Le Costa Allegra ne devrait pas connaître le sort funeste du Costa Concordia, échoué au large de l'île du Giglio : après être resté plusieurs heures à la dérive, il a été pris en charge tôt mardi matin par un thonier français. Ce grand navire de pêche en haute mer a rejoint le Costa Allegra en cours de nuit, avant de le prendre en remorque. Direction : Mahé, la capitale des Seychelles. La destination initiale du remorquage, Desroches, a été abandonnée : un communiqué de Costa Crociere a invoqué les mauvaises conditions de sécurité et d'hébergement en cas de débarquement des centaines de passagers et membres d'équipage sur la petite île. Quand pourrait-il arriver ? Jeudi dans la matinée, alors que s'il avait été remorqué vers Desroches, le remorquage aurait été écourté d'un jour. En guise de consolation, la compagnie a remarqué dans son communiqué que les passagers arriveront de toute façon avant l'heure à laquelle doivent accoster les ferries qui font le trajet entre Desroches et Mahé...
Parti samedi de Madagascar, le bateau de croisière de 188 mètres de long, avec à son bord 636 passagers - de 25 nationalités différentes, essentiellement des Italiens, des Français et des Autrichiens - et 413 membres d'équipage, se dirigeait vers les Seychelles, et devait se rendre ensuite à Oman puis en Egypte. Mais il avait été victime d'un incendie dans la matinée de lundi, qui l'avait privé d'une grande partie de son approvisionnement électrique. Si les pompiers ont pu rapidement venir à bout des flammes, celles-ci avaient déjà endommagé les générateurs. Dès lors, plus de moyen de propulsion pour le navire ; il restait à peine suffisamment de courant, grâce aux batteries de secours, pour faire fonctionner les lumières à bord. Mais pas la climatisation, ni les cuisines. Le directeur des opérations maritimes de la compagnie, le commandant Giorgio Moretti, indiquait lundi soir que les hélices du paquebot étaient immobilisées. Un petit-déjeuner froid a été servi aux passagers ce mardi.
Incident réglé... mais il survient au mauvais moment
La situation était toutefois sans commune mesure avec le drame du Costa Concordia. Car l'incendie n'avait fait aucun blessé. Le navire étant loin des côtes, tout risque de s'échouer semblait écarté dans l'immédiat. La météo n'était pas mauvaise. Les deux principales sources d'inquiétude étaient en fait l'approvisionnement des passagers... et le risque, toujours possible, d'un acte de piraterie. Alors que le commandant du navire avait déclenché l'alarme maximum, les passagers avaient été regroupés sur les ponts supérieurs du navire. Mais pas de panique à bord : "On leur fournit du pain, de l'eau. La situation est tranquille", affirmait alors le commandant, tout en annonçant la venue dans les prochaines heures d'un hélicoptère destiné à apporter des vivres frais aux passagers, ainsi que des moyens de communications, celles-ci étant bloquées, sauf une liaison satellitaire d'urgence avec le capitaine. Le commandant avait par ailleurs indiqué qu'un groupe de neuf militaires italiens se trouvait à bord, en mission anti-piraterie "en raison de la zone dans laquelle le paquebot opère", c'est-à-dire dans l'Océan indien où les attaques de pirates sont fréquentes. Les garde-côtes italiens avaient de leur côté alerté les autorités des Seychelles qui ont "la compétence territoriale pour les opérations de secours". Il ne restait dès lors plus qu'à attendre l'arrivée des premiers navires qui s'étaient détournés de leur route dès l'annonce des ennuis du Costa Allegra.
Deux remorqueurs des autorités portuaires seychelloises doivent aussi rejoindre mardi après-midi le paquebot. Le bâtiment est actuellement aussi escorté, en alternance, par deux avions - l'un seychellois, l'autre indien. Les Seychelles accueillent plusieurs avions de surveillance étrangers, qui les aident à faire face depuis plusieurs années à des attaques de pirates somaliens. "Il n'y a pas de risque de piraterie, mais l'on n'est jamais sûr à 100%", avait déclaré lundi soir le commandant Moretti.
Ce nouvel accident d'un navire de la compagnie Costa Croisières, filiale du géant américain Carnival, survient néanmoins au plus mauvais moment pour la compagnie alors que les plaintes fleurissent de toutes parts pour le naufrage du Concordia. Rien qu'aux Etats-Unis, 39 passagers du paquebot qui ont déposé une plainte à Miami contre le croisiériste américain Carnival, réclament plus de 520 millions de dollars de dommages et intérêts, a indiqué l'avocat des naufragés. De nombreuses autres plaintes ont été déposées aussi bien en France qu'en Italie ou en Allemagne, aussi bien au civil qu'au pénal, contre le commandant du navire, d'autres officiers du Concordia et trois responsables à terre de Costa Croisières. L'association internationale des croisiéristes a présenté lundi soir ses "regrets" aux personnes affectées par l'incendie qui s'est déclaré à bord du Costa Allegra. "L'avarie du Costa Allegra ne peut se comparer avec l'échouage du Costa Concordia. Ces deux événements sont de nature très différente", a estimé Costa Croisière. Dans un communiqué, la présidente de l'association, Christine Duffy, s'est par ailleurs dite "satisfaite que l'équipage ait agi avec rapidité et professionnalisme et qu'aucun passager ou membre d'équipage ne soit blessé".