, pour laquelle une vingtaine de personnes sont déjà mises en cause.

    Parmi les éléments reprochés à Jean-Noël Guérini, la prise illégale d'intérêts concerne un terrain préempté par le département en 2004, officiellement pour y protéger une plante; en réalité, selon les juges, pour servir les intérêts d'Alexandre qui y a finalement agrandi une décharge. L'élu, qui se dit innocent, est aussi soupçonné d'avoir "toléré les immixtions sans titre" de son cadet dans des affaires relevant du département.

    La première secrétaire du PS, Martine Aubry, a souhaité mercredi dernier que les sénateurs socialistes se prononcent pour une levée de son immunité.

    ROBERT NAVARRO A ÉTÉ EXCLU DU PS EN FÉVRIER 2010

    La levée de l'immunité parlementaire du sénateur de l'Hérault Robert Navarro a été réclamée par la juge d'instruction Sabine Leclercq en charge du dossier d'abus de confiance visant l'ex-patron de la fédération socialiste du département.

    Le PS avait déposé plainte en avril 2011 après la découverte de "nombreuses factures" réglées par sa fédération pour des déplacements, notamment en avion, sans lien avec son fonctionnement.

    Membre de l'équipe de campagne de François Hollande pendant la primaire du Parti socialiste dans l'Hérault, Robert Navarro, a été exclu du PS en février 2010 pour son soutien à George Frêche – décédé depuis – lors des élections régionales. M. Navarro n'a toujours pas été entendu dans cette affaire.

    Son épouse, Dominique Navarro, ex-assistante parlementaire du président du groupe PS au Sénat François Rebsamen, a été mise en examen le 23 janvier et placée sous contrôle judiciaire avec paiement d'une caution. Toutefois, seul le volet des billets d'avion, pour un montant de 90.000 à 100.000 euros, la concerne, a précisé une source proche du dossier.


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  • 27 février 2012 - 22H12  

    Le réchauffement de l'Arctique apporte froid et neige à l'Europe
     

    La réduction des glaces dans l'océan arctique dû au réchauffement pourrait expliquer les hivers fortement enneigés et très froids de ces dernières années dans certaines parties de l'hémisphère nord, selon des chercheurs américains dont les travaux sont publiés lundi

     
    La réduction des glaces dans l'océan arctique dû au réchauffement pourrait expliquer les hivers fortement enneigés et très froids de ces dernières années dans certaines parties de l'hémisphère nord, selon des chercheurs américains dont les travaux sont publiés lundi

    AFP -   La réduction des glaces dans l'océan arctique dû au réchauffement pourrait expliquer les hivers fortement enneigés et très froids de ces dernières années dans certaines parties de l'hémisphère nord, selon des chercheurs américains dont les travaux sont publiés lundi.

    Depuis que la superficie de la banquise est tombée à un niveau record en 2007, des chutes de neiges nettement plus abondantes que la normale ont été observées dans de vastes régions nord américaines, du continent européen et de la Chine, soulignent-ils. 

     

    Durant les hivers 2009-2010 et 2010-2011, l'hémisphère nord a enregistré sa deuxième et troisième plus fortes accumulations de neige dans les annales.

    Les données recueillies de 1979 --début des observations par satellites-- à 2010 montrent une diminution d'un million de km2 de la superficie des glaces de l'océan arctique en automne soit 29,4% de sa surface et l'équivalent de deux fois la France, précisent les scientifiques de l'Institut de Technology de Géorgie (sud-est).

    Cette diminution des glaces arctiques a correspondu à une couverture neigeuse hivernale nettement plus élevée que la normale dans le nord-est des Etats-Unis, le nord-ouest et le centre de l'Europe ainsi que le nord de la Chine, ajoutent-ils.

    "Notre étude démontre que la diminution des glaces de l'océan arctique est liée à des changements dans le circulation atmosphérique de l'hémisphère nord en hiver", souligne Judith Curry, présidente de l'Ecole des sciences atmosphériques et de la Terre à l'Institut de Technology de Géorgie et principal auteur de cette communication.

    Ces travaux paraissent dans la version en ligne des Annales de l'Académie nationale américaine des sciences (PNAS) datée du 27 février 2012.


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  • 27 février 2012 - 05H21  

    Michel Hazanavicius, Oscar du meilleur réalisateur pour "The Artist"
     

    Le Français Michel Hazanavicius a obtenu dimanche à Hollywood l'Oscar du meilleur réalisateur pour "The Artist", un film muet et en noir et blanc qui rend hommage à l'histoire du cinéma américain.

     
    Le Français Michel Hazanavicius a obtenu dimanche à Hollywood l'Oscar du meilleur réalisateur pour "The Artist", un film muet et en noir et blanc qui rend hommage à l'histoire du cinéma américain.

    AFP - Le Français Michel Hazanavicius a obtenu dimanche à Hollywood l'Oscar du meilleur réalisateur pour "The Artist", un film muet et en noir et blanc qui rend hommage à l'histoire du cinéma américain.

    M. Hazanavicius, donné grand favori, s'est imposé devant Martin Scorsese (Hugo Cabret), Woody Allen (Minuit à Paris), Alexander Payne (The Descendants) et Terrence Malick (The Tree of Life).

    "J'ai oublié mon discours", a déclaré Michel Hazanavicius, saisi d'agitation après avoir reçu sa statuette des mains de l'acteur Michael Douglas. "Je suis le cinéaste le plus heureux du monde".

    Le réalisateur a remercié ses bailleurs de fonds, "les fous qui ont accepté de financer ce film" et le chien savant "Uggie" qui joue dans "The Artist". "Il ne comprend pas ce que je dis, il n'est pas si intelligent que ça", a-t-il plaisanté.


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  • 26 février 2012

    Une Pompéi végétale de 300 millions d’années exhumée en Chine

     

    C'est une jolie lucarne temporelle qu'une équipe sino-américaine vient d'ouvrir dans la dernière livraison des Proceedings de l'Académie des sciences des Etats-Unis. Une fenêtre sur la végétation de la Terre telle qu'on pouvait la trouver il y a presque 300 millions d'années, au début du Permien, avant même l'apparition des dinosaures. C'est sur une véritable Pompéi végétale que sont tombés ces chercheurs, au beau milieu d'une mine de charbon chinoise, dans la province autonome de Mongolie intérieure. Pour ceux qui auraient oublié leur histoire romaine, je rappelle qu'en 79 de notre ère, Pompéi et Herculanum furent ensevelies sous les matériaux éjectés par une éruption du Vésuve. Ce fut une catastrophe pour les habitants mais les couches de cendres, de pierres et de boues volcaniques eurent pour effet de figer les sites dans le temps et de les conserver tels qu'ils étaient il y a deux millénaires.

    Il est arrivé exactement la même chose sur le site chinois de Wuda. A la suite d'une éruption volcanique, les éjectas ont certes tué les plantes, fait tomber les feuilles, cassé les petites branches, décapité les arbres mais ils ont aussi, à leur manière un peu violente, préservé toute cette végétation. La couche de cendres initiale devait avoir un mètre d'épaisseur puis elle s'est tassée et pétrifiée, pendant que les plantes se fossilisaient entre deux veines de charbon. C'est d'ailleurs à l'exploitation minière que l'on doit cette découverte. Les chercheurs ont dû travailler vite, sur un peu plus de 1 000 mètres carrés, pour profiter de la chance unique qui leur était offerte d'avoir accès à cette couche géologique d'autant plus exceptionnelle que les arbres se trouvaient encore à leur emplacement d'origine. Comme le résume un des auteurs de l'étude, Hermann Pfefferkorn, tout "est merveilleusement préservé. Nous pouvons nous tenir là et trouver une branche avec ses feuilles encore attachées, et puis nous trouvons la branche suivante, et la suivante, et la suivante. Et enfin nous trouvons la souche du même arbre. C'est réellement excitant." Voilà, dans le diaporama ci-dessous, les premières photographies de cet éclat du passé, un herbier du temps jadis.

    Pour les chercheurs, la découverte est intéressante à plus d'un titre. Non seulement ils peuvent étudier des spécimens de plantes disparues extrêmement bien conservés mais ils ont aussi la possibilité de reconstruire tout le site en disposant les végétaux à l'emplacement exact qu'ils occupaient (tout comme, à Pompéi, on a retrouvé les hommes là où la mort les a saisis). Cela leur permet d'analyser l'écologie du lieu, d'établir les relations entre les diverses familles de plantes et, au bout du compte, de deviner à quoi ressemblait ce bout de forêt du Permien.

    Comme on peut le voir sur la vue d'artiste ci-contre réalisée à partir de l'analyse du site, on a affaire à une forêt tropicale. Il y a 300 millions d'années, Wuda se trouvait non pas au beau milieu d'un continent, comme aujourd'hui, mais sur une grande île au large de la Pangée, le super-continent de l'époque. Le sol, tourbeux, était la plupart du temps recouvert de marécages de quelques centimètres de profondeur. Formant la canopée principale à une dizaine de mètres de hauteur, des fougères arborescentes constituaient l'essentiel de la végétation. Au milieu d'elles surnageaient çà et là des sigillaires, de grands arbres filiformes pouvant dépasser les 25 mètres, et des cordaites (à gauche), sortes de conifères primitifs. Les auteurs de l'étude soulignent que si des sites plus anciens ont déjà été découverts, aucun ne se trouvait en Extrême-Orient et aucun n'a pu être aussi largement exploré que celui de Wuda. Ils ajoutent que "les flores du début du Permien sont d'une importance particulière parce qu'elles appartiennent à une époque d'oscillations climatiques passant par des transitions entre moments de glacière et moments de serre, transitions qui pourraient servir d'analogues au changement moderne et global de végétation". Une manière habile d'ancrer ce monde perdu dans les préoccupations de notre XXIe siècle.

    Pierre Barthélémy (@PasseurSciences sur Twitter)

    (Crédits photos : PNAS ; vue d'artiste : Ren Yugao.)


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  • Les ambitions démesurées d'une micro-monarchie

    LE MONDE GEO ET POLITIQUE | 25.02.12 | 14h28   •  Mis à jour le 26.02.12 | 15h33

    Doha, envoyé spécial - La scène se déroule le 23 juin 2009 dans le salon d'apparat de la mairie de Paris. Le tapis rouge est déroulé devant son Altesse Sérénissime Hamad Ben Khalifa Al-Thani, le monumental émir du Qatar. Dehors, la police parisienne est sur les dents. Des hélicoptères sillonnent le ciel de la capitale et les voies sur berge sont cadenassées. La conversation entre Bertrand Delanoë et son hôte glisse sur la boulimie d'investissements du micro-Etat qui, en l'espace de quelques mois, est entré au capital de poids lourds européens comme Porsche, Suez et la banque Barclays. Tamim, le prince héritier, fils chéri de l'émir, intervient avec un sourire sibyllin : "Il faut que vous compreniez, en ce moment nous rachetons nos chevaux aux Egyptiens et nos perles aux Indiens."

    Le Qatar : un nabot par la taille (11 500 km2) et la population (1,7 million d'habitants, dont 85 % d'expatriés), un mammouth par la force de frappe diplomatique et économique. Gavé de devises par son industrie gazière, l'une des plus performantes au monde, la presqu'île du golfe Arabo-Persique pratique une politique d'intervention tous azimuts.

    Ces derniers mois, il a non seulement raflé l'organisation de la Coupe du monde de foot 2022 et racheté le PSG, ses deux faits d'armes les plus connus en France, mais il a aussi investi un milliard de dollars (755 millions d'euros) dans des mines d'or en Grèce, pris 5 % de la banque Santander au Brésil, le plus gros établissement financier d'Amérique latine, renfloué les studios de cinéma Miramax mis en vente par Disney et placé un autre milliard de dollars dans un fonds d'investissement en Indonésie.

    Parallèlement, le Petit Poucet qatari montait au front des révolutions arabes, en envoyant ses avions de chasse Mirage et ses forces spéciales à la rescousse des rebelles libyens et en sonnant la charge contre Bachar Al-Assad, le tyran de Damas. Un activisme débordant, avec dans le rôle du porte-voix, la chaîne Al-Jazira, rouleau compresseur médiatique, à l'avant-garde de la stratégie d'influence développée par Doha.

    PLUS GRAND GISEMENT DE GAZ NATUREL

    Pour comprendre ce qui fait courir la dynastie Al-Thani, il faudrait donc, comme le soufflait Tamim, remonter à l'époque des perles et des chevaux, les deux "mamelles" historiques du pays. "Dans la psyché des Qataris, la perle est quelque chose de fondamental, explique un conseiller du maire de Paris. Il y a, chez eux, un vrai ressentiment historique, un besoin de revanche sur ces voisins, cheikhs arabes ou maharajas indiens, qui l'ont copieusement pillé." Dans les années 1980, alors jeune prince héritier, le cheikh Hamad fait une autre expérience amère. Lors d'un voyage en Europe, un douanier à l'aéroport lui agite son passeport sous le nez, goguenard : "Mais c'est où ça, le Qatar ? Ça existe vraiment ?" Mortifié, le futur émir aurait juré de faire très vite connaître son confetti de terre.

    Son arme sera le North-Dome, le plus grand gisement mondial de gaz naturel, à cheval sur les eaux territoriales du Qatar et de l'Iran. Son père, l'émir Khalifa, redoutait que la mise en valeur de cette manne n'agace justement la République islamique. Il craignait aussi de braquer l'Arabie saoudite, sourcilleux patron des micro-Etats de la péninsule.

    En 1995, à l'âge de 43 ans, l'impétueux Hamad profite d'un séjour en Suisse de son pusillanime de père pour le déposer et lancer son royaume dans un processus de modernisation à marche forcée. Instruit par les déboires du Koweït, le jumeau pétrolier du Qatar envahi par les troupes de Saddam Hussein en 1990, le jeune monarque veille à assurer ses arrières. Un an après son putsch de palais, il lance Al-Jazira. A la fois professionnelle et populiste, bête noire des rivaux du régime, comme l'Egypte de Hosni Moubarak et l'Arabie du roi Fahd qui avaient critiqué le coup d'Etat de 1995, mais beaucoup plus conciliante avec ses alliés comme la Libye de Mouammar Kadhafi -, avec qui l'émir partage une même détestation des Saoud - la nouvelle venue s'impose comme la caisse de résonance planétaire de la diplomatie de Doha.

    ÉQUILIBRISME DIPLOMATIQUE

    En 2003, nouvelle rupture : le Cheikh Al-Thani ouvre son pays au Pentagone, qui installe dans les sables du Qatar ce qui va devenir la plus grande base aérienne américaine en dehors des Etats-Unis. La tête de pont de ses opérations en Irak et en Afghanistan. Dans les années 1990, l'émir avait aussi noué un début de lien diplomatique avec Israël, pays avec lequel il restera en contact jusqu'à l'offensive de Tsahal contre la bande de Gaza, en janvier 2009.

    Soucieux de ne froisser personne, le Qatar se transforme dans le même temps en terre d'accueil des opposants islamistes aux régimes en place dans le monde arabe : du prédicateur libyen Ali Al-Salibi à l'Algérien Abassi Madani, en passant par le télé-coraniste égyptien Qaradawi et le Tunisien Rached Ghannouchi, le patron d'Ennahda, futur vainqueur des législatives tunisiennes... Sans oublier Oussama Ben Laden, l'ennemi public numéro un de l'Oncle Sam, dont les messages audio sont retransmis sur Al-Jazira. Objectif de ce jeu d'alliance à 360 degrés : tenir à bonne distance Riyad et Téhéran, et surtout s'assurer un accès ininterrompu au détroit d'Ormuz, passage obligé de ses exportations de gaz naturel liquéfié. "Le Qatar est assis sur un tas d'or mais il se sait très fragile, analyse un diplomate français. Pour continuer à exister, il a compris qu'il doit se faire connaître et reconnaître."

    Le Qatar aurait pu en rester là. Continuer son numéro d'équilibriste diplomatique tout en plaçant sa fortune dans des bons du trésor américain ou des projets immobiliers sans valeur ajoutée, comme dans l'ex-Europe de l'Est, où il achète des morceaux de ville entiers. Une stratégie de bon père de famille, avisé mais sans aucun rayonnement dans les capitales occidentales. Témoin, la morgue de Bertrand Delanoë, en 2006, lorsque le Qatar Investment Authority (QIA), bras financier de l'émirat, classé au douzième rang des fonds souverains les plus riches de la planète, avait tenté une première approche du PSG. Le maire de Paris avait fustigé "ces fonds exotiques ", allant jusqu'à émettre des doutes sur "l'origine des capitaux".

    BUSINESS ET TOUR VERTIGINEUSE

    Tout change avec la crise financière de 2007-2008. En quelques mois, les grands trésoriers de la planète se retrouvent à court de liquidités. La Russie et la Chine étant jugées infréquentables, c'est vers le Golfe que les multinationales en mal de cash choisissent de se tourner. Chance pour le Qatar, son industrie gazière arrive à maturité au même moment. Le méga-complexe de liquéfaction de Ras Laffan, à 80 km au nord de Doha, voit défiler les méthaniers. "C'est à partir de ce moment que le Qatar s'est mis à investir dans des marques prestigieuses comme Suez, Vinci ou Harrods et que sa cote s'est envolée, explique un banquier qui a travaillé pour le Palais. Sans la crise, on en serait resté à la situation de 2006."

    Le QG de cette métamorphose est situé dans une tour vertigineuse, surmontée d'un dôme de verre bleuté, qui domine la baie de Doha. La Qatar Holding, la branche du QIA en charge des investissements dans le secteur industriel, y occupe quelques étages. C'est là qu'ont afflué des dizaines de banquiers étrangers, laissés sur le carreau par la faillite de Lehman Brothers, à l'été 2008. "C'est l'une des rares institutions du pays dont les employés bossent comme des malades", sourit un familier de West Bay, le quartier des affaires de Doha.

    Un activisme qui s'explique facilement : alors que dans l'émirat voisin d'Abou Dhabi, le processus de décision est dilué entre une multitude de frères et demi-frères, au Qatar, la stratégie se décide entre quatre personnes : l'émir, son fils Tamim, de plus en plus associé à la marche du pays, une de ses épouses, la fringante Cheikha Mozah à la tête de la Qatar Foundation, et le premier ministre, Hamad Ben Jassem Al-Thani, patron du QIA. "Dans un pays normal, le business va vite et le gouvernement est lent, explique un homme d'affaires qatari. Ici, c'est le contraire. Les hommes d'affaires courent en permanence après l'autorité publique."

    SAUTER DANS LE TRAIN DES RÉVOLUTIONS ARABES

    Arrive la dernière étape de l'ascension de la start-up Al-Thani : 2011 et les "printemps arabes". Despote éclairé, le cheikh Hamad n'a pas de passion particulière pour la démocratie. Mais son désir d'être du bon côté de l'Histoire, le positionnement marketing d'Al-Jazira – "la voix des sans-voix" – et surtout, l'impuissance de ses pairs arabes qui laissent un espace à prendre, l'ont incité à sauter dans le train des révolutions. "Le Maroc est trop loin, l'Algérie trop sénile, l'Egypte paralysée par sa révolution, l'Irak enfoncée dans la crise et l'Arabie engluée dans les calculs de succession, résume un diplomate français. Il y avait un vide et les Qataris l'ont occupé." Du pur opportunisme, donc : un peu comme si la France et l'Allemagne faisaient faillite et que la Slovénie se retrouvait à piloter l'Europe.

    Combien de temps cette business-diplomatie tapageuse peut-elle encore durer ? Mise sur orbite par la volonté d'un homme et quelques accidents de l'Histoire, la fusée qatarie subira un jour ou l'autre des accidents contraires qui l'obligeront à redescendre sur Terre. Dans le monde arabe, par exemple, "l'interventionnite" du clan Al-Thani suscite une exaspération croissante.

    Venu mi-janvier assister aux célébrations du premier anniversaire de la révolution du jasmin, l'émir a été conspué par des milliers de Tunisiens qui l'ont accusé d'être le complice d'un plan américain visant à remodeler le Proche-Orient au profit du camp islamisto-sunnite incarné par les Frères musulmans égyptiens. Quelques jours plus tôt, l'émir avait été renvoyé de Mauritanie par son homologue, Mohamed Ould Abdel Aziz, ulcéré que son royal invité lui ait enjoint de dialoguer avec son opposition... islamiste.

    A force de se faire le chantre de la démocratisation, le pacha de Doha a dû annoncer des élections législatives pour 2013. Le courant ultra-conservateur salafiste, dominant dans la société qatarie, pourrait lui signifier son peu d'entrain à cohabiter en 2022 avec des supporters de foot éméchés. Sans compter les risques de coup d'Etat, une valeur sûre aux pays des perles. Conclusion de la politologue Fatiha Dazi Héni : "La famille Al-Thani est loin d'être à l'abri d'un effet boomerang."

    Benjamin Barthe
     

    Qatar

    La Qatar Airways, lors d'un salon à Dubaï. Les faits Sur Qatar Airways, on ne badine pas avec l'autorité


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