En matière de fraude fiscale, la police grecque peut agir avec célérité. Une quinzaine de policiers ont arrêté, puis relâché, dimanche 28 octobre, le journaliste Kostas Vaxevanis, non parce qu'il a fait passer de l'argent à l'étranger, mais pour avoir publié une liste de Grecs ayant un compte en Suisse. Un mandat d'arrêt avait été lancé la veille, juste après la sortie du magazine Hot Doc, pour violation de la loi sur la publication de données privées.
La liste, contenant plus de 2 000 noms, est présentée comme la "liste Lagarde", qui agite la Grèce depuis plusieurs semaines. Christine Lagarde, alors ministre de l'économie française, avait remis en octobre 2010 à son homologue Georges Papaconstantinou, un CD-Rom contenant une liste de Grecs ayant un compte à la banque HSBC. La liste provient des mêmes fichiers que le document brandi en 2009 à la télévision par l'ancien ministre du budget Eric Woerth.
Les responsables politiques grecs n'ont pas montré le document à la télévision, et donnent plutôt l'impression de l'avoir rangé au fond d'un tiroir. M. Papaconstantinou avait assuré avoir demandé à la brigade financière, la SDOE, d'enquêter sur les titulaires des vingt plus gros comptes présents sur la liste. Son successeur, Evangelos Venizélos, a remis à la justice début octobre une clé USB contenant la fameuse liste, assurant qu'il ne l'avait jamais regardée. Et l'actuel ministre des finances, Iannis Stournaras, ne peut trouver le CD-Rom originel dans son ministère.
"ARRÊTER LA VÉRITÉ"
Fin septembre, les Grecs, qui s'apprêtent à subir de nouvelles baisses de salaires et de retraites, découvraient, médusés, que cette liste de 2 000 fraudeurs potentiels n'avait finalement pas fait l'objet de la moindre enquête. La SDOE avait fait valoir que les origines de la liste ne permettaient pas son exploitation par la justice : elle a été fournie à la justice française par un ancien employé de HSBC, poursuivi pour vol par la banque.
Le journal Hot Doc avertit que le fait d'avoir un compte en Suisse ne signifie pas forcément que les gens ont fraudé le fisc. La liste contient les noms de nombreux hommes d'affaires, de chirurgiens, de dentistes, et de quelques hommes politiques, parmi lesquels un ancien ministre du gouvernement conservateur de Costas Karamanlis (2004-2009). "Au lieu d'arrêter les voleurs et les ministres violant la loi, ils veulent arrêter la vérité", a commenté Kostas Vaxevanis sur son compte Twitter samedi soir.