Paris (AFP) - Les tractations pour la constitution des listes ont débuté lundi au lendemain du premier tour des élections municipales marqué par une abstention record, la percée du Front national et un lourd désaveu de la politique de François Hollande.
En boudant les urnes, avec un taux de 38,72% d'abstention jamais vu pour ce type de scrutin, les Français ont exprimé leur défiance à l'égard de la politique du chef de l'Etat et relancé les spéculations sur un remaniement du gouvernement qui pourrait intervenir sitôt passé le second tour. Une très forte majorité de Français (79%) sont favorables à un tel remaniement, selon un sondage BVA.
Signe de la gravité de la situation, François Hollande a décidé de rentrer dans la soirée à Paris du sommet international de La Haye où il avait prévu de rester jusqu'à mardi. Avant son départ pour La Haye, il s'était entretenu avec le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
Bousculés par le FN dans certaines villes, l'UMP et ses alliés de l'UDI bénéficient du mécontentement des Français. La gauche, en forte baisse, prend une véritable gifle. Selon des résultats consolidés du ministère de l'Intérieur, la droite obtiendrait 46,54% des voix au premier tour, la gauche 37,74% et le FN, qui ne présentait pas des listes partout, 4,65%.
"C'est un choc", a déclaré Hélène Conway-Mouray, ministre des Français de l'étranger, en marge de la réunion du Bureau national du PS.
Pour autant, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a déclaré lundi matin qu'elle ne croyait pas à un "changement" de politique gouvernementale. "Je crois au contraire que ce qui fera la force de ce gouvernement, c'est de tenir le cap", a-t-elle déclaré sur France 2.
Les deux symboles de ce désaveu sont la victoire surprise, dès dimanche, du frontiste Steeve Briois à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). Et le revers, à Marseille, du socialiste Patrick Mennucci, en 3e position avec seulement 20,77% des voix, loin derrière l'UMP Jean-Claude Gaudin, dans l'une des villes que le PS espérait ravir à la droite. M. Mennucci est même distancé par le FN Stéphane Ravier (23,16%).
A Paris en revanche, le suspens demeure: Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) a obtenu 35,64% des voix devant Anne Hidalgo (PS), 34,4%, mais ses listes sont distancées dans deux arrondissements gros pourvoyeurs de conseillers de Paris. PS et EELV (8,86%) ont d'ores et déjà décidé de fusionner leurs listes au terme d'un accord qui prévoit 18 postes de conseillers de Paris aux écologistes. Concernant le Parti de gauche, les discussions avec le PS ont en revanche tourné court. NKM a de son côté engagé des négociations pour réintégrer des dissidents UMP ou DVD.
- Scores supérieurs aux prévisions -
En réalisant des scores supérieurs aux prévisions, le FN qui peut déjà imposer des triangulaires au second tour dans une centaine de villes de plus de 30.000 habitants se vante d'avoir fait voler en éclats le bipartisme droite-gauche.
"Nous avons déjà 472 conseillers municipaux rien qu'après le premier tour, 102 conseillers communautaires et nous serons présents dans 315 seconds tours dimanche. C'est plus qu'un pari réussi", a estimé lundi le vice-président du FN, Florian Philippot, avant la réunion du bureau exécutif .
Le nombre définitif de ces triangulaires ne sera connu que mardi après 18H00, date limite du dépôt des candidatures au second tour. Dans 77 villes de plus de 30.000 habitants, quatre candidats peuvent même se maintenir. A Bagnolet, six listes peuvent être présentes.
Les électeurs de droite se sont dans l'ensemble plus mobilisés, au premier tour, que ceux de gauche. Pour limiter les dégâts au second, la gauche devra bénéficier d'un sursaut des abstentionnistes en sa faveur. Elle peut, également, sauver des villes grâce à des triangulaires avec le FN, comme à Reims ou Strasbourg.
L'heure est donc à la mobilisation.
A gauche, le PS a appelé les électeurs à faire barrage au FN. Harlem Désir, le premier secrétaire du PS, a affirmé que son parti, Europe Ecologie-Les Verts et le PCF avaient "décidé du rassemblement le plus large" possible pour le second tour.
Il a annoncé le retrait des listes PS à Saint-Gilles (Gard) et également à Tarascon... où le PS n'était pas qualifié pour le second tour (6,43%). Il s'agit en fait d'un "appel à voter pour faire battre le Front national", a précisé un peu plus tard le secrétaire national aux élections, Christophe Borgel.
Le porte-parole du PS David Assouline a averti que les listes qui ne se retireraient pas en cas de menace FN n'auront pas l'investiture du PS.
Pierre Laurent, numéro un du PCF, a de son côté demandé "la fusion des listes de gauche" pour "barrer la route" au FN tandis que deux syndicats, la CFDT et l'Unsa, ont appelé à "faire barrage" au FN.
La droite compte sur une mobilisation de son électorat pour confirmer ses résultats du premier tour et tenter de reconquérir les électeurs du FN.
Pour son président, Jean-François Copé, l'UMP "est en train de renaître après deux années difficiles". A l'issue de la réunion du bureau politique de son parti, il a prévenu que "l'UMP se maintiendra(it) dans toutes les villes" le 30 mars. Il a exclu toute alliance avec le FN, menaçant d'exclusion ceux qui passeraient outre et tout appel à voter PS, "allié à l'extrême gauche qui n'a rien à envier à l'extrême droite".
Une stratégie qui va à l'encontre de celle de son alliée, l'UDI qui a pris "une décision sans ambiguïté" demandant au PS et à l'UMP de se retirer dans plusieurs villes pour contrer le FN, comme Forbach, Carpentras ou Saint-Gilles.