La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a prévenu mercredi qu'il fallait augmenter fortement les tarifs de l'électricité pour couvrir l'envolée des coûts d'EDF liés notamment au parc nucléaire, ce que le gouvernement a aussitôt rejeté au nom de la défense du pouvoir d'achat.
A la demande du gouvernement, le régulateur des marchés français de l'électricité et du gaz a mené pour la première fois une analyse approfondie des coûts de production et de commercialisation de l'électricien public.
Il en ressort que ces coûts augmentent beaucoup plus que l'inflation et encore plus que ne l'avait anticipé la CRE. Cette tendance devrait se prolonger dans les années qui viennent et nécessite, selon la Commission, d'importantes augmentations tarifaires, puisque la loi prévoit que les tarifs réglementés couvrent les coûts de l'opérateur historique.
Selon les calculs du régulateur, publiés mercredi, le tarif bleu d'EDF, destiné aux particuliers, devrait ainsi augmenter cet été de 6,8% à 9,6% (selon que la prolongation du parc nucléaire d'EDF est prise ou non comme hypothèse comptable), puis d'environ 3,2% en 2014 comme en 2015.
De plus, il faudrait rajouter un rattrapage de 7,6% (qui pourrait être étalé dans le temps) afin de compenser la hausse nettement insuffisante de ce même tarif l'an dernier.
Le gouvernement Ayrault avait limité l'an dernier à 2% la hausse annuelle des tarifs de l'électricité, bien moins que ce préconisait la CRE. Celle-ci a chiffré à 1,47 milliard d'euros l'écart entre les recettes et les coûts réels d'EDF en 2012.
Pas acceptable, au nom du pouvoir d'achat
Mais le gouvernement, qui fixe au final les tarifs réglementés d'EDF, a aussitôt indiqué qu'il n'était pas question d'appliquer immédiatement de telles augmentations cumulées, au nom du pouvoir d'achat.
«Nous n'envisageons absolument pas de procéder au rattrapage du retard accumulé depuis plusieurs années immédiatement, compte tenu du niveau du pouvoir d'achat des Français», a rapporté la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem, après le conseil des ministres, qualifiant le rapport de la CRE de «contribution sur laquelle nous allons travailler».
«Il y a un problème de coût de production de l'électricité qui augmente, mais il y a aussi un problème de pouvoir d'achat pour les Français», et «en l'état du pouvoir d'achat, il n'est pas question d'accepter une telle hausse cumulée», a assuré de son côté la ministre de l'Ecologie Delphine Batho à l'AFP, affirmant que la révision annuelle des tarifs d'EDF, qui sera décidée en juillet, tiendrait compte de ces paramètres.
Le gouvernement a aussi mis en avant l'extension à 8 millions de Français des tarifs sociaux de l'énergie, grâce à la loi Brottes entrée en vigueur en avril.
Des déclarations qui ne satisfont pas le président de l'UFC-Que Choisir, Alain Bazot. «Le gouvernement navigue à vue, c'est circuler pour mieux sauter, ce n'est plus tenable», a-t-il dit à l'AFP, en prévenant qu'en repoussant les augmentations à plus tard, l'Etat courrait le risque de nouveaux revers judiciaires.
M. Bazot a réclamé «une réunion de crise» pour «remettre à plat les outils de maîtrise des tarifs de l'électricité», et parvenir à anticiper les augmentations plutôt que de les subir.
La CRE, elle, juge son rapport dans la lignée des prévisions qu'elle émet régulièrement. Elle avait encore confirmé en février tabler sur une progression de 30% des tarifs réglementés d'EDF de 2012 à 2017.
«Nous sommes exactement dans les clous des 30%, c'est même plutôt un peu plus» pour le tarif bleu, a souligné le président de la CRE, Philippe de Ladoucette, en présentant ces données à des journalistes.
Le régulateur juge ces hausses nécessaires pour couvrir la progression nettement supérieure à l'inflation des charges d'EDF, et notamment ses dépenses croissantes pour entretenir et renforcer la sûreté du parc nucléaire hexagonal, mis en service entre 1975 et 1995.
La CRE estime que les coûts de l'électricien historique ont augmenté entre 2007 et 2012 de 5,1% par an en moyenne pour les charges fixes et variables, de 2,9% pour les charges de capital, et de 6,3% pour les coûts commerciaux. Alors que sur cette période, l'inflation était en moyenne inférieure à 2% par an.