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L'abstention pourrait atteindre des taux records à l'issue du premier tour des municipales, dimanche soir. Tous les indicateurs sont au rouge : forte impopularité de l'exécutif, l'UMP touchée par de multiples affaires qui peine à ressembler à une opposition crédible. Le contexte paraît idéal pour une percée du Front national. "Il faut rester prudent", relativise Jérôme Fourquet, directeur du département opinion publique de l'IFOP.
Beaucoup de responsables politiques craignent une très forte abstention lors des élections municipales. Le taux record de 33,46% au premier tour, atteint en 2008, peut-il être battu ?
- Il y a des chances en effet. Plusieurs éléments peuvent nous le faire penser. Premièrement, on constate aujourd'hui des indicateurs d'abstention à peu près dans le même ordre en terme d'estimation qu'en 2008. Deuxièmement, la tendance historique est une hausse continue de l'abstention, scrutin après scrutin. On peut légitimement penser que la tendance va se renforcer pour atteindre un très haut niveau.
Enfin, le climat politique actuel est dégradé. Le couple exécutif est touché par l'impopularité, qui peut entraîner du mécontentement au sein de son électorat. En outre, les personnalités politiques, qui ont un lien, plus ou moins important, avec les affaires récentes, ont du mal à s'en défaire. Tout cela conduit à un climat de défiance massive envers les dirigeants politiques qui devrait entraîner une abstention supplémentaire.
Y a-t-il des régions où l'abstention sera plus forte que d'autres ?
- Je ne suis pas convaincu qu'on puisse avoir une lecture régionalisée de l'abstention. En revanche, ce phénomène va beaucoup varier d'une ville à l'autre en fonction des enjeux locaux. Si vous avez un favori largement en tête dans les sondages, les électeurs auront plus de mal à se mobiliser. Si, au contraire, le scrutin s'annonce serré et incertain, le taux de participation devrait être plus important.
D'une manière générale, c'est vrai que les régions les plus touchées au niveau économique, par le chômage notamment, devraient plus s'abstenir, mais le critère le plus important reste l'intérêt politique du scrutin.
Le PS craint une forte abstention, à cause de l'impopularité du gouvernement. Peut-elle lui faire perdre ou l'empêcher de faire basculer certaines villes ?
- Oui, c'est évident. Il s'agit d'un phénomène bien connu, qu'on appelle l'abstention différentielle en sciences politiques. Cela signifie qu'elle ne touche pas tous les partis de la même manière, ce qui pourrait conduire à des scores fortement modifiés dans les villes à scrutin serré. La gauche pourrait ainsi perdre des villes à cause de la faible mobilisation de son électorat. Par contre, je ne pense pas que ce phénomène puisse l'empêcher de faire basculer des communes, car les chances de bascule mobilisent l'électorat et les militants. Quand il s'agit de défendre un bilan, c'est plus difficile.
A droite, les responsables UMP craignent une démobilisation de leur électorat, suite aux multiples affaires qui ont émaillé l'actualité politique (Copé, Buisson, Sarkozy). Vont-elles vraiment handicaper l'UMP dans cette élection ?
- Cela pourrait jouer à la marge. Le différentiel d'intérêts au scrutin est favorable à la droite mais pas autant qu'il le devrait, si on prend en compte la forte impopularité du gouvernement. S'ils ne connaissent pas une mobilisation si supérieure, c'est qu'une part non négligeable de l'électorat de droite n'est pas convaincue par les candidats locaux ou que l'UMP peine à paraître comme une opposition crédible. Car, il faut le rappeler, cette élection se traduit en général par une sanction à l'encontre du pouvoir exécutif.
Finalement, le FN ne pourrait-il pas profiter de cette situation pour sortir comme le grand gagnant de ces municipales ?
- Il faut rester prudent. L'idée que le Front a un électorat très mobilisé et protestataire n'est pas si vraie que ça. Ce serait même plutôt le contraire. L'électorat du Front national est populaire et distant de la politique. Si l'abstention est élevée, il pourrait donc en pâtir de par la composante sociologique de son électorat. Les municipales ne sont pas forcément les meilleures élections pour le Front.
D'ailleurs, Marine Le Pen, lors de sa tournée dans le Sud-est, a beaucoup insisté sur la nécessité de sa mobilisation. Un bon nombre de ses électeurs peuvent ne pas trouver motivant de voter aux municipales.
Propos recueillis par Anthony Halpern – Le Nouvel Observateur