• Dernière modification : 29/03/2012 

    - Amadou Toumani Touré - Coup d'État - Mali


    Le président "ATT" affirme se trouver à Bamako, en bonne santé et libre

    Le président "ATT" affirme se trouver à Bamako, en bonne santé et libre

    Resté silencieux depuis le coup d'État militaire du 22 mars, le président malien, Amadou Toumani Touré, a affirmé par téléphone à RFI qu'il se trouvait à Bamako et qu'il n'était "pas détenu par les mutins".

    Par FRANCE 24 (texte)
     

    Silencieux depuis le coup d’État militaire qui l’a renversé le 22 mars, le président malien, Amadou Toumani Touré, dit "ATT"; a pu s’exprimer par téléphone avec Radio France international (RFI). Il affirme sans plus de précisions se trouver au Mali, libre, sain et sauf. 

    "Je me porte très bien. La seule chose qui me manque c'est un peu de sport. Mais je me porte très bien et ma famille aussi, a-t-il déclaré à RFI. Je ne suis pas détenu par les mutins. Je suis libre dans mon pays." Président du Mali depuis près de 10 ans, ATT a été renversé par une junte militaire, le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'État (CNRDRE), qui lui reproche son laxisme face à la rébellion touarègue qui sévit dans le nord du pays. 

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    Amadou Toumani Touré : "Le plus important est de trouver une sortie de crise"
     

    "[Le 22 mars], j’ai passé toute la journée sous les canons, raconte-t-il. Canons de chars, canons de véhicules blindés, toutes sortes de tirs étaient concentrés sur mon bureau, sur mon domicile et sur ma famille. Et aux dires de certains, il ne reste plus rien, tout est calciné."

    Lors de la prise du pouvoir par l’armée, le chef de l'État malien assure avoir empêché la garde présidentielle d’intervenir. "En aucune manière, je ne souhaite que des soldats de l'armée malienne tirent sur d'autres soldats de l'armée malienne, explique-t-il. Pour moi qui suis aussi soldat et officier de cette armée, vous pouvez imaginer que je n'aurais jamais souhaité des affrontements entre les forces armées uniquement pour protéger un homme." Et d’ajouter : "Le plus important aujourd'hui, c'est d'en appeler à l'unité, c'est d'en appeler à la cohésion pour faire face à tous les défis qui attendent le pays."

     
    Par Melissa BELL, envoyée spéciale à Bamako

    "La démocratie malienne, citée en exemple"

    La communauté internationale a unanimement condamné le coup d’État. La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), réunie, mardi, en sommet extraordinaire à Abidjan, a suspendu le Mali de ses instances. Les pays membres ont également affirmé qu’ils envisageaient "toutes les options" pour rétablir l’ordre constitutionnel à Bamako. Une délégation de quatre chefs d’État africains, menée par le président de la Cédéao, l’Ivoirien Alassane Ouattara, doit se rendre vendredi à Bamako. 

    "J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les conclusions du sommet de la Cédéao, a affirmé Amadou Toumani Touré. Je souscris entièrement aux propositions faites par les chefs d’État pour une sortie de crise dans notre pays. Cela s'entend par le retour à l'ordre constitutionnel normal […] Cela passe aussi par la remise en place des institutions de la République qui ont été démocratiquement élues par le peuple souverain du Mali […] Ce qui est important c'est la démocratie, c'est les institutions, et c'est le Mali."

    Amadou Toumani Touré : "J'ai passé la journée sous les tirs de canon"
     

    Refusant de dire s’il se considère ou pas président du Mali, Touré s’est dit "disponible et surtout compréhensif pour toute solution allant dans le sens de l’apaisement et de la sauvegarde de la démocratie malienne, citée en exemple". 

    Pour lire et écouter l’intégralité de l’interview, cliquez ici. 

     


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    Une marée humaine défile dans l'Espagne en grève

    Le Monde.fr avec AFP | <time datetime="2012-03-29T06:40:24+02:00" itemprop="datePublished">29.03.2012 à 06h40</time> • Mis à jour le <time datetime="2012-03-29T23:23:29+02:00" itemprop="dateModified">29.03.2012 à 23h23</time>

     
    <figure class="illustration_haut"> L'Espagne a vécu au ralenti, jeudi 29 mars, du fait d'une grève générale contre la réforme du travail et la politique d'austérité du gouvernement de droite. </figure>

    L'Espagne a vécu au ralenti, jeudi 29 mars, du fait d'une grève générale contre la réforme du travail et la politique d'austérité du gouvernement de droite, qui présente vendredi un budget 2012 marqué par de nouvelles coupes, sous l'œil inquiet de Bruxelles. La grève générale, à l'appel des grands syndicats, Comisiones Obreras (CO) et UGT, a été ponctuée de manifestations.

    Portant de petites pancartes où étaient dessinés des ciseaux, symbole des réductions budgétaires, cent mille manifestants au moins ont parcouru les avenues du centre de Madrid. Les syndicats ont annoncé près de un million de personnes, le quotidien El Pais cent soixante-dix mille.

    Dans le cortège, José Luis Rodriguez, commercial de 35 ans dans le secteur automobile, expliquait qu'il avait fait le choix de perdre une journée de salaire pour défendre ses droits, en faisant grève pour la première fois de sa vie. "Cette journée va me coûter 60 euros, c'est peu en comparaison de ce qu'ils risquent de me prendre demain avec la réforme, ils peuvent me jeter à la rue", lançait-il. "Ils attaquent les droits des travailleurs, si nous ne sortons pas dans les rues, ils ne sauront pas que nous sommes contre la réforme."

    VIOLENCES À BARCELONE

    Les manifestants, évalués à huit cent mille par les syndicats, à dix fois moins par la police, défilaient aussi à Barcelone, la deuxième ville du pays, où des violences ont éclaté entre policiers et groupes de jeunes. "La police a dû intervenir et a utilisé des balles en caoutchouc" face à un "groupe assez important" qui a provoqué "des incidents violents", a déclaré un porte-parole du ministère de l'intérieur régional. Des images de la télévision catalane ont montré des groupes de jeunes brûlant des conteneurs à ordures et faisant face aux policiers antiémeutes, casqués. Ces derniers ont tiré plusieurs balles en caoutchouc, visant le sol.

    <figure class="illustration_haut"> A Barcelone, des violences ont éclaté entre policiers et groupes de jeunes. </figure>

    Les incidents de Barcelone ont été les plus violents, mais des heurts ont également éclaté dans d'autres villes, comme à Séville et à Madrid durant les premières heures de la grève. Au total, cent soixnte-seize personnes ont été interpellées, cinquante-huit policiers et quarante-six manifestants ou grévistes ont été blessés à travers le pays, selon le ministère de l'intérieur.

    Partout ailleurs, la mobilisation était forte, avec cinquante mille personnes à La Corogne selon la police, vingt-cinq mille à Saint-Jacques de Compostelle, selon les syndicats, entre soixante-douze mille et quatre cent mille dans toute l'Andalousie, entre trente-cinq mille et deux ent cinquante mille à Valence, selon les estimations.

    Agitant des drapeaux rouges et des pancartes avec les mots "Réforme du travail, non", les grévistes s'étaient installés tôt le matin aux portes des usines, des marchés de gros de Madrid et de Barcelone, des banques ou des stations de transports en commun, placardant des affichettes annonçant : "Fermé pour cause de grève". "J'espère que cette manifestation servira à quelque chose, que la réforme sera modifiée, aujourd'hui le licenciement est presque gratuit", s'indignait Maria José Velasco, une vendeuse au chômage de 38 ans.

    Les syndicats dénoncent cette réforme approuvée le 11 février par le gouvernement et destinée à combattre un chômage record, à 22,85 % des actifs. Pour eux, son seul effet sera d'aggraver le fléau, alors que le gouvernement lui-même prévoit la destruction de six cent trente mille emplois en 2012 et un chômage à 24,3 % en fin d'année. "C'est la juste réponse à une réforme brutale de notre marché du travail", a expliqué Ignacio Fernandez Toxo, secrétaire général des CO.

    Cette grève générale est la sixième depuis le rétablissement des libertés syndicales, en 1977. La précédente remonte au 29 septembre 2010, sous le gouvernement socialiste.

    ÉLÈVE TURBULENT DE LA ZONE EURO

    L'impact de la grève semblait avoir été limité par l'accord de service minimum conclu entre syndicats et pouvoirs publics, sans compter le souci de nombreux Espagnols de ne pas perdre une journée de salaire dans un contexte de rigueur. A Madrid, 30 % en moyenne des métros et des bus devaient circuler. Dans le reste du pays, 30 % des trains régionaux étaient prévus, de même que 20 % des trains nationaux.

    Les compagnies aériennes Iberia, Air Nostrum et Vueling ont, elles, annulé en moyenne 60 % de leurs vols. Outre les services publics, les industries métallurgiques et automobiles semblaient les plus touchées par les arrêts de travail. Des lieux touristiques, comme l'Alhambra de Grenade ou le Musée Picasso de Barcelone, sont restés fermés.

    Cent jours après l'arrivée au pouvoir du gouvernement de Mariano Rajoy, les nuages s'amoncellent sur l'Espagne, qui fait désormais figure d'élève turbulent de la zone euro : retour à la récession, exaspération sociale grandissante, dérapage budgétaire à hauts risques et chômage galopant.

    La grève arrive ainsi au pire moment : sous l'œil de ses partenaires européens, inquiets de l'état des finances publiques du pays, le Conseil des ministres doit présenter vendredi le budget 2012, marqué par des coupes sévères. L'objectif de ce budget, qualifié d'"austère" par Mariano Rajoy lui-même, est de réduire à 5,3 % du PIB en fin d'année le déficit public, après un dérapage jusqu'à 8,51 % en 2011, au prix de lourds sacrifices sociaux.

    </article>

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  • <article class="article article_normal" itemscope="" itemtype="http://schema.org/NewsArticle">

    Procès DSK vs Diallo : la question d'une "immunité diplomatique" domine la première audience

    Le Monde.fr | <time datetime="2012-03-29T08:03:05+02:00" itemprop="datePublished">29.03.2012 à 08h03</time> • Mis à jour le <time datetime="2012-03-29T10:47:28+02:00" itemprop="dateModified">29.03.2012 à 10h47</time>

    <figure class="illustration_haut"> La question d'un arrangement financier est très prématurée aux yeux de Kenneth Thompson, avocat de la femme de chambre. </figure>

    Plus d'une heure pour les avocats de Dominique Strauss-Kahn, moins de 45 minutes pour ceux de Nafissatou Diallo. Mercredi 28 mars à la Cour suprême du Bronx, le juge Douglas McKeon a semblé bien plus intrigué par l'argumentaire des défenseurs de DSK tentant de faire valoir l'immunité absolue de leur client que ceux de l'ex-femme de chambre de l'hôtel Sofitel de New York arguant du bien-fondé de sa plainte.

    Mme Diallo, qui affirme avoir été agressée par l'ex-directeur du Fonds monétaire international (FMI) le 14 mai 2011 a, après l'abandon des poursuites de la procédure pénale à New York (suite à ses dépositions jugées contradictoires), déposé une plainte au civil dont la première audience se tenait mercredi. L'objet : valider ou non le bien-fondé de cette action.

    DES ARGUMENTS UN BRIN ALAMBIQUÉS

    Pour défendre DSK : quatre avocats, une valise pleine de documents et des arguments juridiques, techniques, subtils et parfois aussi un brin alambiqués. Amit Mehta, l'un des représentants de M. Strauss-Kahn, a pris la parole le premier, expliquant que son client devait bénéficier d'une convention des Nations unies datant de 1947. Une disposition qui accorde l'immunité diplomatique aux dirigeants de certains organismes spécialisés, qu'ils aient ou non agi en mission officielle lors des faits.

    Même si les Etats-Unis n'ont jamais signé cette convention, ce texte, a estimé l'avocat, a le statut de "loi internationale d'usage", ce qui signifie qu'il doit être appliqué même par les pays qui ne l'ont pas explicitement ratifié, comme l'a précisé Reuters.

    "AU CIVIL, TOUT EST QUESTION D'ARGENT"

    Pour Douglas Wigdor, l'un des avocats de Mme Diallo, toute cette démonstration n'est rien d'autre qu'une tentative désespérée visant à reculer encore et toujours le démarrage du procès. Si M. Strauss-Kahn disposait d'une immunité grâce à sa fonction de directeur du Fonds monétaire international au moment des faits, pourquoi n'a-t-il pas ouvert la bouche lorsque les policiers l'ont menotté en mai à New York , a-t-il d'abord argué ? Cette immunité accordée par le FMI peut-elle être réclamée à titre personnel ? En clair, peut-elle permettre à un homme de se dérober à la justice alors qu'elle vise à protéger une organisation ?

    Le juge devrait rendre une décision d'ici à une dizaine de jours pour déterminer si cette première audience serait aussi la dernière. Si cela ne devait pas être le cas, si les plaidoiries de fond devaient commencer, William Taylor n'a pas manqué de glisser qu'un arrangement financier "à l'amiable", certes pas encore à l'ordre du jour, n'était pas impossible. "Mme Diallo a sans doute envie d'être plus riche qu'elle ne l'est aujourd'hui (...) Au civil, tout est question d'argent", a-t-il lâché. La question est très prématurée aux yeux de Kenneth Thompson, avocat de la femme de chambre, prêt à se battre. "Ma cliente souffre. On ne l'abandonnera pas", a-t-il assuré.

    </article>

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    La victime et la preuve du harcèlement moral

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    2e volet consacré au harcèlement en droit du travail (cliquez ici pour lire l’article consacré à la détermination de la victime de harcèlement en droit du travail).

    Le principe en droit français est que celui qui se prétend lésé doit en apporter la preuve. Aux termes de l’article 1315 alinéa 1er du code civil, “Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver“. L’article 9 du code de procédure civile énonce qu’« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». La charge de la preuve incombe au demandeur.

    En droit du travail, ce principe prend une tournure parfois délicate pour le salarié qui, placé dans un lien de subordination vis-à-vis de son employeur, n’est pas toujours en mesure d’apporter une preuve à l’appui de ses prétentions. Par exemple, comment obtenir le témoignage de collègues eux-mêmes placés sous un lien de subordination? S’attirer la sympathie de couloir des collègues avec qui on travaille ou on a travaillé est une chose, obtenir des attestations en est une autre. Même si la loi les protège (article L. 1152-2 du Code du travail), les gens ont peur de perdre leur emploi en apportant leur concours.

    En matière de harcèlement moral, on est en face d’une difficulté supplémentaire car ce type de harcèlement a un aspect subjectif. La difficulté de caractériser l’existence d’un harcèlement moral peut même tenir au fait que la victime ne comprend pas pleinement la situation de danger dans laquelle elle est enfermée. Comme la situation de harcèlement moral perdure dans le temps[1] et que les moyens employés sont multiples, la victime peut percevoir la situation dans laquelle elle se trouve comme revêtant une certaine normalité, même si cette “normalité” la met dans un état de stress avancé. Le sentiment d’être une victime est associé à celui de culpabilité, de peur et de déni de soi. Le salarié qui doute de ses capacités professionnelles est moins enclin à détecter une situation de harcèlement moral.

    Conscient de ces difficultés, le législateur a aménagé la preuve du harcèlement au civil en faveur de la victime (Article L.1154-1 du code du travail). La victime doit rapporter des éléments de fait permettant de présumer l’existence d’un harcèlement, comme par exemple, des témoignages, des certificats médicaux, des notes de service, des messages électroniques envoyés soit par le biais d’un ordinateur, soit d’un téléphone etc. Ces éléments doivent être précis et concordants et doivent être examinés dans leur ensemble par le juge (Cass. soc. 29 septembre 2011, pourvoi n°09-43218). Tout salarié qui a un doute sur sa situation devrait avoir le réflexe de tout consigner par écrit et de ne jamais supprimer un mail ou jeter une note ayant un caractère agressif ou harcelant car c’est l’accumulation de toutes ces petites choses qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et pas seulement une saute d’humeur passagère ou un coup de stress ponctuel.

    Dans un arrêt du 29 septembre 2011 (pourvoi n°10-12722) , la Cour de cassation a considéré que la production par une salariée se disant victime d’un harcèlement moral de la lettre de licenciement de sa supérieure hiérarchique mentionnant “nous vous notifions votre licenciement motivé par votre attitude générale incompatible avec les fonctions d’une directrice de région, qu’en réponse aux questions et attentes de votre équipe, vous avez adopté un comportement agressif et dévalorisant qui se traduisait, notamment, par la profération de propos tels que «vous me faites chier», «cela ne pourra jamais marcher avec vous car je ne vous ai pas choisis et je ne vous ai donc pas formés à mon image», de déresponsabilisation, notamment en invitant régulièrement les délégués pharmaceutiques à s’adresser à la direction, que vos pratiques managériales, non conformes aux valeurs de notre entreprise, se traduisaient non seulement par des propos dévalorisants et vulgaires (“C’est un travail de merde”, «Sortez-vous les doigts du cul et “allez bosser”») mais aussi par l’instauration d’une mauvaise ambiance de travail au sein de votre équipe” caractérise un élément de fait laissant présumer l’existence d’un harcèlement.

    Il appartient ensuite à la personne accusée de harcèlement d’apporter la preuve que les agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement[2]. Au vu de tous ces éléments, le juge doit former sa conviction sur l’existence ou non d’une situation de harcèlement. Un tribunal, saisit d’une demande en dommages-intérêts introduite par un salarié se prétendant être la victime d’un harcèlement moral, peut d’ailleurs prendre en compte des sanctions disciplinaires amnistiées pour prouver son préjudice[3]. L’existence d’un nombre très important de sanctions disciplinaires peut prouver l’acharnement de l’employeur contre la victime.

    La reconnaissance d’une situation de harcèlement était laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond. Jusqu’à récemment, la Cour de cassation refusait de contrôler la qualification que les juges du fond donnaient aux faits présentés par la victime[4], même si, elle semblait apprécier « indirectement la qualification opérée (…) en vérifiant la pertinence de leur motivation sur les circonstances révélatrices de la gravité des agissements constitutifs du harcèlement moral[5] » de la victime. Par quatre arrêts du 27 octobre 2008, la Cour de cassation a marqué une évolution, en précisant la méthode à suivre par les juges du fond pour rechercher la preuve de l’existence d’un harcèlement dont le salarié se prétend être victime. Le salarié qui s’estime victime doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer une situation de harcèlement, à charge pour le juge de vérifier si les éléments sont établis[6]. Il y a donc, dans un premier temps,  un contrôle sur la preuve des faits invoqués par le salarié se prétendant être la victime d’un harcèlement[7]. Dans l’hypothèse où les faits sont établis, il appartient au juge de déterminer si ces éléments laissent présumer une situation de harcèlement, à charge pour la Cour de cassation « d’exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis n’étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral[8] ». L’employeur doit prouver que « ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement[9] ». Dans l’une des espèces ayant donné lieu à ce principe, les agissements de l’employeur étaient justifiés par la situation économique de l’entreprise et la nécessité de sa réorganisation. A l’instar de la chambre criminelle de la Cour de cassation[10], la chambre sociale s’engage donc sur la voie du contrôle de la qualification des éléments constitutifs d’un harcèlement qu’il soit moral ou sexuel. Ce contrôle devrait avoir pour effet d’unifier la jurisprudence divergente des juges du fond sur la question du harcèlement[11], à l’avantage ou au détriment de la victime, selon la philosophie de la juridiction devant laquelle la demande était formulée, mais certainement au bénéfice du sentiment d’équité, même si en réalité, très peu d’affaires vont en cassation. Ce contrôle devrait avoir pour effet de donner un cadre même s’il n’en résulte pas de réelle unification jurisprudentielle. En tout état de cause, depuis l’adoption de cette ligne jurisprudentielle, la Cour de cassation est venue préciser à différentes occasions si les situations présentées à elles pouvaient être qualifiées ou non de harcèlement moral[12].


    [1] Même si la Cour de cassation a récemment décidé que la période harcelante n’avait pas besoin d’être longue Cass. soc. 26 mai 2010, préc.

    [2] Art. L. 1154-1 du Code du travail.

    [3] Cass. Avis 21 décembre 2006, Bull. 2006 avis, n°12, p. 17, Dr. Soc. 2007, p. 653, note J. Savatier ; Droit du travail : les arrêts décisifs 2006-2007, p. 85. Arrêt préc.

    [4] Cass. soc. 27 octobre 2004 : Bull. civ. V, n°267 p. 243 ; Dr. Soc. 2005, p.100, obs. C. Roy-Loustaunau ; SS Lamy, N°1193, p. 11 ; Liaisons sociales, jurisp., n°895, p. 2 ; Cass. soc. 23 novembre 2005 ; Dr. Soc. 2006, p. 229, obs. J. Savatier. A l’inverse sur le contrôle exercé par la Chambre criminelle, cass. crim. 21 juin 2005 : Bull. crim., n° 187 p. 661.

    [5] C. Roy-Loustaunau, à propos de Cass. soc. 27 octobre 2004, Dr. Soc. 2005, p.101.

    [6] Cass. soc. 24 septembre 2008, Guérin, pourvoi n° 06-45579: Bull. civ. V, n°175 ; Dr. Soc. 2009, p. 59 ; J. Savatier, A propos du contrôle de la Cour de cassation sur les décisions judiciaires en matière de harcèlement moral, Dr. Soc. 2009, p. 57 ; P. Adam, La Chambre sociale de la Cour de cassation exerce son contrôle sur la qualification de harcèlement moral : un revirement, pourquoi pas, pourquoi faire ?, Dr. Ouv. 2008, p. 545.

    [7] J. Savatier, A propos du contrôle de la Cour de cassation sur les décisions judiciaires en matière de harcèlement moral, Dr. Soc. 2009, p. 58.

    [8] Cass. soc. 24 septembre 2008, Amblard c/ RATP, pourvoi n° 06-45747 et 06-45794: Bull. civ. V, n°175 ; Dr. Soc. 2009, p. 61 ; J. Savatier, A propos du contrôle de la Cour de cassation sur les décisions judiciaires en matière de harcèlement moral, Dr. Soc. 2009, p. 57 ; P. Adam, La Chambre sociale de la Cour de cassation exerce son contrôle sur la qualification de harcèlement moral : un revirement, pourquoi pas, pourquoi faire ?, Dr. Ouv. 2008, p. 545.

    [9] Cass. soc. 24 septembre 2008, Bourdin, pourvoi n° 06-43504 : Bull. civ. V, n°175 ; Dr. Soc. 2009, p. 60 ; J. Savatier, A propos du contrôle de la Cour de cassation sur les décisions judiciaires en matière de harcèlement moral, Dr. Soc. 2009, p. 57 ; P. Adam, La Chambre sociale de la Cour de cassation exerce son contrôle sur la qualification de harcèlement moral : un revirement, pourquoi pas, pourquoi faire ?, Dr. Ouv. 2008, p. 545

    [10] Cass. crim. 21 juin 2005 : Bull. crim. n° 187 p. 661.

    [11] A. Martinel, Conseiller référendaire à la Cour de cassation, Harcèlement moral et contrôle de la Cour de cassation, SS Lamy, 29 septembre 2008, p. 6.

    [12] Doit par exemple recevoir la qualification de harcèlement moral, « l’acharnement de l’employeur » caractérisé par « la succession de procédures de licenciement exercées à l’encontre » de la victime ainsi que la diminution de ses responsabilités. Dans cette espèce, il s’agissait d’une attitude discriminatoire et de harcèlement moral vis-à-vis d’un salarié protégé. Cass. soc. 19 mai 2009, pourvoi n° 07-41084.


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  • A lire dans L’Express : une enquête sur les relations entre les élus et Midi-Libre

    Publié le28 mars 2012
     

    Signé Jacques Molénat, le dossier de 14 pages sur « Le vrai pouvoir de Midi-Libre » est une enquête passionnante dans les coulisses du groupe de presse régional. Elle est publiée par L’Express, dans un supplément diffusé en Languedoc-Roussillon.

    L’enquête s’ouvre sur un sujet sensible, un sujet tabou, les relations financières avec les notables : « Si les élus languedociens traitent Midi-Libre avec révérence, ils disposent aussi d’un levier d’influence : la publicité de leurs collectivités, dont le quotidien a un besoin vital. »

    Nous sommes bien sûr très heureux de voir l’importance accordée  à ce sujet que nous traitons depuis des années. Le voilà mis au grand jour.

    Jacques Molénat.

    Il n’est pas surprenant que Midi-Libre minore le poids des collectivités territoriales, qu’il estime à 10 % de ses recettes publicitaires annuelles, soit 5 millions de francs dont 1 million d’euros du conseil régional. Ce qui est déjà considérable.

    montpellier-journal.fr avait, en 2010, enquêté sur les achats d’espace de la Région dans la presse et avait publié des chiffres précis et vérifiés. Sur la seule année 2009, près de 1,7 millions d’euros étaient allés dans les caisses de Midi-Libre. Sans compter les énormes campagnes d’organismes alimentés par des crédits du conseil régional, comme Sud de France.

    Si l’on ajoute l’achat d’espace des conseils généraux et des organismes qu’ils financent, comme les comités départementaux du tourisme ou les organisations de promotion viticole. Plus toutes les mairies de la région qui communiquent dans les pages du quotidien régional, les collectivités territoriales dépasse allègrement les 5 millions d’euros et les 10 % des recettes publicitaires du titre.

    Jacques Molénat raconte qu’à l’époque où Jacques Blanc présidait la région, il agitait la menace de fermer le robinet publicitaire. Son successeur, Georges Frêche, est lui passé aux actes. Son successeur nous avait déjà montré dans les P-O de quoi il était capable. Qui a dit qu’il manquait un gêne à la gauche, celui de la démocratie.

    Interrogé sur ses relations avec le Midi-Libre, Bourquin ne va pas avouer qu’il met des millions pour avoir la paix, mais son propos est transparent.  Il dit qu’il a fait la grimace en lisant l’enquête sur l’appel d’offres de “lordi“. Mais il a trouvé que le compte-rendu de son procès était « correct ». Et pour cause. Midi-Libre ne l’a pas couvert, il a fait un papier insipide d’après la dépêche de l’AFP. Cela parait incroyable. Mais on en est arrivé là ! L’élu le plus important de la région, qui plus est un parlementaire comparait devant un tribunal correctionnel pour favoritisme dans un marché public et le quotidien régional minimise, banalise un évènement de première importance. Après cela  ne nous étonnons pas que les journalistes atteignent le même niveau de discrédit que les hommes politiques.

    Coup de chapeau à Robert Navarro, le sénateur numéro 2 du conseil régional, qui déclare : « Quand au poids de la publicité institutionnelle des collectivités territoriales, j’ai une idée pour garantir la liberté des journaux. Il n’est pas sain que cette manne publique soit laissée au bon vouloir des élus. Un organisme national pourrait se charger de la percevoir et de la répartir au prorata de la diffusion des titres ». Fragilisé par ses problèmes judiciaires, le sénateur dont l’immunité parlementaire a été levée n’a peut-être plus tout le crédit pour proposer un projet de loi. Sa proposition n’en est pas moins excellente. Un élu autrefois condamné dans l’exercice de son mandat est devenu un membre actif d’Anticor. Souhaitons que Robert Navarro, qui lui n’a pas encore été jugé, suive la même voie.

    L’article suivant est consacré à la situation économique, particulièrement difficile du groupe de presse qui est la propriété de Sud-Ouest. On y apprend beaucoup. Le papier sur l’histoire de Midi-Libre est également très documenté. Et le dossier se termine sur les aventures d’un  « couple explosif », Georges Frêche et le Midi-Libre. Le tout est raconté avec quantité de témoignages et d’anecdotes.

    Comme toujours, Jacques Molénat instruit son affaire à charge et à décharge. Mais au final le lecteur va beaucoup en apprendre sur les relations entre les politiques et le Midi-Libre. Il verra que l’argent joue un rôle essentiel qui pollue gravement l’information et la démocratie.

    Il n’y pas de liberté, pas de citoyenneté réelle possible sans une information indépendante du pouvoir. Il faudrait donc retirer aux élus les moyens d’inféoder la presse.

    Si l’argent public était équitablement réparti entre les titres, cela stimulerait le pluralisme et permettrait d’en finir avec le deuxième grand mal de l’information régionale qu’est la domination d’une entreprise de presse dans quasiment toutes les régions de France, sauf Paris où se trouvent les titres nationaux. Une absence de concurrence qui tire les contenus vers le bas.

    Saluons, une fois encore, l’entreprise d’information de Jacques Molénat et de L’Express.

    Tout cela est raconté avec quantité de témoignages et d’anecdotes savoureuses.

    Interrogé sur ses relations avec le Midi-Libre, Bourquin ne va pas avouer qu’il met des millions pour avoir la paix, mais son propos est transparent.  Il dit qu’il a fait la grimace en lisant l’enquête sur l’appel d’offres de “lordi“. Mais il a trouvé que le compte-rendu de son procès était « correct ». Et pour cause. Midi-Libre ne l’a pas couvert, il a fait un papier insipide d’après la dépêche de l’AFP. Cela parait incroyable. Mais on en est arrivé là ! L’élu le plus important de la région, qui plus est un parlementaire comparait devant un tribunal correctionnel pour favoritisme dans un marché public et le quotidien régional minimise, banalise un évènement de première importance. Après cela  ne nous étonnons pas que les journalistes atteignent le même niveau de discrédit que les hommes politiques.

    Coup de chapeau à Robert Navarro, le sénateur numéro 2 du conseil régional, qui déclare : « Quand au poids de la publicité institutionnelle des collectivités territoriales, j’ai une idée pour garantir la liberté des journaux. Il n’est pas sain que cette manne publique soit laissée au bon vouloir des élus. Un organisme national pourrait se charger de la percevoir et de la répartir au prorata de la diffusion des titres ». Fragilisé par ses problèmes judiciaires, le sénateur dont l’immunité parlementaire a été levée n’a peut-être plus tout le crédit pour proposer un projet de loi. Sa proposition n’en est pas moins excellente. Un élu autrefois condamné dans l’exercice de son mandat est devenu un membre actif d’Anticor. Souhaitons que Robert Navarro, qui lui n’a pas encore été jugé, suive la même voie.

    L’article suivant est consacré à la situation économique, particulièrement difficile du groupe de presse qui est la propriété de Sud-Ouest. On y apprend beaucoup. Le papier sur l’histoire de Midi-Libre est également très documenté. Et le dossier se termine sur les aventures d’un  « couple explosif », Georges Frêche et le Midi-Libre.

    Comme toujours, Jacques Molénat instruit son affaire à charge et à décharge. Mais au final le lecteur va beaucoup en apprendre sur les relations entre les politiques et le Midi-Libre. Il verra que l’argent joue un rôle essentiel qui pollue gravement l’information et la démocratie.

    Il n’y pas de liberté, pas de citoyenneté réelle possible sans une information indépendante du pouvoir. Il faudrait donc retirer aux élus les moyens d’inféoder la presse.

    Si l’argent public était équitablement réparti entre les titres, cela stimulerait le pluralisme et permettrait d’en finir avec le deuxième grand mal de l’information régionale qu’est la domination d’une entreprise de presse dans quasiment toutes les régions de France, sauf Paris où se trouvent les titres nationaux. Une absence de concurrence qui tire les contenus vers le bas.

    Saluons, une fois encore, l’entreprise d’information de Jacques Molénat et de L’Express.


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